Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
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Ce n’est pas une preuve de quoi que ce soit<br />
mais une différence qui mérite d’être<br />
analysée. Les emprunts évidents à la<br />
tragédie cornélienne, situés dans un<br />
contexte comique (ce qu’oublient de<br />
nombreuses mises en scène modernes qui<br />
jouent, depuis le XIX e siècle, les pièces de<br />
<strong>Molière</strong> comme des drames, contrairement<br />
aux bouffonneries de l’acteur Poquelin et du<br />
jeu qui en découlait, ce que constate Jules<br />
Lemaître au XIX e siècle), méritent d’être<br />
analysés car ce déplacement induit des<br />
effets sur le spectateur très différents.<br />
21<br />
<strong>Corneille</strong> n’a jamais ignoré, lui qui est<br />
créateur de la bonne comédie, qu’en<br />
comédie il n’est pas question d’employer<br />
le mot « honneur » sans un adjectif qui<br />
puisse le caractériser aux yeux du public<br />
ignare qui remplissait alors le<br />
« parterre ». De la même manière, un<br />
grand cuisinier sait, lorsque cela s’avère<br />
nécessaire, servir au jeune fils de son<br />
client un hamburger avec du ketchup et<br />
des frites. Chez le « commun », l’honneur<br />
cornélien ne signifiait rien et n’avait<br />
aucun goût ; il fallait donc l’accommoder ;<br />
ce qu’a fait professionnellement <strong>Corneille</strong>.<br />
Relisons L’Illusion comique et voyons le<br />
rôle que jouent les adjectifs et les épithètes<br />
dans la bouche de Matamore, parodie<br />
grotesque du Rodrigue du Cid ; les deux<br />
pièces ont été écrites à la même époque, ce<br />
qui en dit beaucoup sur l’ambivalence de<br />
<strong>Corneille</strong>.<br />
Vous êtes-vous demandé pourquoi seules<br />
les pièces "sérieuses" de <strong>Molière</strong><br />
contiendraient emprunts et allusions, et<br />
jamais les farces qui s’y prêteraient<br />
davantage puisqu’elles veulent susciter<br />
rire et moquerie ? De nombreux exégètes<br />
ne croient d’ailleurs pas que <strong>Molière</strong> ait<br />
jamais été parodique envers <strong>Corneille</strong>.<br />
Mais, s’il l’a été (son emploi auprès du Roi<br />
l’obligeait à rire de tout), je trouve curieux<br />
qu’il n’ait pas utilisé la farce à cet effet.<br />
Les moliéristes citent un quatrain<br />
dans L’Ecole des Femmes qui serait une<br />
attaque contre Pierre <strong>Corneille</strong>. C’est<br />
ridicule. <strong>Molière</strong>, qui, lorsqu’il attaque<br />
quelqu’un, est généralement lourd et<br />
direct, se serait fait soudain bien subtil,