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universel<strong>le</strong> et révè<strong>le</strong> une profonde compréh<strong>en</strong>sion de la nature<br />
même de l’amour, mais aussi <strong>le</strong>s moy<strong>en</strong>s de son constant<br />
r<strong>en</strong>ouveau. Guère surpr<strong>en</strong>ant que <strong>le</strong> postlude, résumé du cyc<strong>le</strong>,<br />
rappel<strong>le</strong> par sa puissance la fin d’un cyc<strong>le</strong> moins optimiste<br />
mais tout aussi sincère : la Dichterliebe schumanni<strong>en</strong>ne.<br />
Tu vois <strong>le</strong> feu du soir, coulé dans la forme litanie chère à<br />
Éluard, est un autre chant d’amour, un hymne de louange<br />
traduit <strong>en</strong> un rythme doux, aussi immuab<strong>le</strong> que la dévotion du<br />
poète. Cette musique dévoi<strong>le</strong> la facette fortem<strong>en</strong>t idéaliste de<br />
Pou<strong>le</strong>nc : il n’y a pas de place, dans ces mises <strong>en</strong> musique<br />
éluardi<strong>en</strong>nes, pour un caprice désinvolte. Toutefois, au<br />
mom<strong>en</strong>t d’écrire Tel jour tel<strong>le</strong> nuit, Pou<strong>le</strong>nc découvrit un auteur<br />
dont <strong>le</strong>s mots autorisai<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>courageai<strong>en</strong>t même des mises<br />
<strong>en</strong> musique p<strong>le</strong>ines de charme avec (dit-il) « une sorte<br />
d’impertin<strong>en</strong>ce s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>, de libertinage, de gourmandise qui<br />
prolongeait dans la mélodie ce que j’avais exprimé très jeune<br />
dans Les Biches avec Marie Laur<strong>en</strong>cin ». Chose naturel<strong>le</strong> chez<br />
un compositeur adorant écrire pour la voix féminine, ce fut une<br />
poétesse qu’il découvrit <strong>en</strong> la personne de Louise de Vilmorin<br />
(1902–1969), dont la famil<strong>le</strong> était célèbre pour <strong>le</strong>s plantes,<br />
graines et f<strong>le</strong>urs produites sur <strong>le</strong> domaine de Verrières-<strong>le</strong>-<br />
Buisson. Pou<strong>le</strong>nc écrivit : « Peu d’êtres m’émeuv<strong>en</strong>t autant que<br />
Louise de Vilmorin : parce qu’el<strong>le</strong> est bel<strong>le</strong>, parce qu’el<strong>le</strong> boite,<br />
parce qu’el<strong>le</strong> écrit un français d’une pureté innée, parce que<br />
son nom évoque des f<strong>le</strong>urs et des légumes, parce qu’el<strong>le</strong> aime<br />
d’amour ses frères et fraternel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t ses amants. Son beau<br />
visage fait p<strong>en</strong>ser au XVIIe Colloque, sur un texte de Paul Valéry (1871–1945)<br />
demeura inédit du vivant de Pou<strong>le</strong>nc. Conformém<strong>en</strong>t au titre,<br />
c’est un colloque où <strong>le</strong>s deux voix ne chant<strong>en</strong>t jamais<br />
<strong>en</strong>semb<strong>le</strong>. Valéry avait originel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t intitulé ce poème (dédié<br />
à Pou<strong>le</strong>nc) « Dialogues pour deux flûtes ». Le compositeur<br />
avoua que, s’il admirait autant Valéry que Verlaine ou<br />
Rimbaud, il ne se s<strong>en</strong>tait pas à l’aise pour mettre ses textes<br />
<strong>en</strong> musique. La ligne voca<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s harmonies sont assez<br />
gracieuses, mais il n’y a pas de véritab<strong>le</strong> fusion <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s<br />
paro<strong>le</strong>s et la musique. Les Deux Poèmes de Louis Aragon<br />
sont, au contraire, du parfait Pou<strong>le</strong>nc. Dans C, Louis Aragon<br />
(1897–1982) voit dans la chute de la France <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s mains<br />
al<strong>le</strong>mandes, <strong>en</strong> 1940, <strong>le</strong> piteux dénouem<strong>en</strong>t de sièc<strong>le</strong>s de<br />
fausses va<strong>le</strong>urs et d’un patriotisme fondé sur l’exploitation des<br />
classes. Sur <strong>le</strong> papier, <strong>le</strong>s mots peuv<strong>en</strong>t paraître amers et<br />
rageurs, mais Pou<strong>le</strong>nc y décè<strong>le</strong> <strong>le</strong> déchirem<strong>en</strong>t : <strong>le</strong> poète<br />
marxiste et <strong>le</strong> compositeur châtelain (il possédait une superbe<br />
maison de campagne à Noizay, près de Tours) sont unis dans<br />
cette chanson par un même droit d’être français. Fêtes<br />
galantes est un antidote à un apitoyem<strong>en</strong>t par trop<br />
nationaliste. La nation qui produisit <strong>le</strong>s courtisans froidem<strong>en</strong>t<br />
élégants des « Fêtes galantes » de Watteau, sous <strong>le</strong> règne de<br />
Louis XV, est maint<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> p<strong>le</strong>in désarroi, sous l’assaut des<br />
<strong>en</strong>vahisseurs nazis. L’élégance n’est plus guère de mise dans<br />
la comédie de mœurs, mais <strong>le</strong>s mœurs ont beau partir <strong>en</strong><br />
fumée, la comédie reste. La vie sous l’Occupation changea<br />
sièc<strong>le</strong>, comme <strong>le</strong> bruit de son nom. » bi<strong>en</strong> des choses, mais l’institution de la chanson de cabaret,<br />
Les trois courtes chansons des Métamorphoses, d’après chantée à p<strong>le</strong>in gosier, vulgaire et poétique à la fois, ne pouvait<br />
Vilmorin, sont du pur Pou<strong>le</strong>nc et offr<strong>en</strong>t un échantillon, un être qu’inso<strong>le</strong>mm<strong>en</strong>t, irrésistib<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t française.<br />
mini-précis de ses trois grands sty<strong>le</strong>s mélodiques : rapide et Priez pour paix fut rédigée dans <strong>le</strong>s sombres jours de<br />
fantasquem<strong>en</strong>t lyrique (Reine des mouettes) ; <strong>le</strong>nt (jamais la crise de Munich, sur un texte du duc Char<strong>le</strong>s d’Orléans<br />
très <strong>le</strong>nt) et d’un lyrisme émouvant (C’est ainsi que tu es); et (1394–1465). Pou<strong>le</strong>nc écrivit : « Essayé de donner ici une<br />
rapide, dans la tradition du café-concert, avec une virtuosité impression de ferveur et surtout d’humilité (pour moi la plus<br />
<strong>en</strong> moto perpetuo (Paganini). Chronologiquem<strong>en</strong>t, ces bel<strong>le</strong> qualité de la prière). C’est une prière de sanctuaire de<br />
mélodies charmeresses, toute légères, vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t après Tel jour campagne. » Ce n’est pas qu’une musique religieuse : subti<strong>le</strong>-<br />
tel<strong>le</strong> nuit, signe de la sagace adaptabilité du mélodiste Pou<strong>le</strong>nc m<strong>en</strong>t, el<strong>le</strong> cherche à atteindre une atmosphère médiéva<strong>le</strong><br />
à la fin des années 1930.<br />
hiératique, <strong>en</strong> phase avec <strong>le</strong> poète.<br />
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