Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière

Je ne mentionne qu’en passant le tableau
découvert par Mme Deleuze en mars 1840
qui comportait un papier de la main de
Molière dont nous avons le texte.
Suppositions ? Certes ! Mais que de
menteurs alors ! L’idée de complots,
d’autant de mauvaises fois réunies, sur tant
de siècles par tant de gens me paraît une
idée fort suspecte. Et à qui profiterait le
crime ? J’ai la naïveté de croire qu’un seul
homme honnête aurait démasqué à chaque
époque autant de forfaitures étrangement
réunies.
40
il emploie l’expression « papiers de
Molière » et non "manuscrits", laquelle
expression vaut pour les affaires de
Molière, les papiers qui le concernent. Il
devait y avoir dans ces « papiers » des
scènes manuscrites de plusieurs encres au
milieu de factures et de nombreuses
reconnaissances de dettes car Molière était
aussi un homme d’affaires.
Aucun moliériste aujourd’hui ne croit
plus à cette histoire ; des lettres de Molière
inespérées, il y en a eu plusieurs au cours
du XIX e siècle : des mystifications dont les
moliéristes furent, chaque fois, les dupes
consentantes.
Ne suis-je pas un peu cet homme-là ? Et
voyez les difficultés que j’ai ; on refuse de
publier le travail de dix années, les
éditeurs ne veulent pas entendre parler de
l’affaire Corneille-Molière… En ce qui
concerne le "complot", recensez les
occurences où il est question, de son
vivant, de manuscrits de Molière : il n’y
en a aucune. Quant aux légendes
posthumes, aucune ne présente de
garantie, surtout pas l’histoire de la malle
de Molière qui fait rêver jusqu’à son
dernier biographe, Christophe Mory. Il
n’y a jamais eu "complot", au sens
romanesque de ce mot qui fascine tant
aujourd’hui. Il s’est passé ceci :
l’instauration d’un nouvel ordre moral –
celui du régime dévot post 1680 – a dans
un premier temps occulté le plus possible
Molière, c’est-à-dire le Bouffon du Roi.
Puis une réaction politique menée par
Voltaire et ses épigones a remis Molière à
la mode. Il y a donc toujours eu autour du
nom Molière un relent de libertinage, plus
ou moins censuré par le parti dévot au