Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

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Associations de la Chine plus humain ou plus prudent... Ces excès ne sont pas inouïs en Chine. p.184 Ceux qui tiennent à demeurer au nombre des honnêtes gens, et c'est l'immense majorité, ne se laissent pas emporter par le délire d'une vengeance ainsi assouvie ; ils forment une coalition plus honorable, et aussi sûre, pour se garantir des tracasseries et des vexations de l'avenir. Cette association est appelée par les Chinois : Ligue défensive, qui n'attaque personne, mais qui est décidée à ne pas se laisser arracher un cheveu de la tête, ou pour parler le langage moderne de notre pays : à ne pas céder un pouce de son terrain, une brique de sa maison. La société du Kouang-sé-Hoei a ses chefs, son conseil, ses règlements administratifs et financiers, enfin ses assemblées, ou si vous aimez mieux, ses comices, et elle ne fait mystère à personne, de la fin pour laquelle elle a été établie. Deux fois par an, chacun des membres qui la composent apporte au trésorier, une contribution en espèces ou en nature, selon la taxe et le mode de paiement qui lui ont été imposés par le directeur des fonds. Que l'agression contre laquelle on prépare les moyens de résistance se produise ou non, ces redevances annuelles sont régulièrement versées au trésor de la société. De cette façon, si, un jour ou l'autre, un particulier est assez mal inspiré pour chercher chicane aux voisins, ceux-ci, se sentant en mesure de tenir la campagne, acceptent la lutte, p.185 se lèvent comme un seul homme et vont se présenter en masse, au tribunal du magistrat. Le sous-préfet pourra bien n'avoir pas le courage de sacrifier l'amitié à la justice, les croisés pourront bien perdre leur procès, ou n'obtenir qu'une satisfaction équivoque, toutefois ces démarches solennelles intimident toujours et l'autorité et les oppresseurs. 152

Associations de la Chine Pour rendre quelque justice à la magistrature chinoise, dont vous ne me soupçonnez pas d'être un admirateur exagéré, qu'il me soit permis de dire, en passant, qu'elle est beaucoup moins accessible à la vénalité qu'on ne le croit communément. Il se rencontre un grand nombre d'officiers qui, pour ôter aux riches la malencontreuse idée de molester les pauvres, évitent tout commerce avec eux, n'acceptent ni leurs visites ni leurs présents, sachant se réserver ainsi la liberté de gouverner leurs administrés, riches ou pauvres, sur le même pied et avec les mêmes lois. Les exemples ne manquent pas à l'appui de ma thèse. J'en choisis un entre mille. L'an dernier, au mois de Septembre, le sous-préfet de Tei- Tcheoû, ville du Chan-tong, voisine de celle de Ou-Kiâo que vous connaissez déjà, rendait solennellement un jugement qui a eu du retentissement dans le pays et ne manquera pas de faire passer le nom du magistrat à la postérité. Pour le moment, il est p.186 l'objet d'une incroyable vénération, je dirais presque d'un véritable culte. Les populations reconnaissantes se sont portées en masse à Tsin-nan-Fou, capitale du Chan-tong, demandant pour lui au vice-roi, une promotion dans la hiérarchie civile comme dans l'ordre des Globules, sans toutefois lui assigner d'autre poste que celui qu'il occupe. Cette démarche de trois ou quatre cent mille administrés, en même temps qu'elle est glorieuse pour le mandarin, n'est-elle pas aussi une réponse sans réplique à ceux qui prétendent que le peuple chinois est incapable de reconnaissance et d'affection ? Mais revenons au magistrat Kieou et à son jugement. Un riche propriétaire des environs du gros bourg de San-Yüen, trouvant sans doute qu'il avait trop de voisins et n'était pas assez au large, se mit un jour dans l'esprit qu'avec son nom, sa fortune 153

<strong>Associations</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

Pour rendre quelque justice à <strong>la</strong> magistrature chinoise, dont<br />

vous ne me soupçonnez pas d'être un admirateur exagéré, qu'il<br />

me soit permis <strong>de</strong> dire, en passant, qu'elle est beaucoup moins<br />

accessible à <strong>la</strong> vénalité qu'on ne le croit communément. Il se<br />

rencontre un grand nombre d'officiers qui, pour ôter aux riches <strong>la</strong><br />

malencontreuse idée <strong>de</strong> molester les pauvres, évitent tout<br />

commerce avec eux, n'acceptent ni leurs visites ni leurs présents,<br />

sachant se réserver ainsi <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> gouverner leurs<br />

administrés, riches ou pauvres, sur le même pied et avec les<br />

mêmes lois. Les exemples ne manquent pas à l'appui <strong>de</strong> ma<br />

thèse. J'en choisis un entre mille.<br />

L'an <strong>de</strong>rnier, au mois <strong>de</strong> Septembre, le sous-préfet <strong>de</strong> Tei-<br />

Tcheoû, ville <strong>du</strong> Chan-tong, voisine <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Ou-Kiâo que vous<br />

connaissez déjà, rendait solennellement un jugement qui a eu <strong>du</strong><br />

retentissement dans le pays et ne manquera pas <strong>de</strong> faire passer<br />

le nom <strong>du</strong> magistrat à <strong>la</strong> postérité. Pour le moment, il est p.186<br />

l'objet d'une incroyable vénération, je dirais presque d'un<br />

véritable culte. Les popu<strong>la</strong>tions reconnaissantes se sont portées<br />

en masse à Tsin-nan-Fou, capitale <strong>du</strong> Chan-tong, <strong>de</strong>mandant<br />

pour lui au vice-roi, une promotion dans <strong>la</strong> hiérarchie civile<br />

comme dans l'ordre <strong>de</strong>s Globules, sans toutefois lui assigner<br />

d'autre poste que celui qu'il occupe. Cette démarche <strong>de</strong> trois ou<br />

quatre cent mille administrés, en même temps qu'elle est<br />

glorieuse pour le mandarin, n'est-elle pas aussi une réponse sans<br />

réplique à ceux qui préten<strong>de</strong>nt que le peuple chinois est incapable<br />

<strong>de</strong> reconnaissance et d'affection ? Mais revenons au magistrat<br />

Kieou et à son jugement.<br />

Un riche propriétaire <strong>de</strong>s environs <strong>du</strong> gros bourg <strong>de</strong> San-Yüen,<br />

trouvant sans doute qu'il avait trop <strong>de</strong> voisins et n'était pas assez<br />

au <strong>la</strong>rge, se mit un jour dans l'esprit qu'avec son nom, sa fortune<br />

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