Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
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citation est tellement sans ambiguïté qu’elle<br />
mérite que vous lui fassiez un sort.<br />
Loret n’est jamais ironique (il rapporte des<br />
faits) et il me semble qu’il montre combien<br />
il est commun en 1664 de comparer <strong>Molière</strong><br />
à Plaute (quand on veut le critiquer) ou à<br />
Térence (quand on veut le louer) et combien<br />
il sera paradoxal (mais ça c’est le talent des<br />
écrivains, et celui de Boileau en particulier)<br />
de le comparer simultanément à Plaute ET<br />
Térence.<br />
13<br />
Dans ce cas, prenons les choses à leur<br />
point de départ qui n’est pas 1664 mais<br />
1659. Dans La Muse historique du 6<br />
décembre 1659, Loret ne dit pas que<br />
<strong>Molière</strong> est l’auteur des Précieuses<br />
ridicules, première pièce présentée au<br />
public, seulement :<br />
« Cette troupe de Comédiens<br />
Que Monsieur avoue être siens<br />
Représentant sur le théâtre<br />
Une action assez folâtre […] ».<br />
En revanche, parlant d’ Œdipe, il précise<br />
bien le nom de <strong>Corneille</strong> :<br />
« Que jamais les pièces Du Ryer<br />
Qui fut si digne du laurier ;<br />
Jamais l’Œdipe de <strong>Corneille</strong><br />
Que l’on tient être une merveille ;<br />
[…] N’eurent une vogue si grande<br />
Tant la pièce semble friande<br />
A plusieurs, tant sages que fous. […] »<br />
Comme on le voit, l’intelligentsia du XVII e<br />
siècle, qui abusait de l’anonymat et du<br />
prête-nom, savait dire la vérité quand elle<br />
ne faisait courir de risque à personne.<br />
Lorsque Loret sut que <strong>Molière</strong> était le<br />
favori du Roi (et ce dès 1661) et le prêtenom<br />
de <strong>Corneille</strong>, il l’a tout naturellement<br />
considéré comme « autheur » et, à<br />
l’occasion, car cela lui coûtait peu étant un<br />
proche de <strong>Corneille</strong>, il l’a paré de toutes<br />
les vertus. Vanter <strong>Molière</strong>, amuseur<br />
attitré de Sa Majesté, c’était rendre<br />
hommage à l’excellent goût du Roi (lequel,<br />
on le sait, n’en avait aucun en ce qui<br />
concerne le théâtre et la littérature… et<br />
tant d’autres choses). C’est ainsi que l’on<br />
faisait quand on était du « monde » et que<br />
l’on en connaissait les usages.<br />
Vous trouverez ce ton laudatif et<br />
hypocrite dans toutes les chroniques de<br />
l’époque. Chaque vedette de la scène a été