Les visages du cauch.. - Free

Ou bien… j’aurais pu me rappeler ce que Singing Rock
avait essayé de me dire… par l’intermédiaire de cette
jeune fille aux cheveux bruns à la bibliothèque. Les
ordinateurs sont vos amis. Les ordinateurs sont vos amis.
Mon esprit était tiré violemment hors de mon corps, ainsi
qu’on vide une morue. C’était comme de mourir, seulement
c’était pire que de mourir, parce que je savais que j’étais
toujours vivant. Je m’élevai, je flottai dans l’air, et je voyais
mon corps debout sur la voie ferrée. Je voyais Lucy, les
bras écartés, ses yeux de braise, et l’ombre fon-cée de
Misquamacus qui se dressait au-dessus d’elle.
A présent j’avais quitté mon corps. C’était l’expérience la
plus étrange de toute ma vie. J’étais conscient, j’étais tout
à fait éveillé, et pourtant j’avais été extirpé de moi-même,
si bien que je flottais dans l’air, sans poids et sans la
moindre substance.
Je sentis le vent me saisir, j’étais aussi léger qu’un cerfvolant.
Je virevoltai, me tournai, et je compris que
Misquamacus avait ordonné au manitou du vent de
m’emporter vers Karen. Je la voyais, immobile, adossée
au parapet, figée dans le temps de l’ensemble de Park
Avenue. J’étais emporté vers elle, de plus en plus près, et
je tentai de me contorsionner et de me retourner. Si jamais
j’entrais dans le corps de Karen, elle et moi deviendrions
fous, et nous allions connaître le genre de mort que même
des schizo-phrènes étaient incapables de comprendre.