Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Quant à la notion d’auteur au XVII e siècle,<br />
si éloignée de la nôtre, elle me rappelle un<br />
peu la nouvelle de Borges "Pierre Ménard<br />
auteur de Don Quichotte".<br />
30<br />
XIV osa-t-il dire "qu’il ne le croyait pas",<br />
lui qui avait été le protecteur fidèle de<br />
<strong>Molière</strong> ! » La réponse, une fois encore, est<br />
la même que pour toutes les interrogations<br />
sur une prétendue incompréhension de<br />
Louis XIV de qui fut <strong>Molière</strong> : Sa Majesté<br />
savait très bien que son favori n’était pas<br />
autre chose qu’un excellent comédien de<br />
farces, un efficace directeur de troupe et<br />
un prompt auxiliaire de sa politique. Il<br />
serait vraiment injuste de faire de Louis<br />
XIV un sot sous prétexte qu’il ne pouvait<br />
pas adhérer, et pour cause, à un dogme<br />
qui sera créé un siècle plus tard et qui<br />
exige une admiration aveugle pour<br />
<strong>Molière</strong>. De plus, comme l’a fait<br />
remarquer le moliériste Eugène Despois,<br />
« Boileau n’a pas dit le plus grand, comme<br />
on le lui fait souvent dire, mais le<br />
plus rare, ce qui est fort différent. <strong>Molière</strong><br />
et La Fontaine étaient bien, dans leurs<br />
genres, les écrivains les plus rares de ce<br />
temps et de beaucoup d’autres, ceux<br />
auxquels on ne pouvait comparer<br />
personne ; tandis qu’on pouvait comparer<br />
Racine à <strong>Corneille</strong>, Bossuet à<br />
Pascal... » Cette nuance est plus justifiée<br />
encore si l’on tient compte que <strong>Molière</strong> fut<br />
le seul, durant le règne du Roi-Soleil, à<br />
avoir été LE Bouffon du Roi.<br />
Sur beaucoup de points nous autres<br />
Modernes utilisons les mêmes mots que les<br />
sujets de Louis XIV, mais dans un sens<br />
souvent opposé. C’est flagrant avec les<br />
mots « auteur », « comédie » (si cotés<br />
aujourd’hui), aussi avec l’expression « belesprit<br />
» dont se gargarisent ceux qui<br />
veulent nous convaincre que ses<br />
contemporains ont bien senti en <strong>Molière</strong><br />
un intellectuel de première grandeur. Rien<br />
n’est plus inexact. Sous Louis XIV<br />
l’expression « bel-esprit », à cause d’un<br />
usage abusif, était devenue péjorative.<br />
C’est pour cela que dans Les Précieuses<br />
ridicules (sc. 1) La Grange dit de