Associations de la Chine, Lettres du P. Leboucq ... - Chine ancienne

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Associations de la Chine Souverain. Le silence le plus profond, commandé d'ailleurs par la gravité des personnages qui reviennent de l'autre monde, règne dans l'assemblée, jusqu'au moment où le Directeur fait entendre le commandement : — Genou terre ! Les morts ont fini de dîner, tout le monde se prosterne pour recevoir leurs remercîments et leurs adieux. Alors, le silence cesse, on respire à l'aise, les robes officielles sont déposées sur les branches des cyprès où sur les jujubiers sauvages qui remplissent ordinairement les sépultures ; chacun tire ses p.118 bâtonnets de sa poche, s'il a eu la précaution d'en apporter, on s'arme, au besoin, de deux tiges de joncs ou d'herbes sèches, et en moins de temps qu'il n'en faudrait pour vous le raconter, les restes du festin des trépassés sont joyeusement absorbés. II. Société de Sauvetage, Fou-Ché-Hoei Le but que se sont proposé les fondateurs de cette Confrérie, est de retirer des fleuves, des canaux ou des lacs, les cadavres des malheureux qui, volontairement ou par accident, s'y seraient noyés. En Europe, on s'expose à la mort pour sauver la vie d'un homme ; en Chine, bien que cet acte de dévouement ne soit pas rare, on laisserait pourtant assez volontiers mourir un vivant pour secourir un mort. Que voulez-vous ? autant de pays, autant de coutumes. Les Chinois, qui tiennent à la vie, tout aussi bien que les Européens, regardent pourtant comme un plus grand malheur d'être, après la mort, dévorés par les poissons, de pourrir au fond d'un canal, demeurant ainsi privés d'une sépulture honorable, d'un cercueil épais et bien chevillé, que de perdre la vie. C'est vous dire le prestige qui s'attacha à la Confrérie du Sauvetage, 102 @

Associations de la Chine quand elle fit son apparition (sept cents ans avant notre ère). Malheureusement elle a, depuis longtemps, perdu son esprit de dévouement, et p.119 n'est plus, à l'heure qu'il est, qu'une ridicule pantomime. Vous en jugerez vous-même. Son président, choisi, jadis, parmi les personnages les plus marquants de la localité où elle s'établissait, lui garantissait toujours, par son honorabilité, le respect et les sympathies du public. D'ailleurs, tous s'accordent à dire qu'à leurs débuts, les membres du Fou-Ché-Hoei donnèrent fréquemment l'exemple du plus désintéressé comme du plus héroïque dévoûment. Mais les temps sont changés. Aujourd'hui, les Frères du Sauvetage, président, conseillers ou simples associés, ne se recrutent plus guère que parmi les désœuvrés et les habitués des maisons de jeu. Le chef seul se réserve le droit de convoquer ses subalternes. Vient-on signaler à quelqu'un d'entre eux le passage d'un cadavre dans le fleuve voisin, il doit commencer par en donner avis au président, qui fait alors sonner le tam-tam. Les « Frères » arrivent bientôt et sont divisés, par le maître, en deux compagnies, l'une appelée : Compagnie des crochets, parce qu'elle est armée de longs bambous surmontés d'une griffe en fer, et reçoit la mission de retirer le noyé ; l'autre, appelée : Compagnie des emprunteurs de lumière (Tsié-Kouang- Tuei) dont le rôle, plus pratique pour la société, consiste à recueillir les sapèques nécessaires à l'inhumation du cadavre qu'on se prépare à retirer de l'eau. p.120 Cette délégation ne manque jamais de trouver des cœurs charitables, surtout parmi les veuves et les dames riches de l'endroit, pendant que celle des crochets revient le plus souvent de son expédition sans avoir même aperçu le noyé, qui, emporté par le courant de la rivière, est déjà à plusieurs lieues de là. 103

<strong>Associations</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong><br />

quand elle fit son apparition (sept cents ans avant notre ère).<br />

Malheureusement elle a, <strong>de</strong>puis longtemps, per<strong>du</strong> son esprit <strong>de</strong><br />

dévouement, et p.119 n'est plus, à l'heure qu'il est, qu'une ridicule<br />

pantomime. Vous en jugerez vous-même. Son prési<strong>de</strong>nt, choisi,<br />

jadis, parmi les personnages les plus marquants <strong>de</strong> <strong>la</strong> localité où<br />

elle s'établissait, lui garantissait toujours, par son honorabilité, le<br />

respect et les sympathies <strong>du</strong> public. D'ailleurs, tous s'accor<strong>de</strong>nt à<br />

dire qu'à leurs débuts, les membres <strong>du</strong> Fou-Ché-Hoei donnèrent<br />

fréquemment l'exemple <strong>du</strong> plus désintéressé comme <strong>du</strong> plus<br />

héroïque dévoûment. Mais les temps sont changés. Aujourd'hui,<br />

les Frères <strong>du</strong> Sauvetage, prési<strong>de</strong>nt, conseillers ou simples<br />

associés, ne se recrutent plus guère que parmi les désœuvrés et<br />

les habitués <strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong> jeu. Le chef seul se réserve le droit<br />

<strong>de</strong> convoquer ses subalternes. Vient-on signaler à quelqu'un<br />

d'entre eux le passage d'un cadavre dans le fleuve voisin, il doit<br />

commencer par en donner avis au prési<strong>de</strong>nt, qui fait alors sonner<br />

le tam-tam. Les « Frères » arrivent bientôt et sont divisés, par le<br />

maître, en <strong>de</strong>ux compagnies, l'une appelée : Compagnie <strong>de</strong>s<br />

crochets, parce qu'elle est armée <strong>de</strong> longs bambous surmontés<br />

d'une griffe en fer, et reçoit <strong>la</strong> mission <strong>de</strong> retirer le noyé ; l'autre,<br />

appelée : Compagnie <strong>de</strong>s emprunteurs <strong>de</strong> lumière (Tsié-Kouang-<br />

Tuei) dont le rôle, plus pratique pour <strong>la</strong> société, consiste à<br />

recueillir les sapèques nécessaires à l'inhumation <strong>du</strong> cadavre<br />

qu'on se prépare à retirer <strong>de</strong> l'eau. p.120 Cette délégation ne<br />

manque jamais <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s cœurs charitables, surtout parmi<br />

les veuves et les dames riches <strong>de</strong> l'endroit, pendant que celle <strong>de</strong>s<br />

crochets revient le plus souvent <strong>de</strong> son expédition sans avoir<br />

même aperçu le noyé, qui, emporté par le courant <strong>de</strong> <strong>la</strong> rivière,<br />

est déjà à plusieurs lieues <strong>de</strong> là.<br />

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