Quatre lettres d'un professeur - L'Affaire Corneille-Molière
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pour le XIX e siècle dans le dictionnaire<br />
historique de la langue française), de même<br />
que l’objet créé, le production de l’esprit qui<br />
désigne un livre particulier considéré<br />
concrètement sous sa forme d’écrit<br />
(acception attestée depuis le XV e siècle). Il<br />
semble que ce soit la publication de<br />
l’ouvrage qui soit l’objet de censure et non<br />
les représentations théâtrales.<br />
Plus troublant, dans "l’Epître à Racine", on<br />
peut être surpris de trouver un tercet qui se<br />
rapporte à <strong>Molière</strong>. Rien n’oblige Boileau à<br />
convoquer le représentant de la comédie<br />
alors qu’il s’adresse au tragédien Racine :<br />
« Avant qu’un peu de terre, obtenu par<br />
prière<br />
Pour jamais sur la tombe eût enfermé<br />
<strong>Molière</strong><br />
Diffamer son chef-d’œuvre nouveau ».<br />
Dans la tombe, c’est bien Poquelin qui est<br />
désigné ; pour le « chef-d’œuvre », c’est<br />
l’auteur de la pièce à laquelle se rapporte<br />
l’écrivain. Ici, les deux ne font qu’un sous la<br />
plume de Boileau.<br />
Dans les "Réflexions critiques" de Boileau,<br />
l’éloge de Régnier le désigne comme un<br />
précurseur de <strong>Molière</strong>, excellant dans l’art<br />
du portrait et dans la connaissance des «<br />
10<br />
Sans doute les deux car la carrière de<br />
<strong>Molière</strong> fut très attaquée de toutes parts.<br />
C’est d’abord le Bouffon du Roi qu’il<br />
fallait circonscrire ; le farceur applaudi et<br />
l’ « autheur » d’ouvrages jugés comme<br />
blasphématoires ou libertins était<br />
relativement moins dangereux. Pour ce<br />
qui est des "ouvrages" de <strong>Molière</strong> dans le<br />
sens éditorial, voyez le cas de la tragédieballet<br />
Psyché. <strong>Corneille</strong> a écrit les troisquarts<br />
de cette pièce, mais c’est <strong>Molière</strong><br />
qui l’édite sous son seul nom ; et jamais<br />
<strong>Corneille</strong>, qui certainement a été bien<br />
rémunéré, n’a réclamé cette pièce une fois<br />
<strong>Molière</strong> décédé. De la même façon,<br />
<strong>Corneille</strong> n’a jamais repris les textes qu’il<br />
avait écrits contre rémunération pour le<br />
richissime Richelieu.<br />
Nous sommes alors en pleine ascension du<br />
parti dévot et il est déjà trop tard pour<br />
dire la vérité, encore plus pour Boileau<br />
qui est devenu proche du Roi, lequel ne<br />
s’intéresse ni aux distinguos littéraires ni<br />
aux droits d’auteur, encore moins à la<br />
moralité dans les Lettres.