Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière

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- Les minutes de Maître Durant datées du 13 mars 1673 et jours suivants qui dressent "l’inventaire après le décès de Molière" sont la pièce majeure découverte par l’auteur de l’ouvrage. Elle mentionne plus de 300 ouvrages, tant contemporains, qu’étrangers et antiques. C’est une bibliothèque digne d’un grand auteur. Pierre Corneille. 34 1) Un comptage minutieux montre qu’il n’y avait que de 226 titres différents. Le moliériste Henri Lavoix s’en plaignit : « Comment ! c’est là tout ? Et Plaute ? Il n’y est pas. Et Rabelais ? Et Boccace ? Et ces maîtres de la comédie dans laquelle a dû puiser Molière ? Rien de tout cela. La bibliothèque est restreinte. Elle tiendrait tout entière dans la mémoire d’un homme. » 2) Non seulement Molière ne possédait pas une bibliothèque d’écrivain, mais financièrement, elle ne vaut presque rien, moins de 13 pistoles, somme équivalente à 130 livres tournois. Autrement dit, cinquante fois inférieure à la valeur de sa vaisselle. 3) 226 titres alors qu’à cette époque les bibliothèques « les plus belles comptaient 10.000 volumes environ » (André Stegmann), par exemple celle de J.-B. Haultin, conseiller au Châtelet. Celle du cardinal Mazarin en réunissait cinq mille, celle de Bossuet six mille, celle du comédien Rosimond autant, celle de Pierre Corneille, qui pourtant n’était pas riche, suscita la convoitise du bibliophile Boileau. La bibliothèque du médecin Guy Patin était réputée pour ses livres d’érudition. Jean Gallois, directeur du Journal des savants, possédait 12.000 volumes, l’écrivain rouennais Emery Bigot 25.000, Fouquet près de 27.000 et Colbert triomphait avec 35.000 ouvrages reliés à ses armes, en maroquin ou en veau fauve. 4) La bibliothèque du richissime Molière est surtout remplie de recueils de comédies italiennes et françaises… ouvrages dans lesquels ses collaborateurs et lui puisaient sans vergogne. Vous le voyez, nous sommes loin de la « bibliothèque digne d’un grand

Je vous épargne la liste que vous connaissez. Dans la maison d’Auteuil, occupée avant tout par Molière séparé de corps d’Armande, on trouve aussi de nombreux ouvrages parmi lesquels un de physique du scientifique Rohault. L’auteur de l’ouvrage a établi que c’est par son intermédiaire que Molière était venu en aide à son père, ce qui semble prouver que l’ouvrage est un cadeau personnel de son ami. Je suis d’accord pour attribuer une part de ces ouvrages à sa femme, qui avait pu en recevoir de l’héritage de son père puis de sa mère décédée en 1670, et plus encore de sa sœur Madeleine décédée le 19 février 1672 (aucun ouvrage mentionné dans l’inventaire dressé à son décès, mais le ménage a pu être fait). Enfin, malgré toutes ces suppositions d’enrichissements successifs extérieurs au comédien Molière, je trouverais très exagéré et relevant d’un parti pris non fondé qu’on dénie la possibilité à Molière d’avoir été lecteur, d’avoir pu s’acheter des livres et d’en avoir possédé rien qu’à lui. D’ailleurs, deux témoignages de contemporains s’accordent avec cette idée. Lacroix, dans sa Guerre comique ou la Défense de l’Ecole 35 auteur »… Pensez à ce que je vous ai recommandé de faire : deux colonnes avec dans l’une le pour, et dans l’autre le contre du credo "Molière grand auteur". Lorsque nous nous sommes débarrassés de nos préjugés, la première colonne se remplit peu, l’autre toujours plus. Ainsi, selon votre capacité à accepter les réalités socio-politiques du XVII e siècle, vous deviendrez - ou vous refuserez de devenir - cornélien. Pas de « nombreux ouvrages », seulement une trentaine. Et, pour aucune des deux maisons de Molière, l’inventaire après décès ne signale de bureau ou de meuble bibliothèque lui appartenant. Les vicissitudes de la vie font qu’il arrive souvent à un écrivain de devoir offrir un livre à quelqu’un qui ne le lira jamais. Autre point : dans son Molière (1998), Roger Duchêne a montré que Poquelin fils n’a "aidé " son père que pour avoir la mainmise sur la boutique, au détriment de ses frères et sœurs qui vivaient encore.

Je vous épargne la liste que vous<br />

connaissez. Dans la maison d’Auteuil,<br />

occupée avant tout par <strong>Molière</strong> séparé de<br />

corps d’Armande, on trouve aussi de<br />

nombreux ouvrages parmi lesquels un de<br />

physique du scientifique Rohault.<br />

L’auteur de l’ouvrage a établi que c’est par<br />

son intermédiaire que <strong>Molière</strong> était venu en<br />

aide à son père, ce qui semble prouver que<br />

l’ouvrage est un cadeau personnel de son<br />

ami.<br />

Je suis d’accord pour attribuer une part de<br />

ces ouvrages à sa femme, qui avait pu en<br />

recevoir de l’héritage de son père puis de sa<br />

mère décédée en 1670, et plus encore de sa<br />

sœur Madeleine décédée le 19 février 1672<br />

(aucun ouvrage mentionné dans l’inventaire<br />

dressé à son décès, mais le ménage a pu être<br />

fait). Enfin, malgré toutes ces suppositions<br />

d’enrichissements successifs extérieurs au<br />

comédien <strong>Molière</strong>, je trouverais très exagéré<br />

et relevant d’un parti pris non fondé qu’on<br />

dénie la possibilité à <strong>Molière</strong> d’avoir été<br />

lecteur, d’avoir pu s’acheter des livres et<br />

d’en avoir possédé rien qu’à lui. D’ailleurs,<br />

deux témoignages de contemporains<br />

s’accordent avec cette idée. Lacroix, dans sa<br />

Guerre comique ou la Défense de l’Ecole<br />

35<br />

auteur »… Pensez à ce que je vous ai<br />

recommandé de faire : deux colonnes avec<br />

dans l’une le pour, et dans l’autre le<br />

contre du credo "<strong>Molière</strong> grand auteur".<br />

Lorsque nous nous sommes débarrassés<br />

de nos préjugés, la première colonne se<br />

remplit peu, l’autre toujours plus. Ainsi,<br />

selon votre capacité à accepter les réalités<br />

socio-politiques du XVII e siècle, vous<br />

deviendrez - ou vous refuserez de devenir<br />

- cornélien.<br />

Pas de « nombreux ouvrages », seulement<br />

une trentaine. Et, pour aucune des deux<br />

maisons de <strong>Molière</strong>, l’inventaire après<br />

décès ne signale de bureau ou de meuble<br />

bibliothèque lui appartenant.<br />

Les vicissitudes de la vie font qu’il arrive<br />

souvent à un écrivain de devoir offrir un<br />

livre à quelqu’un qui ne le lira jamais.<br />

Autre point : dans son <strong>Molière</strong> (1998),<br />

Roger Duchêne a montré que Poquelin fils<br />

n’a "aidé " son père que pour avoir la<br />

mainmise sur la boutique, au détriment de<br />

ses frères et sœurs qui vivaient encore.

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