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Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

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somme supplémentaire dans le budg<strong>et</strong> mensuel habillement — trois cents dollars pour tous les deux. Jack<br />

m’a assuré que c’était beaucoup. Mentalement <strong>et</strong> émotionnellement trop épuisée, j’ai renoncé à expliquer<br />

que l’achat d’un costume décent pour lui m’obligerait à porter mes vieux jeans de la saison précédente<br />

encore trois bons mois.<br />

Bref, un bill<strong>et</strong> d’avion impromptu pour fêter la Saint-Joseph à Brookside n’est certainement pas<br />

prévu dans le budg<strong>et</strong>, donc cela ne se fera pas c<strong>et</strong>te année.<br />

Ma mère invite toujours mes frères, leurs femmes <strong>et</strong> enfants, ma sœur (divorcée, pfff…) <strong>et</strong> ses deux<br />

enfants. Ainsi que des amis, des cousins, des paroissiens <strong>et</strong> divers habitants de Brookside d’ascendance<br />

sicilienne. Et bien sûr ma grand-mère, la veuve type, vaillante octogénaire à l’allure fabuleuse pour son<br />

âge — qui le sait <strong>et</strong> adore qu’on le sache.<br />

La table est décorée de fleurs, de bougies <strong>et</strong> de statu<strong>et</strong>tes religieuses, y compris un Saint-Joseph en<br />

plastique de la taille d’un enfant en bas âge dont les pieds se situent en général dans le voisinage de mon<br />

assi<strong>et</strong>te. Le père Stefan nous bénit longuement, puis on porte un toast, suivi de chaleureux Viva San<br />

Giuseppe !, ce qui signifie Longue vie à saint Joseph.<br />

Au fur <strong>et</strong> à mesure du repas, des Viva San Giuseppe r<strong>et</strong>entissent chaque fois que quelqu’un ressent<br />

le besoin de le crier, <strong>et</strong> chaque fois, tout le monde doit poser sa fourch<strong>et</strong>te, lever son verre <strong>et</strong> reprendre<br />

en chœur.<br />

Plus la consommation de vin augmente parmi les convives, plus ils sont enclins à crier : « Viva San<br />

Giuseppe ! »<br />

Cela évoque un peu une beuverie d’étudiants, avec des décors religieux <strong>et</strong> un repas traditionnel.<br />

— C’est quoi ce bruit ? demande ma mère — loin d’être sourde.<br />

— Oh ! Pardon. C’est mon clavier. Je suis au travail.<br />

Je m’interromps pour relire à la va-vite le e-mail que je viens de taper, puis j’appuie sur envoi.<br />

« Je ne vais probablement pas pouvoir partir avant 20 heures. Demain conviendrait mieux, mon boss<br />

sera absent. »<br />

— Tu travailles le jour de la Saint-Joseph ? demande ma mère avec une infinie tristesse.<br />

Imaginez son profond chagrin si elle apprenait que l’année dernière, j’ai dû me rendre au bureau le<br />

dimanche de Pâques, afin de préparer une présentation à un client pour le lundi matin.<br />

Mon père <strong>et</strong> mes frères — qui tous, un jour ou l’autre, sont stoïquement allés travailler malgré<br />

grippe, blessures diverses ou les premières douleurs de l’accouchement se déclenchant chez leurs<br />

femmes — prennent tous un congé pour la Saint-Joseph. Ils assistent à la messe de bonne heure, bien<br />

entendu, puis passent la majeure partie de la journée à dresser des tables, porter de lourds plateaux <strong>et</strong> se<br />

faire taper sur les mains par ma mère quand ils piochent dans les plats.<br />

— Qu’as-tu cuisiné c<strong>et</strong>te année, maman ?<br />

— Comme d’habitude : sardines frites, lentilles aux linguini, pâtes fagiole, artichauts farcis,<br />

cardone frit, calamars farcis, fèves…, débite-t-elle à toute vitesse.<br />

Elle s’interrompt pour respirer puis reprend :<br />

— … spagh<strong>et</strong>tis à l’ail <strong>et</strong> à l’huile, frittata de courg<strong>et</strong>tes, champignons frits <strong>et</strong> chou-fleur, frittata<br />

d’asperges…<br />

Oui, le menu de la Saint-Joseph comprend énormément de plats frits <strong>et</strong>/ou farcis. Mais à Brookside,<br />

les gens ne sont pas contre. Ils s’en réjouissent, au contraire.<br />

Ce qui serait une attitude saine s’ils n’étaient pas tous tant… en mauvaise santé. Obésité, tension<br />

artérielle, cholestérol, problèmes cardiaques — chaque fois que j’appelle mes parents, j’apprends qu’une<br />

connaissance a été ajoutée à la liste sans fin de ceux pour qui il faut prier lors de la messe du dimanche.<br />

— Et les pains, maman ?

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