Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
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des Femmes écrit en 1664 : « Il n’est pas de<br />
bouquin qui s’échappe de ses mains mais le<br />
bon usage qu’il fait de ces choses les rend<br />
encore plus louables » et Donneau de Visé<br />
dans Zélinde en présente une version plus<br />
méchante : « Pour réussir, il faut prendre la<br />
manière de <strong>Molière</strong> : lire tous les livres<br />
satiriques, prendre dans l’espagnol, prendre<br />
dans l’italien et lire tous les vieux bouquins.<br />
Il faut avouer que c’est un galant homme, et<br />
qu’il est louable de se servir de tout ce qu’il<br />
lit de bon ». L’accusation de plagiat –<br />
notion presque anachronique pour l’époque<br />
– est évidente mais tout s’accorde ici pour<br />
faire de <strong>Molière</strong> un (grand) lecteur.<br />
De là à écrire, je vous concède que c’est<br />
autre chose ; mais de là à en faire un homme<br />
illettré, il y a plus qu’un pas que je me<br />
garderai de franchir.<br />
36<br />
Si de Visé, qui connaissait les coulisses des<br />
trois théâtres parisiens de son temps, a<br />
jugé bon de parler des pratiques de<br />
<strong>Molière</strong> alors que le plagiat était fréquent<br />
pour toutes les troupes, c’est parce que<br />
<strong>Molière</strong> l’avait érigé comme le principe<br />
même du fonctionnement de son théâtre.<br />
Dès lors, la gloire que lui apportait le<br />
soutien du Roi, était, littérairement<br />
parlant, disproportionnée. Autrement dit :<br />
trop, c’est trop, même pour Donneau de<br />
Visé. Car de Visé n’est pas un "ennemi"<br />
de <strong>Molière</strong> ; au contraire, c’est un allié de<br />
longue date qui joue auprès de l’élite le<br />
rôle d’introducteur. Mais comme tous les<br />
introducteurs, il est obligé de ménager son<br />
lectorat bourgeois et noble tout en le<br />
titillant avec les plagiats, les frasques ou<br />
les « obscénités » de celui qui, depuis 1661,<br />
est le Bouffon du Roi et dont il a tout à<br />
espérer.<br />
Sous le règne de Louis XIV on n’avait pas<br />
besoin de savoir écrire pour être un<br />
comédien, encore moins pour être un<br />
farceur. A ma connaissance il n’y a jamais<br />
eu un seul farceur de ce temps qui ait su<br />
écrire. Or <strong>Molière</strong> a commencé sa carrière<br />
comme farceur et l’a terminée de même,<br />
sous le masque de Scapin, puis d’Argan.<br />
Enfin, on n’avait pas besoin de savoir<br />
écrire pour être un bon courtisan,<br />
d’ailleurs Sa Majesté elle-même écrivait<br />
mal. Sous le règne du Soleil il suffisait