Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

les bienvenus, accompagnés de l’Ange Hurleur, bien sûr.
Puis je lui rappelle que je dois m’occuper du divan. Je suis une femme forte et indépendante et je
peux assurer toute seule.
Eprouvant la sensation d’être le Dr Quinn, je ramasse mes jupes et pars à l’assaut de l’Ouest.
(D’accord, du salon, et je ne porte pas vraiment de jupes, j’ai juste ajouté ça pour accentuer
l’image.)
Les deux D.C. sont assis sur le canapé. Les pieds posés sur les cartons, ils prennent une pause. A
peine sortis de l’adolescence, ils exhibent T-shirts tachés, solides biceps tatoués et des barbes de deux
jours. Ils ont l’air un peu… non, menaçants n’est pas le mot. Intimidants plutôt.
Mais je suis le Dr Quinn, ils ne me font pas peur.
D.C. n o 1, celui qui a demandé une scie, se redresse vaguement mais garde les pieds posés sur le
carton pour s’enquérir :
— Alors ?
— J’ai vérifié auprès de mon mari. Nous ne possédons pas de scie.
— Non ?
— Non. Je crois que vous allez devoir essayer de le sortir en un seul morceau.
Ce qui, corrigez-moi si je me trompe, est normalement le but. N’est-ce pas la raison pour laquelle
nous avons engagé des professionnels ? N’importe qui peut arriver, tailler les objets en pièces et les
traîner dehors, non ?
D.C. n° 1 regarde D.C. n° 2. Tous deux baissent les yeux sur le canapé, puis lèvent le regard sur la
porte.
— Ça s’fera pas, laisse tomber platement D.C. n° 2.
D.C. n° 1 acquiesce et hausse les épaules.
— Va falloir qu’vous alliez emprunter une scie. Ou en acheter une.
Ce scénario comporte tant de défauts que j’en reste sans voix.
Mais que puis-je faire ?
Je peux a) dire aux D.C. d’aller se faire voir et attendre le retour de Jack afin que nous décidions de
l’étape suivante…
Ou b) je peux me saisir de mon sac et me rendre au magasin de bricolage le plus proche — non que
j’aie la moindre idée de son emplacement — et emprunter ou acheter une scie.
a) est tentant. Mais nous avons dit au gérant que nous serions partis ce soir. Le temps que Jack rentre
et que nous décidions de la prochaine étape, qui consisterait soit à engager de nouveaux déménageurs,
soit à louer un camion et déménager nous-mêmes, nous finirions par camper cette nuit dans l’entrée de
l’immeuble — territoire privilégié de l’Emmerdeur Public.
Par défaut, je ne peux que choisir b).
Je ne parviens pas à joindre le gérant afin de lui emprunter une scie, et figurez-vous que le portier
n’en a pas sous la main.
Tout en me rendant au magasin de bricolage, j’essaie de nouveau le portable de Jack. Puis son
bureau. Puis Buckley.
Sans succès.
Il s’agit là d’un bon entraînement pour mes futures journées en solitaire dans la banlieue sauvage.
Ai-je précisé que je ne suis plus du tout convaincue que ce déménagement soit la meilleure des idées ?
— Quel genre de scie désirez-vous ? me demande le vendeur du magasin de bricolage.
— Je ne sais pas… une scie standard, normale, pour couper les pieds d’un canapé.
— Vous allez couper les pieds de votre canapé ?
— Non. Les déménageurs vont s’en charger.
— Quel genre de déménageurs coupent les pieds d’un canapé ?