Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

Billy faisait avec cette femme. Tu l’as su à la minute où tu l’as vu ce soir-là.
— Ce n’était pas un rendez-vous de travail, rétorque Kate avec brusquerie.
Je ne lui en veux pas.
— Où est passée la serveuse qui devait apporter nos verres ? dis-je.
J’espère qu’elle se sentira mieux après.
C’est pour ça qu’instinctivement je tente — du moins en apparence — d’accorder à Billy le
bénéfice du doute.
Je n’essaie pas de le protéger, mais de protéger Kate. Je voudrais qu’elle aille mieux, même
momentanément. Même si son avenir est aussi clair que de la vodka : elle va devenir l’une de ces mères
célibataires compliquées, ravissantes et riches qui peuplent les immenses appartements solitaires des
quartiers les plus exclusifs de la ville après que leurs maris se sont taillés avec une autre femme et
d’autres enfants.
Je me demande si Marlise a un mari et des enfants.
Je me demande si Kate serait mieux lotie sans Billy.
Je voudrais pouvoir répondre « oui », parce que je déteste ce salaud. Mais Kate l’aime et, dans un
sens, ils sont bien assortis. Ils ont grandi dans le même milieu, apprécient les mêmes choses — des
choses dont les autres se fichent. Comme les marques, le bon bourbon, les beaux-arts et les babioles d’un
prix ridiculement élevé dans le catalogue de Noël de Neiman Marcus.
Et puis seule, Kate serait un peu sans défense. Car elle est passée du statut de fille à papa à celui de
riche étudiante puis d’épouse comblée. Pas comblée de tendresse, mais d’argent et d’employés divers
chargés d’effectuer des tâches comme cuisiner ou masser Kate, toutes choses que Jack fait pour moi.
Pour être franche, sans Billy, Kate serait malheureuse, encore plus malheureuse qu’elle ne l’est
maintenant.
— Que vais-je faire, Tracey ?
Ses beaux yeux aigue-marine sont tellement noyés de larmes que je crains que ses lentilles de
contact colorées ne dégringolent sur ses joues.
— Lui demander des explications ?
Elle acquiesce.
— Je vais lui dire que tu l’as vu avec…
— Non, attends, Kate… ne me mêle pas à tout ça.
— Mais c’est toi qui l’as vu, pas moi.
— Oui, mais lui ne m’a pas vue. Et je n’ai pas vu grand-chose.
— Tu as vu mon mari monter dans un taxi avec une autre femme au milieu de la nuit, puis s’éloigner
dans une direction opposée à celle de chez nous.
— Si tu abordes le sujet, dis-lui que quelqu’un l’a vu. Ne précise pas qu’il s’agissait de moi.
— Pourquoi tu te soucies de ça ?
Parce que quelque chose me dit que, malgré les errements de Billy, tous deux sont capables de se
rabibocher et que c’est à moi qu’il en voudra pour le restant de ses jours.
Non que je tienne à lui, ni qu’il tienne à moi.
— Je devrais m’en fiche, dis-je à Kate, mais je me sentirais très mal à l’aise en sa présence.
— Tu crains d’être mal à l’aise ? Et moi ? C’est moi qu’il trompe. Tu sais quoi ? Je regrette
vraiment de ne pas avoir couché avec Gabriel quand j’en ai eu l’occasion.
— Quel Gabriel ?
— Mon ex-entraîneur particulier à la gym, tu te souviens ?
Vaguement. Mais j’ai tendance à ne pas l’écouter quand elle parle de gym. Je précise qu’il s’agit
d’une salle de gym personnelle, au troisième étage de leur maison, que Billy a fait installer pour l’usage
spécifique de Kate. Lui préfère aller dans je ne sais quel club — privé, mais fréquenté par des personnes