Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

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Associations de la Chine — O Vous, à qui rien n'est caché, vous savez que je n'ai jamais connu ma mère. Je sais qu'elle fut cruelle envers moi, et que, sans l'humanité d'un bonze, je serais mort au milieu des herbes du désert, livré en pâture aux oiseaux de proie. Mais si la vengeance et la haine envers ceux-là mêmes qui ne nous sont pas unis par les liens du sang, sont un crime, est-il permis de maudire et de haïr les auteurs de ses jours ? Écoutez ma prière, et dites- moi en quel lieu de la terre se trouve ma mère. Mou-Lien-Seng avait à peine achevé ces mots, que, tout à coup, la statue de Fo s'anima : — Ta mère, lui dit le dieu, a cessé de vivre et, depuis dix ans, elle porte au fond des enfers la peine de ses crimes ; mais, en considération de ta piété filiale, et pour en transmettre le souvenir à la postérité, je consens à ce qu'elle soit délivrée par celui qu'elle avait si lâchement et si inhumainement voué à la mort. Prends ta robe jaune, ton bonnet et surtout ta canne d'étain, emblème de l'autorité que je te confère, et va droit aux Enfers. Si Pluton p.142 refuse d'ouvrir, frappe vigoureusement du bout de ta canne, et, au troisième coup, la porte tombera. Mou-Lien-Seng n'avait encore que seize ans. Mais, puisant dans sa piété filiale le courage dont il a besoin pour une si difficile entreprise, encouragé d'ailleurs par les promesses de Fo, il part, il court, il vole ; le voilà déjà à la porte du terrible abîme. Il frappe doucement, d'abord. Une voix, retentissante comme le bruit du tonnerre, se fait entendre au fond du gouffre de feu ; c'est Pluton qui menace de lui infliger un châtiment exemplaire. Il frappe de nouveau. Pluton redouble ses menaces. Enfin, sans se 120

Associations de la Chine déconcerter, il frappe une troisième fois, et la porte tombe avec fracas sous les coups de sa canne d'étain. La prison est ouverte, les âmes aussitôt de se précipiter par milliers pour fuir ce lieu de souffrances. Leur Souverain, ou plutôt leur bourreau, a beau crier, menacer et s'élancer à la porte pour s'opposer à la fuite de ses prisonniers, sa voix est méconnue, ses efforts sont impuissants ; les âmes passent comme des essaims d'abeilles, au-dessus de sa tête. Cependant, Mou-Lien-Seng, impassible et plein du désir d'accomplir sa mission, continue de chercher sa mère, sans se préoccuper de la colère de Pluton. Il l'appelle, la presse de se faire connaître à lui... il vient la sauver... p.143 L'infortunée, qui se trouvait reléguée au fond d'un cachot, dans le coin le plus éloigné de la porte et le plus ténébreux des Enfers, n'ose en croire ses oreilles... sans doute elle est victime d'un rêve... Enfin, son cœur de mère, depuis dix ans déchiré par les remords aussi bien que dévoré par les flammes, a reconnu son fils, et elle vient à lui... Mou-Lien-Seng, alors, sans perdre un temps précieux à lui exprimer sa tendresse, la charge sur ses épaules et la transporte, d'un vol rapide, dans la province du Chan-si, où elle épouse un riche propriétaire qui lui fera couler des jours heureux... Quant au vaillant Mou-Lien-Seng, après avoir ainsi opéré, en faveur de sa mère, la merveille de la métempsycose, il rentra paisiblement dans son monastère et y vécut, dans la pratique de toutes les vertus, jusqu'à l'âge de cent vingt-sept ans ; sa mort fut accompagnée d'un grand nombre de prodiges qui lui firent aussitôt décerner par l'opinion publique son portefeuille de Ministre-balayeur du royaume de Pluton. Je souhaite, tant que régnera votre république française, que ses Ministres soient d'aussi inoffensifs balayeurs que Ti-Tseng- 121

<strong>Associations</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

— O Vous, à qui rien n'est caché, vous savez que je n'ai<br />

jamais connu ma mère. Je sais qu'elle fut cruelle envers<br />

moi, et que, sans l'humanité d'un bonze, je serais mort<br />

au milieu <strong>de</strong>s herbes <strong>du</strong> désert, livré en pâture aux<br />

oiseaux <strong>de</strong> proie. Mais si <strong>la</strong> vengeance et <strong>la</strong> haine envers<br />

ceux-là mêmes qui ne nous sont pas unis par les liens <strong>du</strong><br />

sang, sont un crime, est-il permis <strong>de</strong> maudire et <strong>de</strong> haïr<br />

les auteurs <strong>de</strong> ses jours ? Écoutez ma prière, et dites-<br />

moi en quel lieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre se trouve ma mère.<br />

Mou-Lien-Seng avait à peine achevé ces mots, que, tout à<br />

coup, <strong>la</strong> statue <strong>de</strong> Fo s'anima :<br />

— Ta mère, lui dit le dieu, a cessé <strong>de</strong> vivre et, <strong>de</strong>puis dix<br />

ans, elle porte au fond <strong>de</strong>s enfers <strong>la</strong> peine <strong>de</strong> ses<br />

crimes ; mais, en considération <strong>de</strong> ta piété filiale, et<br />

pour en transmettre le souvenir à <strong>la</strong> postérité, je<br />

consens à ce qu'elle soit délivrée par celui qu'elle avait si<br />

lâchement et si inhumainement voué à <strong>la</strong> mort. Prends<br />

ta robe jaune, ton bonnet et surtout ta canne d'étain,<br />

emblème <strong>de</strong> l'autorité que je te confère, et va droit aux<br />

Enfers. Si Pluton p.142 refuse d'ouvrir, frappe<br />

vigoureusement <strong>du</strong> bout <strong>de</strong> ta canne, et, au troisième<br />

coup, <strong>la</strong> porte tombera.<br />

Mou-Lien-Seng n'avait encore que seize ans. Mais, puisant<br />

dans sa piété filiale le courage dont il a besoin pour une si difficile<br />

entreprise, encouragé d'ailleurs par les promesses <strong>de</strong> Fo, il part, il<br />

court, il vole ; le voilà déjà à <strong>la</strong> porte <strong>du</strong> terrible abîme. Il frappe<br />

doucement, d'abord. Une voix, retentissante comme le bruit <strong>du</strong><br />

tonnerre, se fait entendre au fond <strong>du</strong> gouffre <strong>de</strong> feu ; c'est Pluton<br />

qui menace <strong>de</strong> lui infliger un châtiment exemp<strong>la</strong>ire. Il frappe <strong>de</strong><br />

nouveau. Pluton redouble ses menaces. Enfin, sans se<br />

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