Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
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<strong>Corneille</strong> ne mène apparemment pas un<br />
train de vie fort dispendieux mais la famille<br />
est nombreuse. Où va donc son argent ?<br />
Thomas <strong>Corneille</strong> connaît de très gros<br />
succès en tant qu’auteur. Que fait-il de cet<br />
argent ?<br />
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des terres d’un revenu médiocre, et dont<br />
les revenus littéraires étaient un<br />
complément. Ce qui explique que<br />
<strong>Corneille</strong> ait quémandé tout au long de sa<br />
longue carrière, sauf durant la parenthèse<br />
allant de 1658 à 1674 ; précisément durant<br />
ce que j’appelle son partenariat avec<br />
l’amuseur attitré du Roi.<br />
Sous le règne de Louis XIV, aucun<br />
écrivain n’a vécu de sa plume. Thomas<br />
<strong>Corneille</strong> qui n’arrêta pas de publier a fini<br />
dans la misère, ainsi que plusieurs<br />
témoignages l’attestent. C’est donc<br />
qu’écrire ne suffisait pas. Il fallait<br />
d’autres revenus. Thomas, on le sait, fut le<br />
nègre de vedettes du théâtre et aussi celui<br />
de son ami Donneau de Visé, lequel, fort<br />
heureusement, créa avec lui une gazette<br />
très prisée. Thomas acceptait aussi les<br />
commandes alimentaires de l’Académie<br />
française. Plus révélateur encore : il est<br />
devenu le fournisseur de la Troupe de<br />
<strong>Molière</strong> lorsque celui-ci décéda, prenant, à<br />
mon sens, la place qu’occupait, du temps<br />
de <strong>Molière</strong>, son frère aîné. Mais sans<br />
<strong>Molière</strong> les succès furent moindres et, de<br />
toute façon, l’époque n’était plus la même.<br />
Il faut donc s’interroger sur ce fait<br />
anormal : alors que sous le règne de Louis<br />
XIV tous les intellectuels sont les<br />
“domestiques” d’un puissant (c’est le<br />
terme de l’époque), <strong>Corneille</strong>, qui n’est<br />
pas riche, n’a plus de métier salarié depuis<br />
1652 et ne reçoit sa pension (insuffisante)<br />
que de façon irrégulière (à la différence de<br />
<strong>Molière</strong>), n’a été le “domestique” de<br />
personne de 1658 (date où il rencontre de<br />
façon professionnelle <strong>Molière</strong> et sa troupe)<br />
à 1673 (date de la mort de <strong>Molière</strong>). Or,<br />
<strong>Corneille</strong>, que ses contemporains disent<br />
“avare” et “mercenaire”, a quémandé,<br />
ainsi que je viens de le dire, avant et<br />
quémandera après ces dates. Il y a là une<br />
anomalie dont aucun corneilliste patenté,<br />
à ma connaissance, ne s’est soucié.