Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

apprendre la bonne nouvelle concernant notre maison ?
Si je m’étais souvenue de la date, je me serais abstenue. Connie Spadolini doit tituber de fatigue, au
bord de l’épuisement et ne pas être d’humeur à entendre que mon séjour à l’autre bout de l’Etat est sur le
point de devenir plus permanent que jamais.
Mais avant que je ne m’aventure sur le sujet…
— Maman, qui est Stefania ?
Je me demande si, en plus d’être épuisée, elle n’est pas également en plein délire, parce que je ne
connais aucune Stefania autorisée à saluer ma mère d’un Allô, c’est moi.
Quand j’y pense, je ne connais aucune Stefania, point.
A moins qu’elle ne m’ait confondue avec le Père Stefan.
Mais on l’appelle plutôt « mon Père » tout court. Pas par un petit nom.
— Stefania, explique ma mère, est la cousine de Josie Lupinelli — elle vient de Cracovie.
Cracovie, ce n’est même pas en Italie.
Minute — c’est en Italie ?
Je n’ai jamais brillé en géographie, mais je parie que ce n’est pas en Italie.
— Josie Lupinelli a une cousine en Pologne ?
Je parviens à ne pas ajouter : « Une cousine assez intime avec toi pour te téléphoner et se présenter
d’un simple Allô, c’est moi, sans la moindre trace d’accent, parce que si elle avait un accent, tu ne la
confondrais pas avec moi, ta propre fille, si ? »
— Evidemment qu’elle a des cousins en Pologne, Tracey. Josie est polonaise.
— Josephine Lupinelli est polonaise.
Je répète la phrase, juste pour être sûre que j’ai bien compris, Josie étant dotée d’un physique au
type méditerranéen très marqué. En clair, elle mesure environ un mètre cinquante, affiche un teint olivâtre,
de profonds yeux noirs et une moustache plus foncée que celle de ma tante Aggie. (J’ai le droit de parler
ainsi parce que je serais équipée de la même si je ne m’épilais pas à la cire.)
Note : vérifier dans le miroir s’il est temps de prendre rendez-vous chez l’esthéticienne.
Depuis mon mariage, je passe infiniment moins de temps à analyser mon apparence qu’auparavant.
Un rapide coup d’œil, d’habitude, me suffit.
Alors parfois ma pilosité faciale s’épanouit et je ne m’en rends compte que lorsque je crois croiser
Keith Hernandez dans la rue et réalise que ce n’est pas Keith. C’est moi dont le visage se reflète dans la
vitrine d’un magasin.
— Josie Lupinelli est moitié polonaise, concède ma mère. C’est une fille Tatarkiewicz.
Il me faut une seconde pour traduire cette phrase en bon anglo-américain.
En Spadolinien, cela signifie que le nom de jeune fille de Josie était Tatarkiewicz.
Ce qui ne sonne pas italien, d’accord.
Tout de même…
— Pourquoi la cousine polonaise de Josie te téléphonerait-elle ?
— Je ne sais pas — peut-être pour demander ce qu’elle doit apporter ? Elle a été très bien élevée, à
l’ancienne, et est très polie. Et elle n’a que dix-neuf ans.
— Tant mieux pour elle, dis-je un peu abruptement. Ce qu’elle pourrait apporter où ?
— Comment ça où ? Ici. Pour la Saint-Joseph.
— Elle est invitée ? On ne la connaît même pas !
— Si, nous la connaissons.
Est-ce mon imagination ou ma mère a-t-elle légèrement appuyé sur le nous ? Si elle a appuyé, c’est
qu’elle tente de me signifier que, là-bas à Brookside, je ne suis plus considérée comme faisant partie de
la famille.
D’accord, peut-être est-ce une réaction un peu extrême de ma part. Peut-être que, c’est