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Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière

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Néanmoins, il me semble que dans une<br />

lettre à M. de la Chapelle rédigée à Paris le<br />

3 janvier 1700, Boileau définit la<br />

particularité de la satire, comme art du<br />

mélange aigre-doux alternant éloge et blâme<br />

: « Je suis bien aise de la bonne opinion que<br />

M. le Baron a de moi ; et j’ai trouvé son<br />

compliment à M. le Comte d’Ayen très joli<br />

et très spirituel. Il est dans le goût des<br />

compliments de <strong>Molière</strong> ; c’est-à-dire que la<br />

satire y est adroitement mêlée à la flatterie,<br />

afin que l’une fasse passer l’autre ».<br />

L’expression « dans le goût des<br />

compliments de <strong>Molière</strong> » ne m’apparaît<br />

pas claire : pensez-vous qu’elle renvoie au<br />

ton aigre-doux des compliments qu’aurait<br />

formulés <strong>Molière</strong> ou au goût des<br />

compliments que Boileau a formulés sur<br />

<strong>Molière</strong> dans la fameuse satire que vous<br />

avez analysée ?<br />

« <strong>Molière</strong> » est quasiment absent de la<br />

correspondance littéraire de Boileau. Si<br />

l’on réfléchit réellement à cette anomalie,<br />

une réponse vient, toute simple : Boileau<br />

ayant fini par bien connaître Poquelin<br />

savait qu’il n’était en rien un poète, un<br />

"écrivain", et qu’il n’avait donc pas à<br />

figurer dans une correspondance<br />

éminemment littéraire.<br />

Les deux, sans doute. Au XVII e siècle les<br />

hommages et compliments sont toujours à<br />

double sens, ce que vous appelez « aigredoux<br />

». Ceux signés <strong>Molière</strong> n’échappent<br />

pas à la règle, surtout s’ils ont été écrits,<br />

ainsi que nous le supposons, par Chapelle,<br />

ou <strong>Corneille</strong> comme c’est sans doute le cas<br />

pour le "Remerciement au Roi" de<br />

<strong>Molière</strong> ; comparez ce « Remerciement au<br />

Roi » à celui qu’écrit dans le même temps<br />

<strong>Corneille</strong> : on dirait deux versions d’un<br />

même pensum. Par ailleurs, Boileau<br />

reconnaît à <strong>Molière</strong> une qualité : celle<br />

d’être un « bel-esprit » c’est-à-dire, non<br />

pas un intellectuel comme on nous le fait<br />

croire aujourd’hui, mais un « mondain »,<br />

un « plaisant », un « courtisan ». En<br />

conséquence, <strong>Molière</strong>, tout petit-bourgeois<br />

qu’il est par son éducation, et tout farceur<br />

qu’il est par sa nature profonde, sait les<br />

usages de la Cour. C’est de ce <strong>Molière</strong>-là<br />

dont parle Boileau, lui qui fut aussi un<br />

grand courtisan ; ce n’est pas pour rien<br />

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