Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

chineancienne.fr
from chineancienne.fr More from this publisher
14.07.2013 Views

Associations de la Chine Qui n'a vu, en Europe, sur nos foires et nos marchés, ces superbes charlatans, habillés d'étoffes aux couleurs les plus riches et les plus variées, chamarrés d'or, des pieds à la tête, ayant pour couvre-chef un chapeau d'amiral ? Ils voyagent en grands seigneurs ; voitures à quatre roues, chevaux demi-sang, domestiques, musiciens, rien ne leur manque, pas même les pièces de cinq francs et les louis d'or, qu'ils font sonner aux yeux ébahis de la multitude. Ils ont appris par cœur quelques discours éloquents dont ils ne sont pas les auteurs ; et, avec ce p.246 léger bagage littéraire qui, le plus souvent, compose aussi toute leur science en médecine, ils réussissent à captiver les cœurs et à empocher les pièces de cinq francs. Les médecins ambulants de la Chine sont bien plus modestes. Cela tient-il à la simplicité des habitants du Céleste-Empire, qui se défieraient de leurs Hippocrates, si ceux-ci cherchaient à leur jeter de la poudre aux yeux, tandis qu'au contraire ils leur donnent toute leur confiance, quand ils se présentent à eux sous les livrées de la misère ? C'est possible. En tous cas, nos Chemg- y, ou Y-Chemg-Sien-Chen, n'ont à leur service ni équipage, ni mules, ni chevaux, pas même le baudet le plus étique, la brouette la plus élémentaire, pour exécuter leurs voyages. Que ne suis-je peintre ! Ce serait bien le cas, ou jamais, de vous faire le portrait d'un confrère de la Faculté ambulante. Le charlatan, au grand pays de la Chine, est un homme assez ordinairement maigre, au teint bronzé, au front sillonné de rides précoces, au regard scrutateur. On voit tout de suite qu'il n'est plus au début de sa carrière... qu'il a roulé : sa calotte ou son chapeau, ses chaussures, ses bas, mais principalement son pardessus accusent un âge déjà respectable. Le drap en est rapé jusqu'à la chaîne, la soie flétrie et maculée, le velours dépouillé 198

Associations de la Chine de son p.247 duvet et de sa couleur primitive. Toutefois, l'ensemble de l'accoutrement porte encore, je ne sais quel cachet aristocratique, qui n'est pas sans quelque prestige aux yeux du peuple des champs. Sans se faire passer pour des savants qui ont passé l'Hymalaya, exploré les steppes de la Russie, ou le désert de Sahara, les charlatans de l'Empire du Milieu ne sont pas sans faconde, ni même sans connaissances acquises. Ils savent par cœur une quantité prodigieuse et variée de formules oratoires, qu'ils débitent à ravir. Au Sud, ils parlent un jargon, que les badauds prennent pour la « fine langue » des lettrés de Péking. Au Nord, c'est le patois de Nanking... Il en est même qui, comme leurs confrères d'Europe, se donnent le luxe de quelques tirades éloquentes, soi-disant empruntées aux royaumes étrangers où ils sont allés compléter leurs cours de thérapeutique. Personne ne les comprend, mais c'est précisément ce qui les fait admirer. Pourriez-vous bien affirmer que vos avocats, vos députés, sans parler des charlatans qui pérorent sur vos places publiques, ne sont pas, parfois, eux aussi, redevables à ce genre d'éloquence du prestige et de la célébrité qui se sont attachés à leur nom ? Lorsque le charlatan chinois voyage simplement de village en village, au lieu de porter sur le dos ses effets et ses médicaments, assez p.248 souvent il emprunte ou loue une brouette. A peine arrivé à l'entrée d'un hameau, il agite une petite sonnette dont le timbre argentin est toujours compris des habitants de la localité. Le peuple est prévenu... Pendant qu'il se dispose à venir consulter l'homme de l'art, celui-ci, harassé de fatigue, décharge sa brouette, ouvre les paquets des médicaments et range sur le gazon, avec une symétrie du meilleur goût, ses flacons, ses paquets rouges, ses onguents aux cinq couleurs, et enfin s'assied sur ses talons. 199

<strong>Associations</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

Qui n'a vu, en Europe, sur nos foires et nos marchés, ces<br />

superbes char<strong>la</strong>tans, habillés d'étoffes aux couleurs les plus<br />

riches et les plus variées, chamarrés d'or, <strong>de</strong>s pieds à <strong>la</strong> tête,<br />

ayant pour couvre-chef un chapeau d'amiral ? Ils voyagent en<br />

grands seigneurs ; voitures à quatre roues, chevaux <strong>de</strong>mi-sang,<br />

domestiques, musiciens, rien ne leur manque, pas même les<br />

pièces <strong>de</strong> cinq francs et les louis d'or, qu'ils font sonner aux yeux<br />

ébahis <strong>de</strong> <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong>. Ils ont appris par cœur quelques discours<br />

éloquents dont ils ne sont pas les auteurs ; et, avec ce p.246 léger<br />

bagage littéraire qui, le plus souvent, compose aussi toute leur<br />

science en mé<strong>de</strong>cine, ils réussissent à captiver les cœurs et à<br />

empocher les pièces <strong>de</strong> cinq francs.<br />

Les mé<strong>de</strong>cins ambu<strong>la</strong>nts <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> sont bien plus mo<strong>de</strong>stes.<br />

Ce<strong>la</strong> tient-il à <strong>la</strong> simplicité <strong>de</strong>s habitants <strong>du</strong> Céleste-Empire, qui<br />

se défieraient <strong>de</strong> leurs Hippocrates, si ceux-ci cherchaient à leur<br />

jeter <strong>de</strong> <strong>la</strong> poudre aux yeux, tandis qu'au contraire ils leur<br />

donnent toute leur confiance, quand ils se présentent à eux sous<br />

les livrées <strong>de</strong> <strong>la</strong> misère ? C'est possible. En tous cas, nos Chemg-<br />

y, ou Y-Chemg-Sien-Chen, n'ont à leur service ni équipage, ni<br />

mules, ni chevaux, pas même le bau<strong>de</strong>t le plus étique, <strong>la</strong><br />

brouette <strong>la</strong> plus élémentaire, pour exécuter leurs voyages. Que<br />

ne suis-je peintre ! Ce serait bien le cas, ou jamais, <strong>de</strong> vous faire<br />

le portrait d'un confrère <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faculté ambu<strong>la</strong>nte.<br />

Le char<strong>la</strong>tan, au grand pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong>, est un homme assez<br />

ordinairement maigre, au teint bronzé, au front sillonné <strong>de</strong> ri<strong>de</strong>s<br />

précoces, au regard scrutateur. On voit tout <strong>de</strong> suite qu'il n'est<br />

plus au début <strong>de</strong> sa carrière... qu'il a roulé : sa calotte ou son<br />

chapeau, ses chaussures, ses bas, mais principalement son<br />

par<strong>de</strong>ssus accusent un âge déjà respectable. Le drap en est rapé<br />

jusqu'à <strong>la</strong> chaîne, <strong>la</strong> soie flétrie et maculée, le velours dépouillé<br />

198

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!