Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

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Associations de la Chine Cependant, plusieurs mois s'étaient écoulés ; les dix-sept collecteurs envoyés avant Fong-Nan avaient tous reparu depuis longtemps déjà, et versé des sommes considérables dans les trésors royaux, quand enfin le vieux poète revint lui-même de son expédition... Deux hommes de peine le suivaient, portant une caisse qui paraissait fort légère. A peine eut-il paru devant le Souverain, que celui-ci, rouge de colère, l'apostrophe en ces termes : — Comment, Fong-Nan, c'est là tout le trésor que vous m'apportez ? — Oui, Sire, répond le collecteur, sans se déconcerter ; et ce trésor est le plus précieux que votre Majesté ait jamais possédé. p.225 Le district de Yang-Tang est désolé par des épidémies de tout genre ; pas une famille qui ne soit plongée dans le deuil et les larmes... Les morts sont si nombreux, que la plupart n'ont ni habillements ni cercueils. J'ai donné aux malheureux survivants quittance de leurs impôts, annonçant au peuple, que Votre Majesté émue de ses souffrances, m'avait envoyé pour lui faire remise entière de ses redevances arriérées, et le consoler, mais à la condition qu'il se chargerait de donner aux morts une sépulture convenable. Sire, vous avez de l'argent dans vos trésors, des chevaux dans vos écuries, et des céréales dans vos greniers. Il vous manquait des vertus... je vous les apporte. Que votre Majesté fasse ouvrir cette caisse qui lui paraît si légère ; elle y trouvera des milliers de bordereaux qui valent une fortune inappréciable, et vous rapporteront plus de gloire que tous les trésors de la terre ne le pourraient faire. 182

Associations de la Chine Cette tirade, si touchante fût-elle, ne réussit cependant pas à calmer le prince ; car, sans prononcer un mot, il tourna le dos à Fong-Nan. Celui-ci avait la conscience tranquille ; il était sûr d'avoir agi dans les intérêts du roi. Sans s'émouvoir d'une si froide réception, comme aussi sans murmurer, il regagna son humble réduit, résigné à y vivre dans l'obscurité et dans le denûment, comme il l'avait fait si p.226 longtemps, avant d'être appelé à la haute et brillante charge de collecteur royal. L'année suivante, le roi de Tsi voulut visiter ses États. Il en parcourut tous les districts afin d'y être acclamé par son peuple. Mais cette satisfaction fut refusée à sa vanité. Tout le monde s'enfuyait à son approche. Les enfants eux-mêmes abandonnaient leurs jeux et allaient se cacher dans les bois, ou dans les forêts de sorgho, qui couvraient les champs. Partout les portes des maisons se fermaient sur son passage, les places publiques étaient désertes. Un seul district reçut le Souverain avec enthousiasme ; c'était celui de Yang-Tang. Les poètes chantèrent sa munificence et ses bienfaits. Les populations tout entières, hommes, femmes, enfants, vieillards, se pressaient autour du cortège royal, poussaient des vivat à faire trembler les montagnes : c'était une ovation, une marche triomphale. Le roi, alors, se ressouvint de son collecteur et de la caisse de bordereaux. Fong-Nan, quelques jours après, était élevé à la dignité d'intendant général des finances. Fête patronale du Deuil. — La fête du célèbre poète se solennise le seizième jour de la première lune. Une croyance populaire, accréditée partout depuis vingt siècles, attribue à la manière dont la fête sera célébrée, le bonheur ou l'épreuve de l'année tout entière. p.227 Si la foule, soit en entendant des 183

<strong>Associations</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

Cette tira<strong>de</strong>, si touchante fût-elle, ne réussit cependant pas à<br />

calmer le prince ; car, sans prononcer un mot, il tourna le dos à<br />

Fong-Nan. Celui-ci avait <strong>la</strong> conscience tranquille ; il était sûr<br />

d'avoir agi dans les intérêts <strong>du</strong> roi. Sans s'émouvoir d'une si<br />

froi<strong>de</strong> réception, comme aussi sans murmurer, il regagna son<br />

humble ré<strong>du</strong>it, résigné à y vivre dans l'obscurité et dans le<br />

<strong>de</strong>nûment, comme il l'avait fait si p.226 longtemps, avant d'être<br />

appelé à <strong>la</strong> haute et bril<strong>la</strong>nte charge <strong>de</strong> collecteur royal.<br />

L'année suivante, le roi <strong>de</strong> Tsi voulut visiter ses États. Il en<br />

parcourut tous les districts afin d'y être acc<strong>la</strong>mé par son peuple.<br />

Mais cette satisfaction fut refusée à sa vanité. Tout le mon<strong>de</strong><br />

s'enfuyait à son approche. Les enfants eux-mêmes<br />

abandonnaient leurs jeux et al<strong>la</strong>ient se cacher dans les bois, ou<br />

dans les forêts <strong>de</strong> sorgho, qui couvraient les champs. Partout les<br />

portes <strong>de</strong>s maisons se fermaient sur son passage, les p<strong>la</strong>ces<br />

publiques étaient désertes. Un seul district reçut le Souverain<br />

avec enthousiasme ; c'était celui <strong>de</strong> Yang-Tang. Les poètes<br />

chantèrent sa munificence et ses bienfaits. Les popu<strong>la</strong>tions tout<br />

entières, hommes, femmes, enfants, vieil<strong>la</strong>rds, se pressaient<br />

autour <strong>du</strong> cortège royal, poussaient <strong>de</strong>s vivat à faire trembler les<br />

montagnes : c'était une ovation, une marche triomphale.<br />

Le roi, alors, se ressouvint <strong>de</strong> son collecteur et <strong>de</strong> <strong>la</strong> caisse <strong>de</strong><br />

bor<strong>de</strong>reaux. Fong-Nan, quelques jours après, était élevé à <strong>la</strong><br />

dignité d'intendant général <strong>de</strong>s finances.<br />

Fête patronale <strong>du</strong> Deuil. — La fête <strong>du</strong> célèbre poète se<br />

solennise le seizième jour <strong>de</strong> <strong>la</strong> première lune. Une croyance<br />

popu<strong>la</strong>ire, accréditée partout <strong>de</strong>puis vingt siècles, attribue à <strong>la</strong><br />

manière dont <strong>la</strong> fête sera célébrée, le bonheur ou l'épreuve <strong>de</strong><br />

l'année tout entière. p.227 Si <strong>la</strong> foule, soit en entendant <strong>de</strong>s<br />

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