Du dévouement villageois au professionnalisme communautaire
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Nouve<strong>au</strong>x territoires<br />
légitimation « managériale » des élus par l’expertise<br />
n’est pas spécifique <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> intercommunal et que<br />
les maires peuvent très bien concevoir leur action<br />
municipale et leur rôle de premier magistrat à partir du<br />
même registre17 . Toutefois, les budgets et les compétences<br />
de plus en plus limités des communes – <strong>au</strong><br />
profit des instances intercommunales – la rendent<br />
moins évidente. L’espace intercommunal permet de<br />
disposer de moyens d’action financiers<br />
et humains, d’une équipe administrative<br />
professionnalisée (chargés de<br />
mission, secrétaires génér<strong>au</strong>x, directeurs<br />
des services…) et d’élus spécialisés<br />
travaillant en commissions qui<br />
sont <strong>au</strong> cœur du « savoir-faire intercommunal<br />
» qui ne peut être le fait<br />
d’un seul (comme très souvent le maire<br />
dans sa commune rurale) mais une<br />
« petite entreprise en nom collectif »,<br />
seule à même traiter des dossiers complexes.<br />
Les élus municip<strong>au</strong>x qui<br />
détiennent un domaine d’expertise « se<br />
font (rapidement) un nom » et par conséquent sont les<br />
plus à même d’acquérir un crédit politique <strong>au</strong> sein de<br />
cette nouvelle sphère d’action publique locale. Pour<br />
faire face <strong>au</strong>x attributions qui leur sont déléguées, les<br />
vice-présidents doivent mobiliser des connaissances<br />
techniques be<strong>au</strong>coup plus importantes que celles que<br />
nécessite l’administration municipale, et se consacrer<br />
plus assidûment <strong>au</strong>x projets d’envergure pour le territoire<br />
qu’ils portent, pour les faire aboutir à temps. En<br />
privilégiant certaines propriétés individuelles spécifiques,<br />
la sélection des membres des exécutifs commun<strong>au</strong>taires<br />
participe donc d’une homogénéisation sociologique<br />
du personnel politique qui, en retour, s’accorde<br />
plus facilement sur l’importance de la compétence technique.<br />
Sa prim<strong>au</strong>té est d’<strong>au</strong>tant plus prégnante et<br />
mieux acceptée dans ces arènes qu’il s’agit d’élus du<br />
second degré, désignés par leurs pairs18 “<br />
.<br />
La réorganisation de la<br />
coopération intercommunale<br />
dans les espaces rur<strong>au</strong>x<br />
inst<strong>au</strong>re une redéfinition de<br />
la hiérarchie symbolique des<br />
ressources politiques<br />
nécessaires à l’exercice du<br />
« métier » d’élu local. ”<br />
L’inst<strong>au</strong>ration d’un double<br />
« cens caché » intercommunal<br />
La prise en charge d’actions publiques locales d’envergure<br />
se caractérise, même pour les « petits » élus<br />
rur<strong>au</strong>x, par la revendication d’une légitimité fondée sur<br />
le « savoir-faire professionnel » <strong>au</strong> point que les postes<br />
les plus prestigieux des institutions intercommunales<br />
(présidents / vice-présidents) sont tendanciellement<br />
monopolisés par des élus qui sont de moins en moins<br />
représentatifs socialement de ceux qu’ils sont censés<br />
représenter. Si les élus retenus à l’issue de l’élection<br />
des maires présentent déjà une image déformée de la<br />
réalité sociologique, la distorsion s’accentue <strong>au</strong><br />
nouve<strong>au</strong> de la désignation des exécutifs. La différenciation<br />
des critères de sélection sociale qui prévalent<br />
d’une sphère politique (municipale) à l’<strong>au</strong>tre (intercommunale)<br />
traduit le fossé qui se creuse progressivement<br />
entre les porteurs de projet et ceux à qui ils<br />
48 ◗ Pouvoirs Loc<strong>au</strong>x N° 84 I/2010<br />
doivent bénéficier. Ainsi, l’appartenance <strong>au</strong>x catégories<br />
socialement dominantes constitue une ressource déterminante<br />
pour conquérir les échelons hiérarchiques<br />
supérieurs de l’édifice intercommunal. Les EPCI à fiscalité<br />
propre, par la technicité relative de leurs domaines<br />
d’intervention, tendent à valoriser plus fortement que<br />
les <strong>au</strong>tres institutions intercommunales (sivom, sivu)<br />
les dispositions intellectuelles et / ou l’expérience professionnelle<br />
de certains maires qui leur permettent de<br />
maîtriser mieux que d’<strong>au</strong>tres la complexité d’un<br />
secteur d’intervention. Dans certains cas, les savoirfaire<br />
professionnels d’élus, déjà très valorisés <strong>au</strong> sein<br />
de leur village, sont d’ailleurs si adaptés <strong>au</strong>x aptitudes<br />
exigées par ce nouvel espace politique que certains<br />
apparaissent, et se sentent légitimes en vertu de cellesci,<br />
comme les seuls à pouvoir contrôler le processus<br />
intercommunal.<br />
Loin de s’estomper, les logiques « censitaires » du<br />
pouvoir intercommunal tendent à se raffermir à mesure<br />
que les structures gagnent en visibilité et en surface<br />
décisionnelle. La surreprésentation des cadres et professions<br />
intellectuelles supérieures s’accélère assez<br />
nettement. A la veille du renouvellement de 2008,<br />
31,6 % des maires rur<strong>au</strong>x et périurbains présidents et<br />
vice-présidents des commun<strong>au</strong>tés de la Somme sont<br />
des cadres ou des professions intellectuelles supérieures.<br />
Leur part à la direction des EPCI enregistre une<br />
progression supérieure à 10 points: 42 % des responsables<br />
de ces structures sont issus de cette catégorie<br />
contre 24 % des maires (ré)élus dans les communes<br />
rurales à l’issue du scrutin municipal. Les ouvriers et<br />
les employés d’une part – alors qu’ils sont pourtant un<br />
peu plus nombreux à figurer à la tête des conseils<br />
municip<strong>au</strong>x à l’issue des élections municipales de<br />
2008 19 – et les agriculteurs – dont le poids numérique<br />
parmi les maires ne cesse de s’affaiblir – d’<strong>au</strong>tre part,<br />
sont les grands « perdants » des dernières élections<br />
intercommunales. Précisons que les agriculteurs<br />
portant les dossiers stratégiques des EPCI possèdent<br />
des propriétés sociopolitiques spécifiques. Ce sont ceux<br />
qui sont placés à la tête des plus grosses exploitations<br />
et les plus diplômés ou ceux qui, malgré leur origine<br />
populaire et /ou leur faible capital scolaire, ont pu faire<br />
grâce à leur activisme <strong>au</strong> sein des organisations professionnelles<br />
agricoles (syndicats, chambres d’agriculture),<br />
l’apprentissage des discours (valorisation du<br />
projet, de l’ « ouverture » sur l’extérieur etc.) et des pratiques<br />
liées à l’aménagement du territoire et <strong>au</strong> développement<br />
local (animation de commissions de<br />
réflexion / groupes de travail, négociation avec de<br />
nombreux acteurs professionnels loc<strong>au</strong>x, mise en<br />
forme de projets, savoir-faire managéri<strong>au</strong>x etc.) qui<br />
tiennent les rênes des groupements à fiscalité propre.<br />
Comme on peut le constater, la réorganisation de la<br />
coopération intercommunale dans les espaces rur<strong>au</strong>x<br />
inst<strong>au</strong>re une redéfinition de la hiérarchie symbolique<br />
des ressources politiques nécessaires à l’exercice du