Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

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14.07.2013 Views

Associations de la Chine fond du fleuve ou du canal quelques pâtés au riz, enveloppés et fortement serrés de larges feuilles de joncs qui les préserveront de la voracité des poissons jusqu'au jour où Kiü-Ping viendra à repasser par là 1 . J'aurais bien encore deux ou trois cents fêtes de ce genre à vous faire connaître, mais, outre que ces détails seraient sans beaucoup d'intérêt p.091 pour vous, je m'aperçois que ma lettre est déjà trop longue pour qu'il me soit permis d'abuser plus longtemps de votre patience et de votre temps. Il en est une cependant, que je ne puis passer sous silence, c'est la fête des Lanternes. On en a tant parlé et tant écrit, souvent sans la connaître, que je tiens à vous dire ce que j'en sais. V. Fête des Lanternes, — Fan-tang Les quinzième, seizième et dix-septième jours de la première lune sont, pour les païens, des jours chômés. On suspend, sur toutes les routes, à chaque porte des maisons, aux arbres même qui se trouvent sur la place publique, dans les cours ou les jardins des particuliers, des falots assez semblables à nos lanternes vénitiennes. L'illumination, pour être complète et faire plaisir aux dieux, aux vivants et aux morts doit avoir les cinq couleurs réglementaires, rouge, blanc, vert, bleu et jaune. Le premier jour, l'illumination a pour but d'éclairer, réjouir et honorer les esprits bienfaisants, ceux surtout à la garde desquels sont confiés les humains, leurs champs, leurs maisons et leurs écus. Le deuxième jour, les lanternes ne demeurent plus seulement suspendues aux portes, on les promène au son du 1 Kiü-Ping est regardé par tous les marins de la Chine comme l'inspecteur des fleuves et le protecteur des barques. 82 @

Associations de la Chine tambour, des cymbales et du tam-tam. C'est un tapage qui, quand il est appuyé des cris et des p.092 vociférations de la foule, ne manque pas d'intérêt pour ceux qui en sont les témoins. Mais il plaît principalement, dit-on, aux esprits malfaisants et réussit assez souvent à les rendre pacifiques. La procession finie, l'illumination ambulante s'arrête au pied d'un grand mai planté tout exprès pour la circonstance et au haut duquel est attachée une lanterne énorme, peinte en rouge écarlate. C'est à la clarté de cette lumière, et autour du mai, que tous les esprits, bons et mauvais, se rendent et tiennent conseil, pour déterminer les destinées de chaque village et prendre ensemble, avant de se séparer, un repas fraternel qui leur est offert par les mortels. J'ai eu bien souvent l'occasion d'assister à cette manifestation ; elle se fait trop consciencieusement et avec trop de gravité pour qu'il soit permis de rire et de s'amuser d'une pareille folie : c'est triste, c'est navrant. Voyez plutôt cette foule incalculable d'hommes, de femmes et d'enfants qui environnent l'arbre. Les vieux et les vieilles ont le courage, à cette scène solennelle, de ne tousser, de ne cracher qu'avec la plus grande discrétion ; les enfants veulent-ils ouvrir la bouche pour crier, la mère les caresse, leur promet des bonbons pour calmer leur mauvaise humeur, s'ils sont assez gentils pour se taire, leur mettant la main sur la bouche, afin d'étouffer leurs cris, s'ils sont assez méchants et assez rebelles pour p.093 résister aux caresses. Tout le monde garde un religieux silence, l'attente des divinités préoccupe les esprits et fait battre les cœurs ; on regarde à droite et à gauche, on élève les yeux vers la lanterne suspendue dans l'espace. Tout à coup, un virtuose aux poumons solides pousse un cri sec et sonore : — Voilà les dieux ! 83

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tambour, <strong>de</strong>s cymbales et <strong>du</strong> tam-tam. C'est un tapage qui,<br />

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ne manque pas d'intérêt pour ceux qui en sont les témoins. Mais<br />

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assez souvent à les rendre pacifiques. La procession finie,<br />

l'illumination ambu<strong>la</strong>nte s'arrête au pied d'un grand mai p<strong>la</strong>nté<br />

tout exprès pour <strong>la</strong> circonstance et au haut <strong>du</strong>quel est attachée<br />

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<strong>de</strong> cette lumière, et autour <strong>du</strong> mai, que tous les esprits, bons et<br />

mauvais, se ren<strong>de</strong>nt et tiennent conseil, pour déterminer les<br />

<strong>de</strong>stinées <strong>de</strong> chaque vil<strong>la</strong>ge et prendre ensemble, avant <strong>de</strong> se<br />

séparer, un repas fraternel qui leur est offert par les mortels. J'ai<br />

eu bien souvent l'occasion d'assister à cette manifestation ; elle<br />

se fait trop consciencieusement et avec trop <strong>de</strong> gravité pour qu'il<br />

soit permis <strong>de</strong> rire et <strong>de</strong> s'amuser d'une pareille folie : c'est triste,<br />

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Voyez plutôt cette foule incalcu<strong>la</strong>ble d'hommes, <strong>de</strong> femmes et<br />

d'enfants qui environnent l'arbre. Les vieux et les vieilles ont le<br />

courage, à cette scène solennelle, <strong>de</strong> ne tousser, <strong>de</strong> ne cracher<br />

qu'avec <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> discrétion ; les enfants veulent-ils ouvrir <strong>la</strong><br />

bouche pour crier, <strong>la</strong> mère les caresse, leur promet <strong>de</strong>s bonbons<br />

pour calmer leur mauvaise humeur, s'ils sont assez gentils pour<br />

se taire, leur mettant <strong>la</strong> main sur <strong>la</strong> bouche, afin d'étouffer leurs<br />

cris, s'ils sont assez méchants et assez rebelles pour p.093 résister<br />

aux caresses. Tout le mon<strong>de</strong> gar<strong>de</strong> un religieux silence, l'attente<br />

<strong>de</strong>s divinités préoccupe les esprits et fait battre les cœurs ; on<br />

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— Voilà les dieux !<br />

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