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Tartuffe - Odéon Théâtre de l'Europe

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quand Piran<strong>de</strong>llo écrit dans une nouvelle que ses personnages viennent le voir avec leurs problèmes, leurs doléances, qu'il<br />

les reçoit <strong>de</strong>rrière sa machine à écrire et qu'il les écoute... C'est une image poétique, très belle et un peu dingue, <strong>de</strong> sa façon<br />

<strong>de</strong> convoquer <strong>de</strong>s personnages. Mais je crois que moi, en tant qu'acteur, je les ai à l'intérieur et que je joue en fonction <strong>de</strong><br />

la fusion que je peux avoir avec eux. La vie compte aussi pour jouer. Mon état amoureux a contribué à Treplev, pour<br />

d'autres spectacles ce sont d'autres tremblements <strong>de</strong> terre moins heureux qui m'ont aidé à trouver. Ces <strong>de</strong>ux zones sont en<br />

mouvement, sans qu'il y ait confusion, mais sans qu'il y ait non plus séparation. C'est comme si mon âge adulte à moi c'était<br />

ça : accepter que tous ces discours sur la distance par rapport au rôle ne me concernent pas... Peut-être y a-t-il un endroit<br />

<strong>de</strong> folie dans mon rapport au théâtre.<br />

Avancer en âge, dans le métier d'acteur, c'est aussi se déplacer par rapport au répertoire : avec Treplev tu as joué un fils, un jeune homme, dans<br />

un <strong>de</strong>s premiers spectacles que nous ayons faits ici, et tu termines cette aventure avec Stéphane au TNS en jouant Orgon, un père avec <strong>de</strong>s enfants<br />

adultes. Comment vit-on cette bascule <strong>de</strong> génération à travers les rôles?<br />

C'est dans La Famille Schroffenstein, où je jouais un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux pères, que s'est fait le passage <strong>de</strong> génération. C'était une<br />

découverte, ce rapport à la paternité, je passais dans un autre registre. Ça ne m'a pas traumatisé... Il y avait aussi un enjeu<br />

pour moi d'éprouver ce passage là, et peut-être <strong>de</strong> cesser d'être pris dans une image <strong>de</strong> fragilité qui m'a longtemps collé à la<br />

peau. Même récemment, en jouant Edouard II, j'ai encore entendu parler <strong>de</strong> fragilité. Mais pour moi c'est fini, c'est un<br />

discours qui ne m'atteint plus, parce que j'ai conscience que j'ai changé. Pour voir ça positivement, je me dis que je peux<br />

envisager toute une gamme <strong>de</strong> rôles très nouveaux. Il y a ceux que je quitte, et d'autres qui s'ouvrent. C'est le mouvement<br />

du théâtre et le mouvement <strong>de</strong> ma vie, et <strong>de</strong> moi qui vieillis dans le théâtre. Quand je me retrouve avec mes <strong>de</strong>ux enfants,<br />

Damis et Mariane, Sébastien et Julie... Il y a les plaisanteries <strong>de</strong> loge avec lesquelles je m'amuse beaucoup - Bonjour Papa !<br />

Comment tu vas ma fille ? - et puis aussi... c'est très touchant.<br />

Ta rencontre <strong>de</strong> jeu dans La Mouette avec Maud Le Grévellec, qui comme eux sortait juste <strong>de</strong> l'École, a été très forte<br />

aussi - tu en parles dans ce numéro à propos du Misanthrope où tu l'as retrouvée en Célimène.<br />

J'ai beaucoup aimé jouer avec Maud, les <strong>de</strong>ux fois. Je gar<strong>de</strong> une sensation très forte du retour <strong>de</strong> Nina à la fin, du moment<br />

où elle dit pour la troisième fois le texte <strong>de</strong> la pièce <strong>de</strong> Treplev. Cette chose contenue entre nous, où le bouleversement<br />

intérieur aboutit au fait qu'il va se flinguer... Même si le rôle <strong>de</strong> Treplev m'a moins marqué que celui d'Alceste, j'ai un souvenir<br />

réel, profond, du plaisir que j'ai eu à jouer La Mouette. Du plaisir d'être dans cette équipe très belle, même s'il y a eu<br />

<strong>de</strong>s tensions aussi... J'ai un grand souvenir <strong>de</strong>s scènes que je jouais avec Maud, avec Daniel, Marie-Christine, Claire... Je me<br />

rappelle <strong>de</strong> sensations très belles au moment <strong>de</strong>s saluts. J'avais l'impression que nous étions vraiment ensemble pour faire<br />

ce spectacle. Ce n'est pas toujours le cas : c'est terrible à dire, mais il y a <strong>de</strong>s spectacles où on n'est absolument pas<br />

ensemble même si on se tient la main à la fin. Là, il y avait cette sensation d'être portés ensemble par une histoire, par un<br />

spectacle qu'on menait. C'est d'ailleurs très sensible sur tous les spectacles que j'ai faits avec Stéphane : l'impression que<br />

quand on joue un spectacle on le parcourt ensemble, que quand on est convoqué sur le plateau à 20h30, on est comme<br />

tenus par <strong>de</strong>s fils les uns aux autres et que ça donne une force à ce qu'on fait.<br />

C'est lié à la troupe ou au travail artistique lui-même ?<br />

Aux <strong>de</strong>ux. On a parfois fait <strong>de</strong>s spectacles qu'on a eu du mal à mettre au jour, il y a eu <strong>de</strong>s conflits, <strong>de</strong>s zones d'opacité totale<br />

où on ne savait plus, où on n'adhérait pas forcément aux propositions que faisait Stéphane. On changeait, on cassait ce qu'on<br />

avait construit, on reprenait, mais malgré tout il y avait toujours un point qui était fédéré par son rêve à lui et qui était<br />

alimenté par une équipe. En plus, on s'inscrivait dans une durée avec ceux qui étaient là - même s'il y a eu aussi pas mal <strong>de</strong><br />

gens qui sont partis et arrivés. La notion <strong>de</strong> troupe ou d'équipe artistique qui part dans un rêve avec quelqu'un qui nous<br />

réunit restera pour moi présente à vie. Cette expérience-là, je l'aurai toujours, je la porte en moi, même si je travaille avec<br />

<strong>de</strong>s équipes où il y a <strong>de</strong> la discor<strong>de</strong>. Sans doute que ça existait déjà avant pour moi - <strong>de</strong>puis l'Ecole <strong>de</strong> Chaillot - mais notre<br />

histoire au TNS a amplifié, conforté ce que je cherche avec d'autres équipes. Et pourtant je peux être quelqu'un <strong>de</strong> solitaire<br />

.../...<br />

<strong>Tartuffe</strong> / 17 septembre › 25 octobre 2008 22

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