Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
3- Parcourant "La Muse historique ou<br />
Recueil des <strong>lettres</strong> en vers de Jean Loret",<br />
nous avons le témoignage hebdomadaire<br />
d’un chroniqueur parisien qui présente les<br />
événements dont on parle dans Paris et<br />
auxquels il a parfois assisté. En novembre<br />
1664, lors de la représentation de La<br />
Princesse d’Elide, il écrit :<br />
« Cette pièce si singulière<br />
Est de la façon de <strong>Molière</strong><br />
Dont l’esprit doublement docteur,<br />
Est aussi bien Autheur qu’Acteur<br />
Et que l’on tient par excellence,<br />
De son temps, le Plaute ou Térence ».<br />
Je veux bien que Loret soit un naïf<br />
colporteur des ragots parisiens mais la<br />
12<br />
singulariser en révélant, sans la révéler,<br />
l’association entre <strong>Corneille</strong> et <strong>Molière</strong><br />
(pour autant, il ne risquait pas de<br />
provoquer un scandale : de telles<br />
associations étaient la norme dans le<br />
milieu théâtral). Des années plus tard,<br />
lorsqu’il aurait pu expliquer clairement ce<br />
qu’il en était de celui que l’on appelait<br />
désormais « Monsieur de <strong>Molière</strong> »,<br />
Boileau était devenu un grand courtisan.<br />
Il était trop tard, et pour lui et pour son<br />
époque qui sombrait dans la dévotion. De<br />
plus, raconter l’association c’eût été nuire<br />
à <strong>Corneille</strong> (ce que Boileau ne voulait<br />
surtout pas) et plus encore déplaire à<br />
Louis XIV qui ne souhaitait plus entendre<br />
parler de l’époque où <strong>Molière</strong> était son<br />
amuseur favori. Tout avait changé. Mais<br />
si l’on veut aujourd’hui savoir exactement<br />
ce que Boileau pensait de <strong>Molière</strong>, il suffit<br />
de compter combien de fois le nom de<br />
celui que les moliéristes prétendent être<br />
son « grand ami » apparaît dans sa longue<br />
correspondance, et de comparer, par<br />
exemple, avec les occurrences "Racine". Il<br />
est alors facile de mesurer dans quelle<br />
réelle estime Boileau tenait le Comique<br />
auquel il reprocha sur le tard, vous<br />
semblez l’oublier, son goût immodéré<br />
pour la farce de tréteaux. En cela, Boileau<br />
rejoint Chapelle qui accusa <strong>Molière</strong>,<br />
jusque devant le Roi bon public, de<br />
scurrilité, autrement dit de basse<br />
bouffonnerie.