Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

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Associations de la Chine — Wo-ti-eull-tze, ni-sé-leaô, chuei-tien-ni-ti-tié ! mon fils, tu es mort... qui donc, désormais, consolera ton malheureux père ? Les parents, et même les voisins, viennent chanter trois cris réglementaires si l'amitié ou la parenté ne les unit que de loin au défunt. Je ne connais rien qui ressemble mieux au triple hourra des Anglais. Si, au contraire, l'amitié est étroite et la parenté proche, le hourra se répète jusqu'à sept fois, et cela avec un accent de douleur qui va toujours crescendo. La bière du petit défunt a son catafalque, souvent ses musiciens, son cortège de pleureurs. Le père et la mère, le grand père et la grand'mère, peuvent, à leur aise, le conduire à sa dernière demeure, y rester et y p.217 pleurer autant que le cœur leur en dira ; personne ne s'en scandalise. Dans le Nord de la Chine, du moins dans la partie qui m'est plus spécialement connue, il est un usage scandaleux, indigne d'un pays civilisé ; vous le connaissez déjà depuis longtemps ; c'est celui de laisser dévorer, par les chiens, les malheureux petits enfants morts avant l'âge de raison, surtout si ce sont des filles. Ceux-là ne sont point admis dans le cimetière de la famille ou du village. A peine ont-ils rendu le dernier soupir, qu'un voisin pauvre, ou un domestique, vient envelopper le mort d'un lambeau de natte, et va, sans bruit, déposer ce paquet dans un trou de trente ou quarante centimètres de profondeur, qu'il a creusé sur le bord d'un chemin, dans un fossé, ou sur la rive d'un canal. Le cadavre n'y reste pas longtemps. Les chiens du voisinage, qui ont flairé cette curée de chair humaine, ne se font pas attendre. Le mort est arraché de sa fosse, tiré par morceaux et mis en pièces. Si les chiens n'ont pas réussi à le dévorer tout 176

Associations de la Chine entier, les corbeaux que l'on rencontre partout, ne manquent jamais de se présenter et de terminer la besogne que les quadrupèdes ont laissé inachevée. Des écrivains, qui se disent compétents, dans la matière, et veulent être incapables d'une p.218 erreur ou d'un préjugé, ont prétendu, à mon grand étonnement, que le Boudhisme a exercé une influence incontestable et salutaire sur la civilisation de la Chine. Évidemment, c'est l'opinion des disciples de Fo, aussi bien que des milliers de bonzes qui habitent ses temples ; mais ce ne peut-être celle d'un chrétien, voire même des explorateurs qui ont étudié, ne fût-ce que quelques jours, les mœurs et le caractère des habitants de l'Empire du Milieu. Interrogez là-dessus les Chinois ; ils vous diront que le Boudhisme a fait perdre le bon sens au peuple des campagnes et introduit dans leur pays les extravagances les plus ineptes et les plus honteuses Ce n'est pas ici le lieu de hasarder une comparaison entre la civilisation qui a précédé l'introduction du Boudhisme dans le Céleste-Empire et celle qu'on trouve depuis la soixante-cinquième année de notre ère, époque de son apparition officielle. Aussi je reviens à mon sujet. Avant que les bonzes vinssent enseigner aux Chinois les stupides rêveries de la Métempsycose, il n'était jamais venu à l'esprit d'un père et d'une mère, de refuser à leurs enfants une place dans la sépulture de famille, bien moins de les donner en pâture aux chiens... Les bonzes ont dit et répété que l'intérêt des familles imposait ce sacrifice à la nature... p.219 « Si un petit enfant mal constitué, mort avant l'âge de raison, est traité comme les autres membres de la famille, ont-ils dit aux parents, son âme ne voudra pas s'éloigner ; elle demeurera là, toute prête 177

<strong>Associations</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

— Wo-ti-eull-tze, ni-sé-leaô, chuei-tien-ni-ti-tié ! mon<br />

fils, tu es mort... qui donc, désormais, consolera ton<br />

malheureux père ?<br />

Les parents, et même les voisins, viennent chanter trois cris<br />

réglementaires si l'amitié ou <strong>la</strong> parenté ne les unit que <strong>de</strong> loin au<br />

défunt. Je ne connais rien qui ressemble mieux au triple hourra<br />

<strong>de</strong>s Ang<strong>la</strong>is. Si, au contraire, l'amitié est étroite et <strong>la</strong> parenté<br />

proche, le hourra se répète jusqu'à sept fois, et ce<strong>la</strong> avec un<br />

accent <strong>de</strong> douleur qui va toujours crescendo. La bière <strong>du</strong> petit<br />

défunt a son catafalque, souvent ses musiciens, son cortège <strong>de</strong><br />

pleureurs. Le père et <strong>la</strong> mère, le grand père et <strong>la</strong> grand'mère,<br />

peuvent, à leur aise, le con<strong>du</strong>ire à sa <strong>de</strong>rnière <strong>de</strong>meure, y rester<br />

et y p.217 pleurer autant que le cœur leur en dira ; personne ne<br />

s'en scandalise.<br />

Dans le Nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong>, <strong>du</strong> moins dans <strong>la</strong> partie qui m'est<br />

plus spécialement connue, il est un usage scandaleux, indigne<br />

d'un pays civilisé ; vous le connaissez déjà <strong>de</strong>puis longtemps ;<br />

c'est celui <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser dévorer, par les chiens, les malheureux<br />

petits enfants morts avant l'âge <strong>de</strong> raison, surtout si ce sont <strong>de</strong>s<br />

filles.<br />

Ceux-là ne sont point admis dans le cimetière <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille ou<br />

<strong>du</strong> vil<strong>la</strong>ge. A peine ont-ils ren<strong>du</strong> le <strong>de</strong>rnier soupir, qu'un voisin<br />

pauvre, ou un domestique, vient envelopper le mort d'un<br />

<strong>la</strong>mbeau <strong>de</strong> natte, et va, sans bruit, déposer ce paquet dans un<br />

trou <strong>de</strong> trente ou quarante centimètres <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur, qu'il a<br />

creusé sur le bord d'un chemin, dans un fossé, ou sur <strong>la</strong> rive d'un<br />

canal. Le cadavre n'y reste pas longtemps. Les chiens <strong>du</strong><br />

voisinage, qui ont f<strong>la</strong>iré cette curée <strong>de</strong> chair humaine, ne se font<br />

pas attendre. Le mort est arraché <strong>de</strong> sa fosse, tiré par morceaux<br />

et mis en pièces. Si les chiens n'ont pas réussi à le dévorer tout<br />

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