Du dévouement villageois au professionnalisme communautaire
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Nouve<strong>au</strong>x territoires<br />
promis. Les délégués doivent faire preuve de retenue<br />
dans les gestes et dans les paroles afin de ne pas transgresser<br />
les modes particuliers de régulation des transactions<br />
politiques qui les caractérisent et qui sont<br />
guidées par la recherche permanente du<br />
« consensus » 12 . En cela, la maîtrise de soi est une<br />
qualité essentielle du « bon » élu intercommunal; les<br />
postures <strong>au</strong>toritaires étant risquées en séance publique<br />
dans le sens où elles prennent directement à contrepied<br />
les équilibres caractéristiques de l’espace13 . La<br />
participation active des différents élus <strong>au</strong> processus<br />
intercommunal, et plus encore <strong>au</strong>x pratiques de négociation,<br />
constitue un gage de prise en compte de leurs<br />
intérêts respectifs. Or, tous les élus des petites<br />
communes ne disposent pas de moyens ég<strong>au</strong>x pour le<br />
faire. Tous ne sont pas des familiers des arcanes et des<br />
enjeux de la négociation. Certains maires y sont bien<br />
préparés alors que d’<strong>au</strong>tres <strong>au</strong> contraire sont mal à<br />
l’aise sur cette nouvelle scène politique et ne savent pas<br />
s’y imposer ou s’en saisir. En fait, l’espace intercommunal<br />
tend à inst<strong>au</strong>rer un nouve<strong>au</strong> clivage entre ceux<br />
qui sont pourvus de cette compétence de la négociation<br />
et les <strong>au</strong>tres qui ne peuvent utiliser<br />
cette dernière pour faire progresser les<br />
“ intérêts commun<strong>au</strong>x <strong>au</strong> sein de l’institution<br />
intercommunale. Cette compétence<br />
implique une maîtrise de l’information<br />
commun<strong>au</strong>taire, et plus encore<br />
un travail politique d’objectivation et<br />
de mise en forme des intérêts qu’il<br />
convient d’inscrire dans les discussions<br />
intercommunales. Cela passe par<br />
tout un travail préalable de prise de<br />
conscience, de mise en forme et d’expression<br />
de ces intérêts. La capacité à<br />
évoluer avec aisance dans le jeu intercommunal,<br />
à appréhender ses enjeux, à maîtriser les<br />
interactions complexes produites par des chaînes d’interdépendances<br />
toujours plus longues (notamment en<br />
raison de la multiplicité des « acteurs » qui y interviennent),<br />
l’art du placement qu’elles requièrent pour y<br />
faire prévaloir ses vues et ses intérêts d’élus, ne se distribuent<br />
pas socialement <strong>au</strong> hasard. Ceux qui sont<br />
pourvus de ces compétences, grâce à leur participation<br />
très active dans les commissions, ou leur présence <strong>au</strong><br />
bure<strong>au</strong> lorsque ce dernier est ouvert <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres élus<br />
que les seuls président et vice-présidents, peuvent<br />
acquérir progressivement une position privilégiée dans<br />
le processus de redistribution des ressources politiques<br />
commun<strong>au</strong>taires. Voilà pourquoi ces maires tendent<br />
alors à délaisser plus aisément le discours traditionnel<br />
de la défense des communes, pour se faire les chantres<br />
d’une approche plus syncrétique en tentant de réconcilier<br />
l’affirmation des prérogatives de l’institution intercommunale<br />
et le respect des prérogatives communales.<br />
Les dispositions et les valeurs promues par la réorganisation<br />
de la coopération intercommunale sont moins<br />
celles du « <strong>dévouement</strong> », qui prév<strong>au</strong>t encore sur le<br />
terrain communal, que la compétence et l’efficacité.<br />
L’avènement de nouvelles<br />
formes d’intercommunalité<br />
contribuent très nettement<br />
<strong>au</strong> renouvellement des formes<br />
traditionnelles d’action<br />
politique <strong>au</strong> sein des<br />
territoires rur<strong>au</strong>x et à la<br />
transformation du personnel<br />
politique local. ”<br />
46 ◗ Pouvoirs Loc<strong>au</strong>x N° 84 I/2010<br />
Cette tendance est d’ailleurs confirmée par les mécanismes<br />
de recrutement socio-politique très sélectifs qui<br />
caractérisent l’accès <strong>au</strong> sommet de la pyramide élective<br />
commun<strong>au</strong>taire (présidents / vice-présidents des EPCI à<br />
fiscalité propre).<br />
Intercommunalité et redéfinition<br />
des normes d’éligibilité locale<br />
L’extension des prérogatives des groupements à fiscalité<br />
propre et leur volonté de mener des actions politiques<br />
locales d’envergure sur des territoires sans cesse<br />
élargis a accru les responsabilités des élus loc<strong>au</strong>x et a<br />
par conséquent complexifié la gestion des affaires<br />
intercommunales. Cette emprise croissante de l’intercommunalité<br />
de projet a eu pour effet de bouleverser la<br />
hiérarchie des qualités et des compétences légitimes<br />
nécessaires à l’exercice d’une fonction de « bonne gouvernance<br />
locale ». La « notabilité » locale (« l’ancienneté<br />
» et la « reconnaissance » dans l’espace politique<br />
local ou /et l’ancrage territorial) est une qualité qui ne<br />
(se) suffit plus pour exister politiquement 14 , y compris<br />
dans les structures les plus excentrées des grandes<br />
agglomérations. Peu importe finalement que les élus<br />
soient « du coin » 15 ou non, pourvu qu’ils détiennent les<br />
compétences requises pour assurer le fonctionnement<br />
et le rayonnement des EPCI. La logique qui structure<br />
désormais le processus de désignation des exécutifs<br />
intercommun<strong>au</strong>x repose effectivement davantage sur la<br />
détention des ressources rares nécessaires à la maîtrise<br />
du jeu intercommunal. En cela, l’avènement de nouvelles<br />
formes d’intercommunalité (commun<strong>au</strong>tés de<br />
communes, commun<strong>au</strong>tés d’agglomération) contribuent<br />
très nettement <strong>au</strong> renouvellement des formes traditionnelles<br />
d’action politique <strong>au</strong> sein des territoires<br />
rur<strong>au</strong>x et à la transformation du personnel politique<br />
local 16 .<br />
La « professionnalisation »<br />
des savoir-faire politiques<br />
intercommun<strong>au</strong>x<br />
Sur la base d’une technicisation du travail intercommunal,<br />
la légitimité élective cède progressivement le<br />
pas à une légitimité technique; la compétence devenant<br />
une qualité incontournable. Les élus placés sur le<br />
devant de la scène intercommunale doivent désormais<br />
être en mesure de projeter et de réguler l’action<br />
publique locale sur le moyen et long terme, tout en<br />
contrôlant l’avancée effective des dossiers qu’ils élaborent<br />
à court terme en commission, et que met en œuvre<br />
le personnel administratif. Les compétences attendues<br />
des élus placés à la tête des EPCI à fiscalité propre (présidence<br />
et vice-présidences) sont généralement récurrentes<br />
et peuvent se décliner ainsi: connaissances techniques<br />
des dossiers, expérience « managériale » et<br />
maîtrise des jeux de la « diplomatie » intercommunale.<br />
D’abord, relevant de plus en plus des problématiques<br />
de développement local, l’action intercommunale