Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
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La variabilité des jugements de Boileau ne<br />
m’apparaît guère à son honneur, même si la<br />
course aux pensions et autres honneurs<br />
académiques après lesquels sa vieillesse<br />
semble avoir couru peut en rendre compte.<br />
29<br />
vérités que l’on nous a inculquées dès<br />
l’enfance et durant notre scolarité. C’est<br />
tellement gratifiant lorsque l’on accepte<br />
un consensus… Le problème avec les<br />
consensus nationaux, c’est qu’ils sont de<br />
surface ; grattez et vous trouverez le<br />
contraire d’une unanimité. Ainsi, lorsque<br />
j’ai entrepris ma thèse, rien ne m’a<br />
davantage étonné que de constater, malgré<br />
le credo "<strong>Molière</strong> auteur de génie" très<br />
ancré, que chaque moliériste avait vu, ou<br />
du moins entraperçu, un détail, une<br />
particularité de <strong>Molière</strong> qui ne cadrait pas<br />
avec le portrait officiel, souvent même le<br />
contredisait tout à fait. J’ai pour<br />
l’essentiel bâti ma thèse sur toutes ces<br />
anomalies relevées par les moliéristes euxmêmes<br />
mais auxquelles, évidemment, ils<br />
n’ont jamais prêté l’attention suffisante.<br />
Attention, vous parlez en Moderne. Sous<br />
Louis XIV la quête d’une reconnaissance<br />
est immédiate ou elle n’est pas ; devenu<br />
adulte, chaque homme de qualité espère<br />
approcher le Roi et, pour cela, fait à sa<br />
façon. Il est certain qu’au début Boileau<br />
s’y est mal pris ; mais en devenant un<br />
proche de <strong>Molière</strong>, il a su assez<br />
manœuvrer (flattant et griffant tout à la<br />
fois l’amuseur du Roi) pour, au final,<br />
devenir l’un des courtisans les plus en vue;<br />
à ce moment-là <strong>Molière</strong> est mort depuis<br />
suffisamment de temps pour qu’il soit<br />
permis d’émettre une critique à son sujet,<br />
mais, attention, jamais ouvertement, car<br />
ce serait critiquer les anciens goûts du Roi.<br />
Souvenez-vous de la fameuse anecdote<br />
tardive et dévote, puisque racontée par le<br />
pâle fils de Racine, où Louis XIV demande<br />
à Boileau qui fut « le plus rare des grands<br />
écrivains qui avaient honoré la France » et<br />
Boileau de lui nommer <strong>Molière</strong>. Le Roi lui<br />
rétorque alors, parce qu’il ne manquait<br />
pas d’un certain humour : « Je ne le<br />
croyais pas, mais vous vous y connaissez<br />
mieux que moi. » Le moliériste Antoine<br />
Bret s’étonne : « Mais comment Louis