Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

Associations de la Chine
victimes, à ne pas incendier et surtout à ne pas tuer ; cette
honnêteté de gens assurément fort malhonnêtes ; cette sorte p.IX
de moralité au milieu de l'immoralité la moins contestable,
constituent à tous égards le plus étrange des spectacles,
couronné qu'il est par cette incroyable apothéose du patron des
voleurs, patron sérieux, invoqué et suivi jusqu'à la vertu
exclusivement, sorte de déification morale sincèrement honorée
par d'évidents criminels. Oui, c'est étrange. Car enfin qu'est-ce
donc qu'ils honorent dans ce patron ? C'est sa conversion, c'est la
longue pénitence qu'il a faite de ses crimes. Quel contraste
pénible pour nous après ce qui vient de se passer à Paris, au
dernier Vendredi Saint ! Dans un de ces banquets impies de la
libre-pensée où, ce jour-là, on viole plus à plaisir encore les lois
de l'Église, et où l'on festoie abominablement pour la mort du
Dieu Sauveur, un convive, inventant de nouveaux blasphèmes, a
porté un toast « au mauvais larron ». Quel sort se ferait
l'imprudent qui irait dire à de tels convives qu'ils sont des gens
malhonnêtes ? Et pourtant, les voleurs chinois honorent non pas
un « mauvais larron » mais un larron converti ! Hélas ! je crains
bien qu'on ne puisse décidément plus dire que les Chinois valent
moins que nous !
Je parle du patron des voleurs : toute association chinoise a le
sien ; et chaque patron a ses légendes. Parmi celles que vous
rapportez, mon révérend Père, il en est de curieuses, il en est de
jolies. Mais comme j'ai été frappé de celle de la jeune vierge de
Taï-gnan, la douce Si-Hoâ ! p.X Cette vierge si vénérée invoquée
par le peuple avec tant de confiance, à la destinée douloureuse et
à la mort environnée de mystère, n'est plus, ce me semble, une
création de l'imagination nationale. C'est un ressouvenir
prophétique, si j'ose unir ces deux mots ; c'est la grande tradition
humaine, c'est l'écho du salut annoncé persistant au milieu du
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