Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

Associations de la Chine
mystères de la fameuse Mère sans origine. Son village est situé à
deux kilomètres à peine de la chrétienté de Pang-Kia-Kiâo, où je
suis. En y arrivant, nous avons trouvé plus de deux cents
personnes réunies pour écouter, ou plutôt, selon le langage
chinois, pour regarder notre conférence. Elle a duré trois heures,
et paraît avoir fait tomber bien des illusions. Que Dieu bénisse ce
grain, jeté en passant sur une terre encore en friche ! A mon
retour, je vois entrer dans ma chambre, gravement et sans bruit,
un p.043 des vieillards les plus respectables de Pang-Kia-Kiâo... Il a
quelque communication à me faire, je le devine à son air timide
et embarrassé.
— Ta barbe est plus blanche que la mienne, lui-dis-je,
parle sans crainte.
Voici la motion de maître Lou :
— Père, pourquoi tenez-vous tant à convertir le docteur
Ly ? Vous n'avez donc pas remarqué qu'il n'a plus qu'une
oreille ? La petite vérole lui a rongé l'autre, il y a près de
trente ans. Un Lettré sans oreille, fût-il le plus savant
disciple de Confucius, le plus habile docteur du
Nénuphar, sera toujours un chrétien incomplet et sans
influence. Du moins tel est mon avis.
— Je n'avais pas fait attention aux oreilles de Ly, ai-je
répondu à mon interlocuteur ; mais à quel titre veux-tu
refuser l'entrée du paradis à ceux qui n'ont qu'une
oreille ? Le plus fervent des néophytes de ton village est
aveugle de naissance ; un autre n'a qu'un œil ; plusieurs
ont perdu tous leurs cheveux. J'en connais qui sont
boiteux, sourds ou muets. Toi-même, si je ne me
trompe, tu n'as plus de dents... Faut-il vous refuser
46