Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

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Associations de la Chine village se tiennent silencieux au fond de leurs demeures, que font les autres confrères ? Ils rôdent doucement, autour des maisons les plus isolées, sans y entrer, tombent comme des foudres de guerre sur tout ce qu'ils rencontrent Le bois de chauffage, les gerbes de froment, parfois même, des habits que quelque ménagère a mis à sécher, disparaissent avec eux, et les voilà courant à toutes jambes à travers champs, sans suivre ni chemins ni sentiers. Pour détourner l'attention publique, les autres confrères n'en crient que plus fort et s'entêtent davantage à demeurer sur la place à mesure qu'on est plus opiniâtre à ne rien leur donner. Ordinairement, ce sont les villageois qui se fatiguent et cèdent les premiers. De guerre lasse, ils entr'ouvrent leurs portes et jettent un morceau de pain à la figure de ces braillards en guenilles, qui leur font perdre patience. C'est le signal du départ pour les voyageurs. Ils font volte-face, et gagnent bientôt la campagne. Leur marche est lente... quelques-uns se plaignent d'avoir été mordus par les chiens ; les autres ont une douleur rhumatismale ; tous se donnent un air de bonhommie qui contraste avec leur profession... Mais, bientôt des cris de mort retentissent derrière p.265 eux... on maudit, on profère des menaces ; des hommes armés de fourches, de bâtons ou de fouets, sont à leurs trousses. Forts de leur conscience, nos mendiants, au lieu de fuir, les attendent de pied ferme, leur demandent sans émotion la cause de ce tapage, qui sied mal à de paisibles habitants de la campagne... — Vous avez volé mes habits, crie l'un. — Vous avez pris mon grain, hurle l'autre... Les accusés n'ont pas grands frais d'éloquence à faire pour prouver leur innocence. 212

Associations de la Chine — Regardez, disent-ils, à ces furieux, fouillez-nous, si le cœur vous en dit, nous ne vous avons rien volé ! Mais j'arrive à la catégorie la plus intéressante des mendiants : ce sont des familles chassées de leur pays par la sécheresse ou par les inondations, et auxquelles on donne le nom de Léou-ming, peuple ambulant. Le Nord de la Chine eut toujours la réputation, bien méritée, je crois, de compter infiniment moins de mendiants que la plupart des provinces méridionales. Plus laborieux et plus sobres, que celles du Sud, les populations du Nord savaient se contenter de peu. Ne pas mourir de faim, voilà tout ce qu'elles demandaient pour ne pas s'expatrier. Malheureusement, d'effroyables inondations, des débordements de rivières ou de lacs, dont les autorités elles-mêmes sont encore à chercher la cause, p.266 ont ruiné ce peuple et détruit toutes ses espérances. Le vagabondage et la mendicité répugnent à ces gens simples et honteux, qui, jusque là, n'avaient tendu la main à personne. On a vendu jusqu'à la dernière pièce du mobilier ; les maisons qui avaient échappé au fléau destructeur, ont été abattues de la main de leurs habitants. Les portes, les fenêtres, les bois de charpente, vendus à vil prix, soutiennent encore, pendant quelques jours, l'existence de ces malheureux. Une fois ces ressources épuisées, on est allé frapper à la porte du riche, ou des banquiers, pour faire un emprunt, et tenter les chances du commerce... Cette dernière planche de salut leur a manqué. Les portes se sont fermées. La lutte était impossible... En désespoir de cause, en présence de cette alternative de la vie ou de la mort, ces malheureux ont pris une résolution suprême, celle d'émigrer en masse et d'aller demander à d'autres pays, la nourriture qui leur est refusée chez eux. 213

<strong>Associations</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

vil<strong>la</strong>ge se tiennent silencieux au fond <strong>de</strong> leurs <strong>de</strong>meures, que font<br />

les autres confrères ? Ils rô<strong>de</strong>nt doucement, autour <strong>de</strong>s maisons<br />

les plus isolées, sans y entrer, tombent comme <strong>de</strong>s foudres <strong>de</strong><br />

guerre sur tout ce qu'ils rencontrent Le bois <strong>de</strong> chauffage, les<br />

gerbes <strong>de</strong> froment, parfois même, <strong>de</strong>s habits que quelque<br />

ménagère a mis à sécher, disparaissent avec eux, et les voilà<br />

courant à toutes jambes à travers champs, sans suivre ni<br />

chemins ni sentiers.<br />

Pour détourner l'attention publique, les autres confrères n'en<br />

crient que plus fort et s'entêtent davantage à <strong>de</strong>meurer sur <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>ce à mesure qu'on est plus opiniâtre à ne rien leur donner.<br />

Ordinairement, ce sont les vil<strong>la</strong>geois qui se fatiguent et cè<strong>de</strong>nt les<br />

premiers. De guerre <strong>la</strong>sse, ils entr'ouvrent leurs portes et jettent<br />

un morceau <strong>de</strong> pain à <strong>la</strong> figure <strong>de</strong> ces brail<strong>la</strong>rds en guenilles, qui<br />

leur font perdre patience. C'est le signal <strong>du</strong> départ pour les<br />

voyageurs. Ils font volte-face, et gagnent bientôt <strong>la</strong> campagne.<br />

Leur marche est lente... quelques-uns se p<strong>la</strong>ignent d'avoir été<br />

mor<strong>du</strong>s par les chiens ; les autres ont une douleur<br />

rhumatismale ; tous se donnent un air <strong>de</strong> bonhommie qui<br />

contraste avec leur profession... Mais, bientôt <strong>de</strong>s cris <strong>de</strong> mort<br />

retentissent <strong>de</strong>rrière p.265 eux... on maudit, on profère <strong>de</strong>s<br />

menaces ; <strong>de</strong>s hommes armés <strong>de</strong> fourches, <strong>de</strong> bâtons ou <strong>de</strong><br />

fouets, sont à leurs trousses. Forts <strong>de</strong> leur conscience, nos<br />

mendiants, au lieu <strong>de</strong> fuir, les atten<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> pied ferme, leur<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt sans émotion <strong>la</strong> cause <strong>de</strong> ce tapage, qui sied mal à <strong>de</strong><br />

paisibles habitants <strong>de</strong> <strong>la</strong> campagne...<br />

— Vous avez volé mes habits, crie l'un.<br />

— Vous avez pris mon grain, hurle l'autre...<br />

Les accusés n'ont pas grands frais d'éloquence à faire pour<br />

prouver leur innocence.<br />

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