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Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

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— Les pains ? J’ai pétri du pain toute la semaine. Les pains sont prêts.<br />

Il s’agit de p<strong>et</strong>its pains individuels, dorés à l’œuf, parfumés à l’anis, faits d’une pâte légèrement<br />

sucrée façonnée en forme de croix, de houl<strong>et</strong>te ou de barbe de Saint-Joseph. Le lendemain, finement<br />

tranchés <strong>et</strong> grillés, tartinés de beurre, ils sont délicieux.<br />

— Qu’as-tu cuisiné comme dessert ?<br />

— Des pignlate, des sfinge <strong>et</strong> des cannoli, répond ma mère sur un ton signifiant quoi d’autre ?<br />

Vous savez, lorsque j’étais enfant, je rêvais d’une maison dont les placards auraient débordé de<br />

biscuits Oreos. Mais ma mère confectionnait elle-même tous les gâteaux <strong>et</strong> pâtisseries. Jamais ne sortait<br />

de son four le moindre biscuit ressemblant à ceux des supermarchés <strong>et</strong> jamais, au grand jamais, un<br />

doughnut sous cellophane n’a franchi le seuil de sa maison. Elle confectionnait des biscuits italiens à<br />

l’ancienne, avec des ingrédients tels que pâte d’amande ou de figue. Sa rec<strong>et</strong>te personnelle de biscuits au<br />

chocolat requiert raisins secs <strong>et</strong> clous de girofle.<br />

Comprenez-moi bien : c’est délicieux. Je conserve la rec<strong>et</strong>te italienne des biscuits au chocolat sur<br />

une fiche La cuisine de Connie Spadolini <strong>et</strong> la communique aux innombrables fans qui la réclament.<br />

Mais quand vous tentez de survivre aux années collège, <strong>et</strong> que vos amis sont des gosses dont les<br />

parents travaillent <strong>et</strong> qui, après l’école, se bourrent d’Oreos <strong>et</strong> de chips, vous désirez simplement être<br />

acceptée. Vous n’appréciez pas les biscuits maison ou — au lieu de chips <strong>et</strong> de mayonnaise — le fromage<br />

à pâte dure, le salami <strong>et</strong> ces olives à l’ail qui sentent jusqu’au paradis.<br />

Non, vous refusez d’exposer vos amis dont la mère travaille <strong>et</strong> dont la maison déborde de biscuits<br />

industriels, à la fréquentation de votre maison où votre mère est toujours, toujours présente (sauf<br />

lorsqu’elle se rend à l’église ou à son rendez-vous hebdomadaire sacré dans le salon de coiffure),<br />

occupée à cuisiner, faire le ménage <strong>et</strong> prier pour l’âme des autres.<br />

Et voilà ! Une bonne décennie <strong>et</strong> demie plus tard : que ne donnerais-je pas pour me r<strong>et</strong>rouver dans la<br />

cuisine encombrée de Brookside, à mordre dans un sfinge chaud, craquant, couvert de sucre glace — un<br />

sfinge se présente en gros comme un chou à la crème frit dans un bain d’huile bouillante, tradition de la<br />

Saint-Joseph remontant à la nuit des temps…<br />

Une telle nostalgie me submerge que l’espace d’un instant j’oublie pourquoi j’ai appelé ma mère.<br />

Puis ça me revient.<br />

— Maman, devine…<br />

Je me souviens trop tard que je me suis juré de ne plus jamais lui adresser ces mots.<br />

Pour c<strong>et</strong>te raison :<br />

— Tu es enceinte !<br />

Je soupire intérieurement.<br />

— Pourquoi tout le monde…<br />

Surtout Connie Spadolini.<br />

— … croit que je suis enceinte dès que je veux annoncer une nouvelle ?<br />

Réponse instantanée au milieu des bruits d’eau <strong>et</strong> de casseroles.<br />

— Parce que c’est la meilleure nouvelle possible !<br />

— Ça dépend de l’angle sous lequel tu considères les choses, maman, ne puis-je m’empêcher de<br />

répondre. Si j’avais treize ans <strong>et</strong> n’étais pas mariée, serait-ce la meilleure des nouvelles ?<br />

— C’est différent. Et on ne plaisante pas avec ce genre de choses, Tracey.<br />

Je parie qu’elle prononce en même temps une rapide prière pour le salut de mon âme en perpétuel<br />

danger.<br />

— Pardon, maman. Donc tu n’as pas envie d’entendre la nouvelle, même s’il ne s’agit pas de<br />

l’arrivée d’un autre p<strong>et</strong>it-enfant ?<br />

Parce que ce n’est pas comme si elle n’en avait aucun. Elle a déjà huit p<strong>et</strong>its-enfants <strong>et</strong> une nouvelle<br />

naissance est annoncée (ma belle-sœur Katie est de nouveau enceinte).

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