Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

petit ami d’une tape sur le bras. Tu rayonnes ! Alors c’est pour quand ? Félicitations !
— Je ne suis pas enceinte !
Je hais ce haut vert qui fait le ventre rond.
— Est-ce que je boirais cette bière si j’étais enceinte ?
Ils regardent ma bière d’un air de doute, puis mon bedon qui ne contient aucun bébé, avant
d’échanger un regard.
— Non ! dis-je à leur place. Je ne la boirais pas.
— Bien sûr que non, Tracey, intervient Latisha en me tapotant la main. Mais si cela peut te rassurer,
quand j’étais enceinte de Bernie, ma gynéco m’avait dit que je pouvais boire une bière de temps en
temps. Mais j’ai préféré ne pas tenter le diable alors…
Je l’interromps.
— Je n’ai pas besoin d’être rassurée parce que je ne suis pas enceinte.
Mes propos sont noyés par ceux, teintés d’un fort accent de l’Alabama, de Kate.
— Quand j’étais enceinte, j’ai bu un verre de vin ou deux. Et puis zut, un soir j’ai même bu un
Martini, et je n’ai eu aucun problème. Alors vas-y, bois cette bière, Tracey.
— Je ne suis pas enceinte !
J’ai presque crié.
Plouf !
Intérieurement, je me dis : « Kate n’a eu aucun problème » ?
Ça dépend sous quel angle on étudie la question, et ce Martini prénatal n’a certainement rien à voir
là-dedans, mais je ne dirais pas que la situation est sans problème.
Non que je n’éprouve pas une certaine tendresse pour la fille de deux ans de Kate et Billy, clone
parfait de sa mère, dont elle porte le nom. C’est une enfant absolument adorable aux cheveux blond miel
et aux yeux aigue-marine qui, ironie du destin, sont de la teinte exacte des cheveux teints et des lentilles
de contact colorées de Kate.
A moins que ce ne soit pas le destin. Raphael est convaincu que Kate teint les cheveux de sa fille et
lui a acheté des lentilles de contact aigue-marine miniatures. L’usage d’un auto-bronzant pour enfant ne
me surprendrait pas tant que ça, mais des cheveux teints et des lentilles pour une enfant de deux ans
dépasseraient la mesure, même pour Kate.
Mais sa fille l’obsède et elle la traite comme une petite poupée. Un temps, elle a été adepte des
tenues mère-fille assorties, puis est passée aux vêtements pour bébé de créateurs. Sa dernière toquade :
les chapeaux. On peut fréquemment croiser la petite avec une casquette de vendeurs de journaux.
Mais un problème plus pressant a fait son apparition : dernièrement, notre petite chérie s’est
transformée en… comment pourrais-je formuler la chose avec délicatesse ?
Je ne peux pas.
Disons que la surnommer l’« Ange Hurleur » serait assez approprié.
Indulgente, Kate prétend que le comportement exécrable de sa progéniture est courant chez les
enfants de son âge, et Billy fait carrément semblant de ne rien remarquer. Mais comme ils ont épuisé
quatre nounous en autant de mois, je crois qu’ils nient sérieusement le problème.
— Alors, c’est quoi la nouvelle ? lance Buckley depuis l’autre bout de la table.
Il porte un pull vert et une de ces vestes de cuir souple qui valent une vraie fortune. Je m’autorise à
reconnaître que ce soir, il est incroyablement séduisant.
J’ai le droit de me l’avouer, parce que je suis une femme mariée, et que cela fait des années
maintenant que Buckley m’a avoué son amour.
Amour non partagé, bien sûr, puisque j’étais fiancée à Jack.
C’est vrai qu’à une époque, cet amour était totalement réciproque. A l’époque où j’en pinçais
secrètement pour mon meilleur ami non gay. Encore que réciproque n’est peut-être pas le terme adéquat,