Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

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Associations de la Chine Ly goûta la sagesse de son ami : il rédigea, dans le silence des montagnes du Chan-si, ses plans et son programme, et, sachant que nul n'est prophète dans son pays, il se rendit dans le Ho-nan, province limitrophe connue pour son amour de la nouveauté et de la révolte. Ly se présenta comme un ami de la classe ouvrière et souffrante dont il voulait, disait-il, adoucir, au prix de sa vie, la misère et les privations ; on l'acclama partout avec enthousiasme ; il parla si bien qu'en peu de temps il était devenu le chef respecté et obéi d'un parti formidable. Malheureusement, il ne lui fut point donné de jouir du fruit de ses prédications : la mort le frappa au moment où il se préparait à lever une puissante armée. Ly avait formé à son école huit disciples de choix ; les deux plus habiles, nommés Wang et Kâo, prirent en main le gouvernement de l'association, déjà solidement établie, ou plutôt des bandes insurgées et armées par leur maître Ly. Les annales du Nénuphar disent qu'ils commandèrent une armée telle qu'on n'en avait jamais vue de vie d'homme ; les soldats étaient nombreux comme les grains de sable de la p.006 mer et du désert... Les troupes impériales, à leur approche, s'enfuyaient au fond des montagnes, et mouraient d'épouvante... Malgré le peu de créance que méritent ces récits, plus poétiques que vrais, il n'en est pas moins certain que les insurgés s'emparèrent de la capitale, pénétrèrent dans le palais impérial et auraient gardé le trône sans la division des chefs et l'insubordination de leurs milices. Les chefs, dit-on, furent pris et décapités. Wang était un licencié militaire d'une grande intrépidité ; on assure qu'il compta parmi les orateurs les plus éloquents de son temps ; toujours est-il qu'il était écouté et obéi comme un oracle. Aujourd'hui encore, il n'est pas jusqu'au plus 18

Associations de la Chine simple paysan, s'il appartient à la société du Nénuphar, qui n'ait ce grand homme en profonde vénération ; c'est un martyr dont la mort demande vengeance. Avant la révolte qui faillit renverser le trône de Kia-king, la société du Nénuphar se donnait le nom de Pei-lien-Kiaô, association du Nénuphar blanc ; poursuivie à outrance par les troupes et par la police, elle adopta le titre de Religion du Nénuphar 1 . Au commencement du règne de Chien-fong (1850), elle reprit les p.007 armes ; son chef, qui se disait descendant de la dynastie des Ming et se faisait appeler Tchou-ché-sin, réclamait l'héritage de ses aïeux. Maître des principales villes du Kiang-nan, il se fit proclamer Roi céleste, Tien-wang. On a cru longtemps que ce chef était véritablement un prince issu du sang impérial. Les lettrés favorisaient sa cause et s'enrôlaient volontiers sous ses drapeaux pour rétablir une dynastie qui leur était sympathique ; mais plus tard ses brigandages et la fusion des débris de son armée avec les bandes de vandales qui ravageaient les provinces du Ho-nan et du Chan-tong, firent évanouir cette illusion. Pourtant, le Nénuphar vaincu ne se découragea point. Toujours prêt à profiter de la faiblesse du Gouvernement tartare et à lever l'étendard de la révolte, il a tenté deux nouvelles campagnes dans l'espace des quinze années qui viennent de s'écouler. Chien- fong était un prince sans génie et sans valeur. Il venait, d'ailleurs, de voir ses armées démoralisées et vaincues par une poignée d'Européens. Ce fut pour le Nénuphar le signal d'un nouveau soulèvement ; cette fois, il est vrai, les bandes insurgées ne s'emparèrent d'aucune place forte, mais elles eurent 1 Depuis la grande insurrection de 1860-1862, les frères du Nénuphar ne se reconnaissent plus guère, au moins dans les provinces du Tché-Ly et du Chan-tong, que sous le nom de Mi-mi-kiâo, doctrine incommunicable. 19

<strong>Associations</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

Ly goûta <strong>la</strong> sagesse <strong>de</strong> son ami : il rédigea, dans le silence <strong>de</strong>s<br />

montagnes <strong>du</strong> Chan-si, ses p<strong>la</strong>ns et son programme, et, sachant<br />

que nul n'est prophète dans son pays, il se rendit dans le Ho-nan,<br />

province limitrophe connue pour son amour <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouveauté et <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> révolte. Ly se présenta comme un ami <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse ouvrière et<br />

souffrante dont il vou<strong>la</strong>it, disait-il, adoucir, au prix <strong>de</strong> sa vie, <strong>la</strong><br />

misère et les privations ; on l'acc<strong>la</strong>ma partout avec<br />

enthousiasme ; il par<strong>la</strong> si bien qu'en peu <strong>de</strong> temps il était <strong>de</strong>venu<br />

le chef respecté et obéi d'un parti formidable. Malheureusement,<br />

il ne lui fut point donné <strong>de</strong> jouir <strong>du</strong> fruit <strong>de</strong> ses prédications : <strong>la</strong><br />

mort le frappa au moment où il se préparait à lever une puissante<br />

armée.<br />

Ly avait formé à son école huit disciples <strong>de</strong> choix ; les <strong>de</strong>ux<br />

plus habiles, nommés Wang et Kâo, prirent en main le<br />

gouvernement <strong>de</strong> l'association, déjà soli<strong>de</strong>ment établie, ou plutôt<br />

<strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s insurgées et armées par leur maître Ly.<br />

Les annales <strong>du</strong> Nénuphar disent qu'ils commandèrent une<br />

armée telle qu'on n'en avait jamais vue <strong>de</strong> vie d'homme ; les<br />

soldats étaient nombreux comme les grains <strong>de</strong> sable <strong>de</strong> <strong>la</strong> p.006<br />

mer et <strong>du</strong> désert... Les troupes impériales, à leur approche,<br />

s'enfuyaient au fond <strong>de</strong>s montagnes, et mouraient d'épouvante...<br />

Malgré le peu <strong>de</strong> créance que méritent ces récits, plus poétiques<br />

que vrais, il n'en est pas moins certain que les insurgés<br />

s'emparèrent <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale, pénétrèrent dans le pa<strong>la</strong>is impérial et<br />

auraient gardé le trône sans <strong>la</strong> division <strong>de</strong>s chefs et<br />

l'insubordination <strong>de</strong> leurs milices. Les chefs, dit-on, furent pris et<br />

décapités. Wang était un licencié militaire d'une gran<strong>de</strong><br />

intrépidité ; on assure qu'il compta parmi les orateurs les plus<br />

éloquents <strong>de</strong> son temps ; toujours est-il qu'il était écouté et obéi<br />

comme un oracle. Aujourd'hui encore, il n'est pas jusqu'au plus<br />

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