Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière

mœurs et (du) caractère des hommes ».
Enfin, dans sa correspondance au Comte
Hamilton le 12 mars 1706, Boileau rapporte
une conversation qu’il aurait eue avec
Molière et qui établit un lien entre
l’observation de la société qu’aurait faite
Poquelin et le personnage représenté sur le
théâtre de Molière, Alceste : « je jouai le
vrai personnage du misanthrope dans
Molière, ou plutôt j’y jouai mon propre
personnage ; le chagrin de ce misanthrope
contre les méchants vers ayant été, comme
Molière me l’a confessé plusieurs fois luimême,
copié sur mon modèle ». Boileau
s’élève contre la nomination de
Pontchartrain à l’Académie, en apportant
une œuvre licencieuse de cet auteur. C’est
la scène du sonnet d’Oronte qui justifie aux
yeux de Boileau l’identification qu’il
présente de lui-même au Misanthrope. Or,
ce qui semble ici susceptible d’être
intéressant, c’est que la première
désignation de Molière est celle de
l’écrivain qui a produit Le Misanthrope
mais la seconde renvoie explicitement non à
l’écrivain mais à l’ami Poquelin, les deux
étant identifiés comme « Molière ».
Ce qui me pousse à m’interroger, c’est
pourquoi Boileau aurait-il dénoncé Poquelin
comme l’acteur des œuvres écrites par
Corneille et jouées sous le nom de Molière
dans une seule satire, et pourquoi ce même
écrivain, qui cherche à légiférer et à se
présenter comme impartial, comme ayant un
jugement que la postérité reconnaîtra
comme fiable, accepterait-il ailleurs de
diffuser la version canonique, officielle et
fausse faisant de Molière et de Poquelin une
seule et même personne ?
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Molière est un "autheur", c’est-à-dire
qu’il produit des « pièces de spectacle ».
Que dit aujourd’hui un producteur de
films américain : « Mon film » ; que dit
Sulitzer ou PPDA ? « Mon livre ». De
même Molière disait « Ma pièce ». Mais
que Molière, ou plutôt Jean-Baptiste
Poquelin, ait écrit cette pièce, qu’il l’ait
travaillée à la sueur de son front et de son
poignet, c’est une autre affaire – et elle a
un nom : l’affaire Corneille-Molière…
Parce qu’à l’époque de sa Satire Boileau
débutait dans les Lettres et il a voulu se