Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

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14.07.2013 Views

Associations de la Chine ne soit mis à profit. On laboure même les fossés, la berge des chemins vicinaux et des rivières, le lit des canaux et des lagunes, à mesure que le niveau de l'eau baisse. Il n'est pas jusqu'aux cours des habitations qui ne soient transformées en terre de labour ; on y sème du maïs, du ricin, des navets, des radis ou des oignons. Ici, la terre n'a pas, comme chez nous, le temps de se reposer ; on ne lui donne pas même la liberté de reprendre haleine. Une pièce de terre n'est pas plus tôt dépouillée du froment qui lui avait été confié avant l'hiver, qu'elle reçoit la semence du maïs, des lentilles, de la vesce ou du sarrazin. Elle se laisse faire, obéit toujours, mais, nonobstant sa bonne volonté, il lui est impossible de p.209 donner l'aisance, souvent même de suffire à la plus élémentaire subsistance de ses habitants. Pour comble de malheur, il se passe difficilement une année, sans qu'il survienne quelque dépense imprévue : une maladie avec ses frais dedecin et d'apothicaire, la mort d'un membre de la famille, le mariage de quelqu'un des enfants de la maison, quelques corvées sur les routes de grande communication, un procès, et tant d'autres choses dont la bourse des pauvres gens se passerait si bien. Les emprunts se font, en Chine, à raison du 30 % d'intérêt, rarement moins, souvent plus, quand on est forcé de s'adresser aux usuriers de contrebande, ceux qui exploitent les bourses à la petite semaine ; les contracter, c'est se vouer à une ruine complète. Que feront alors les déshérités de la fortune ? Les Chinois ont reçu de la nature l'intelligence des affaires commerciales, l'instinct de l'agiotage ; ils savent admirablement mettre ce talent à profit, en établissant des associations, ou, comme vous dites en France, des compagnies, qui, sans avoir besoin de l'approbation de l'autorité, sans être condamnées au 170

Associations de la Chine contrôle et aux tracasseries des bureaucrates, n'en sont que mieux constituées et n'en fonctionnent pas moins bien. Le plus humble hameau, vous le savez déjà, ne se croirait pas à la hauteur de la situation, p.210 s'il n'avait, comme les villes et les bourgades, ses confréries, ses associations. Ici, vous trouverez la Confrérie des sapèques ; là, c'est la Société du deuil, du blanc.... Ailleurs, un Comité d'assurances qui doit fournir les frais occasionnés par les noces et la dot des jeunes filles issues de parents pauvres. Il n'est pas jusqu'aux ménagères qui n'aient leurs petites associations, formées sans bruit, fonctionnant habilement, presque toujours à l'insu du beau-père et de la belle- mère... Sociétés des œufs, des poulets, du fil, ou de la toile ; il y en a de toutes les sortes et pour tous les goûts. Un mot sur chacune de ces industries : Quelqu'un se trouve-t-il dans un embarras financier, au lieu de faire des emprunts ruineux, il adresse une invitation écrite sur papier rouge (le papier timbré n'est imposé à personne, en Chine), aux familles de son village, ou des villages voisins, avec lesquelles il est en bons termes. Chose surprenante ! dans un pays qui passe pour n'avoir aucune notion de civilisation, aucun sentiment généreux, les invités, bien qu'ils sachent le but de la réunion, et qu'ils soient eux-mêmes peu avancés dans leurs affaires, ne manquent point au rendez-vous. Lorsque tout le monde est arrivé, et que les saluts d'usage sont terminés, on se met à table, on jase, on boit, et surtout on nettoie les plats avec appétit. La gaîté est à son p.211 comble ; chacun a son mot pour rire ; seulement il est une question dont personne ne parle, c'est celle qui fait l'objet de la réunion. La table desservie, au moment où les convives vont allumer leurs pipes et boire la tasse de thé qui terminera la séance, le maître 171

<strong>Associations</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

ne soit mis à profit. On <strong>la</strong>boure même les fossés, <strong>la</strong> berge <strong>de</strong>s<br />

chemins vicinaux et <strong>de</strong>s rivières, le lit <strong>de</strong>s canaux et <strong>de</strong>s <strong>la</strong>gunes,<br />

à mesure que le niveau <strong>de</strong> l'eau baisse. Il n'est pas jusqu'aux<br />

cours <strong>de</strong>s habitations qui ne soient transformées en terre <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong>bour ; on y sème <strong>du</strong> maïs, <strong>du</strong> ricin, <strong>de</strong>s navets, <strong>de</strong>s radis ou <strong>de</strong>s<br />

oignons. Ici, <strong>la</strong> terre n'a pas, comme chez nous, le temps <strong>de</strong> se<br />

reposer ; on ne lui donne pas même <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> reprendre<br />

haleine. Une pièce <strong>de</strong> terre n'est pas plus tôt dépouillée <strong>du</strong><br />

froment qui lui avait été confié avant l'hiver, qu'elle reçoit <strong>la</strong><br />

semence <strong>du</strong> maïs, <strong>de</strong>s lentilles, <strong>de</strong> <strong>la</strong> vesce ou <strong>du</strong> sarrazin. Elle se<br />

<strong>la</strong>isse faire, obéit toujours, mais, nonobstant sa bonne volonté, il<br />

lui est impossible <strong>de</strong> p.209 donner l'aisance, souvent même <strong>de</strong><br />

suffire à <strong>la</strong> plus élémentaire subsistance <strong>de</strong> ses habitants.<br />

Pour comble <strong>de</strong> malheur, il se passe difficilement une année,<br />

sans qu'il survienne quelque dépense imprévue : une ma<strong>la</strong>die<br />

avec ses frais <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin et d'apothicaire, <strong>la</strong> mort d'un membre<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> famille, le mariage <strong>de</strong> quelqu'un <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison,<br />

quelques corvées sur les routes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> communication, un<br />

procès, et tant d'autres choses dont <strong>la</strong> bourse <strong>de</strong>s pauvres gens<br />

se passerait si bien.<br />

Les emprunts se font, en <strong>Chine</strong>, à raison <strong>du</strong> 30 % d'intérêt,<br />

rarement moins, souvent plus, quand on est forcé <strong>de</strong> s'adresser<br />

aux usuriers <strong>de</strong> contreban<strong>de</strong>, ceux qui exploitent les bourses à <strong>la</strong><br />

petite semaine ; les contracter, c'est se vouer à une ruine<br />

complète. Que feront alors les déshérités <strong>de</strong> <strong>la</strong> fortune ?<br />

Les Chinois ont reçu <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature l'intelligence <strong>de</strong>s affaires<br />

commerciales, l'instinct <strong>de</strong> l'agiotage ; ils savent admirablement<br />

mettre ce talent à profit, en établissant <strong>de</strong>s associations, ou,<br />

comme vous dites en France, <strong>de</strong>s compagnies, qui, sans avoir<br />

besoin <strong>de</strong> l'approbation <strong>de</strong> l'autorité, sans être condamnées au<br />

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