Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

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14.07.2013 Views

Associations de la Chine l'aurore, à la porte du tribunal. C'est là que le sous-préfet les passera en revue, et les enchaînera pour les conduire plus sûrement au temple de Tchemg-Wang, divinité de troisième ordre chargée par le Ciel d'appuyer, au besoin, l'autorité et les ordres du mandarin. A la fin de l'automne, le premier jour de la deuxième lune, quand les campagnes seront complètement dépouillées de leurs moissons, les bourgeois du chef-lieu d'arrondissement se verront, à leur tour, débarrassés de ces hôtes dangereux, auxquels ils ont dû, de par la volonté des dieux, donner, pendant sept longs mois, une hospitalité officielle. Il y a quelques années, dans la ville de Ho-kien-Fou, j'avais l'honneur d'assister, en simple spectateur, bien entendu, à la procession du Sün-Koueï (Chasse aux diables). A cinq heures de relevée, les quatre portes de la ville s'ouvraient à deux battants. Ce n'est plus, comme à la fête des semailles, le préfet ou le sous- préfet, qui commande en chef ; Tchemg-Wang, un superbe dieu, habillé d'une longue robe de soie rouge-écarlate, porté sur un brancard p.105 richement décoré, précédé d'un piqueur, suivi du sous-préfet, de deux cents globulés, officiers civils ou militaires... a pris la place des magistrats. A la lueur de trois cents torches qui s'agitent autour de lui pour lui permettre de découvrir plus sûrement les diables qui se seraient cachés ou s'entêteraient à demeurer dans la ville, Tchemg-Wang parcourt d'abord les grandes artères de la cité, reprend ensuite, dans le plus consciencieux détail, les rues moins fréquentées ; il n'est pas jusqu'à l'impasse, jusqu'au recoin les plus cachés, qui ne soient l'objet de sa sollicitude. La foule officielle, celle qui fait partie de la procession ou qui se tient par petits groupes aux endroits 92

Associations de la Chine réputés les plus chers aux esprits, crie, hurle, pousse des hourras de joie. C'est un vacarme à fendre la tête d'un sourd. La chasse de Ho-Kien-Fou dura six longues heures, et, quand il fut bien constaté qu'il ne restait plus, en ville, aucun être malfaisant (je parle des êtres invisibles), le canon se fit entendre, les quatre portes roulèrent sur leurs gonds et furent fermées à double tour de clef. C'était la fin de l'exercice ; les bourgeois de Ho-Kien-Fou pouvaient respirer et dormir en paix... les invisibles malfaiteurs n'étaient plus dans leurs murs ; lancés dans les plaines, libre à eux de chercher chicane aux paysans, de faire la chasse aux lièvres ou aux cailles, mais p.106 ils n'avaient pas le droit de revenir en ville avant les semailles de l'année suivante. Cette procession-monstre, dont je n'avais pas été témoin jusque là, ne manqua pas d'intérêt pour moi, vous le devinez bien, mais, surtout, elle me valut de la part du préfet, Limg-Kiai, un compliment qui mérite de vous être communiqué. Au moment où ce brave Tartare, l'homme le plus superstitieux que j'aie rencontré en Chine, passait avec Tchemg-Wang devant ma résidence, quand déjà les torches s'abaissaient et allaient faire leurs zigzags pour me délivrer moi aussi des diablotins qui auraient pu s'obstiner à demeurer aux abords de ma maison, le préfet cria d'une voix forte : — Passez outre ; il n'y a rien ici. J'étais sur le seuil de la porte ; je m'inclinai pour remercier le magistrat du bon point si gracieux qu'il venait de donner à l'un de ces étrangers si souvent et si indignement appelés, par les gens mal élevés de l'Empire du Milieu, du nom de diables d'Occident. Le magistrat me rendit mon salut, en souriant, et continua sa marche. Mes catéchistes, qui tous se piquent de quelque politesse, avaient été très flattés de la délicatesse du préfet ; ils 93

<strong>Associations</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

l'aurore, à <strong>la</strong> porte <strong>du</strong> tribunal. C'est là que le sous-préfet les<br />

passera en revue, et les enchaînera pour les con<strong>du</strong>ire plus<br />

sûrement au temple <strong>de</strong> Tchemg-Wang, divinité <strong>de</strong> troisième ordre<br />

chargée par le Ciel d'appuyer, au besoin, l'autorité et les ordres<br />

<strong>du</strong> mandarin.<br />

A <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l'automne, le premier jour <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième lune,<br />

quand les campagnes seront complètement dépouillées <strong>de</strong> leurs<br />

moissons, les bourgeois <strong>du</strong> chef-lieu d'arrondissement se verront,<br />

à leur tour, débarrassés <strong>de</strong> ces hôtes dangereux, auxquels ils ont<br />

dû, <strong>de</strong> par <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong>s dieux, donner, pendant sept longs mois,<br />

une hospitalité officielle.<br />

Il y a quelques années, dans <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Ho-kien-Fou, j'avais<br />

l'honneur d'assister, en simple spectateur, bien enten<strong>du</strong>, à <strong>la</strong><br />

procession <strong>du</strong> Sün-Koueï (Chasse aux diables). A cinq heures <strong>de</strong><br />

relevée, les quatre portes <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville s'ouvraient à <strong>de</strong>ux battants.<br />

Ce n'est plus, comme à <strong>la</strong> fête <strong>de</strong>s semailles, le préfet ou le sous-<br />

préfet, qui comman<strong>de</strong> en chef ; Tchemg-Wang, un superbe dieu,<br />

habillé d'une longue robe <strong>de</strong> soie rouge-écar<strong>la</strong>te, porté sur un<br />

brancard p.105 richement décoré, précédé d'un piqueur, suivi <strong>du</strong><br />

sous-préfet, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cents globulés, officiers civils ou militaires...<br />

a pris <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s magistrats. A <strong>la</strong> lueur <strong>de</strong> trois cents torches qui<br />

s'agitent autour <strong>de</strong> lui pour lui permettre <strong>de</strong> découvrir plus<br />

sûrement les diables qui se seraient cachés ou s'entêteraient à<br />

<strong>de</strong>meurer dans <strong>la</strong> ville, Tchemg-Wang parcourt d'abord les<br />

gran<strong>de</strong>s artères <strong>de</strong> <strong>la</strong> cité, reprend ensuite, dans le plus<br />

consciencieux détail, les rues moins fréquentées ; il n'est pas<br />

jusqu'à l'impasse, jusqu'au recoin les plus cachés, qui ne soient<br />

l'objet <strong>de</strong> sa sollicitu<strong>de</strong>. La foule officielle, celle qui fait partie <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> procession ou qui se tient par petits groupes aux endroits<br />

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