Les visages du cauch.. - Free

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14.07.2013 Views

plein fouet. Je fus projeté en l’air, je tournoyai, du sang gicla comme un soleil, et je retombai de l’autre côté de la voie ferrée. Je fermai les yeux (métaphoriquement) et j’arrêtai le train. Ses freins crissèrent et hurlèrent comme un troupeau de porcs furieux, et des gerbes d’étincelles orange jaillirent de ses roues. Alors que le train passait près de mon corps étendu sur le remblai, cependant, je perçus un changement. Une victoire remportée, un fardeau ôté. Sortant de mon corps, une ombre, à présent, une ombre aussi noire et vin-dicative que tout ce que l’on pouvait concevoir. A l’inté- rieur des ordinateurs du train, je le percevais uniquement par l’intermédiaire du système vidéo en noir et blanc, mais voici ce que je voyais: Une créature qui était à moitie homme et à moitié reptile. Un homme qui avait traité si souvent avec les dieux que ceux-ci l’avaient recréé à leur image. L’image s’éleva hors de mon corps et se tint immobile un long moment à me contempler. Puis, tout à fait nonchalamment, elle saisit les rails et les tint avec force. - Weejoo-suk, chuchota-t-elle en algonquin. Le vent souffla. Il y eut un brusque tourbillon de papiers et de poussière, puis l’ombre noire fut soulevée des rails et emportée par le vent. Elle s’envola très haut au-dessus des

ues de Manhattan semblable à une chauve-souris, ou à un oiseau, ou au souvenir de temps qui ne pourront jamais être rachetés. Alors qu’elle montait dans le ciel, elle accrocha la lumière de la lune, et l’esprit de la lune n’était pas d’humeur à pardonner. Misquamacus lui avait promis une offrande, un sacrifice, mais il n’avait que son ombre à lui offrir. L’ombre s’enflamma brusquement, comme un châle que l’on a traîné par mégarde dans le feu. Elle flamba pendant un moment, puis elle tomba du ciel sous la forme d’une averse de légères cendres grisâtres. Les cendres se dépo-sèrent sur la voie ferrée, ce qui aurait été sans importance si la neige avait été précoce cette année. J’ouvris les yeux. Karen était debout près de moi, ainsi que Lucy. Des lumières rouge et bleu scintillaient. Un ambulancier était agenouillé à côté de moi et me faisait une intraveineuse. Je baissai les yeux et vis que ma jambe gauche formait des angles bizarres par rapport à mon corps. Je me sentais totalement irréel. Je ne savais pas si j’étais un homme ou un train. Mais j’apercevais le train une dizaine de mètres plus loin, à l’arrêt, avec six ou sept flics et des cheminots attroupés tout autour. - Tout ira bien, me dit l’ambulancier. Une jambe cas-sée, un poignet fracturé, peut-être une hernie de la rate, des

plein fouet. Je fus projeté en l’air, je tournoyai, <strong>du</strong> sang<br />

gicla comme un soleil, et je retombai de l’autre côté de la<br />

voie ferrée.<br />

Je fermai les yeux (métaphoriquement) et j’arrêtai le train.<br />

Ses freins crissèrent et hurlèrent comme un troupeau de<br />

porcs furieux, et des gerbes d’étincelles orange jaillirent de<br />

ses roues. Alors que le train passait près de mon corps<br />

éten<strong>du</strong> sur le remblai, cependant, je perçus un<br />

changement. Une victoire remportée, un fardeau ôté.<br />

Sortant de mon corps, une ombre, à présent, une ombre<br />

aussi noire et vin-dicative que tout ce que l’on pouvait<br />

concevoir. A l’inté- rieur des ordinateurs <strong>du</strong> train, je le<br />

percevais uniquement par l’intermédiaire <strong>du</strong> système vidéo<br />

en noir et blanc, mais voici ce que je voyais:<br />

Une créature qui était à moitie homme et à moitié reptile.<br />

Un homme qui avait traité si souvent avec les dieux<br />

que ceux-ci l’avaient recréé à leur image.<br />

L’image s’éleva hors de mon corps et se tint immobile un<br />

long moment à me contempler. Puis, tout à fait nonchalamment,<br />

elle saisit les rails et les tint avec force.<br />

- Weejoo-suk, chuchota-t-elle en algonquin.<br />

Le vent souffla. Il y eut un brusque tourbillon de papiers et<br />

de poussière, puis l’ombre noire fut soulevée des rails et<br />

emportée par le vent. Elle s’envola très haut au-dessus des

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