Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free
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surgie d’une rediffusion de Ma sorcière bien-aimée : une mignonne p<strong>et</strong>ite blonde aux yeux bleus. Mais<br />
avec une tête très large. Grâce à ses parents d’une indulgence démesurée, Ashley est vaniteuse, autoritaire<br />
<strong>et</strong> pourrie jusqu’à la moelle.<br />
Beatrice, elle, est butée, exigeante, <strong>et</strong> tout aussi pourrie. Non seulement elle doit assumer des<br />
cheveux raplapla <strong>et</strong> des dents supérieures qui avancent cruellement (bientôt corrigées par une onéreuse<br />
orthodontie), mais n’a pas été baptisée Mary Kate comme la seconde jumelle Olsen. Elle doit son nom à<br />
l’une des abonnées à qui Bob, le mari de Kathleen, livrait le journal quand il était gosse. La Beatrice<br />
d’origine, une vieille fille solitaire <strong>et</strong> aigrie, avait amassé un magot se montant à une p<strong>et</strong>ite fortune,<br />
qu’elle a légué à parts égales à Bob, l’ex-livreur de journaux, <strong>et</strong> ses sept chats.<br />
Par parts égales, je ne veux pas dire que Bob devait recevoir une moitié <strong>et</strong> les chats l’autre. Non, il<br />
avait hérité très exactement d’un huitième des biens de la défunte Beatrice, le reste ayant été divisé en<br />
sept entre Fluffy, Fifi <strong>et</strong> les autres — qui doivent couler leur vieillesse dans une version féline haut de<br />
gamme de Harvest Haven Estates.<br />
La somme s’est quand même révélée assez importante pour que Bob <strong>et</strong> Kathleen achètent <strong>et</strong> rénovent<br />
sans compter une maison à Westchester — sans avoir contracté d’emprunt — <strong>et</strong> affublent celle-qui-nes’appelle-pas-Mary-Kate<br />
d’un prénom démodé qui, triste à dire, lui va très bien.<br />
J’ai essayé de l’appeler Bea. C’est un prénom mignon, léger, qui va bien à un certain genre de filles.<br />
Le genre princesse anglaise rousse, par exemple.<br />
Mais ça n’a pas pris.<br />
D’ailleurs, je doute que Kathleen accepte un surnom pour sa fille. Elle se montre très tatillonne au<br />
suj<strong>et</strong> des termes dont on gratifie ses filles. Par exemple quand on les traite de « gosses », ce qui m’est<br />
arrivé un jour :<br />
— Hé, les gosses, cessez de lécher ces bonbons <strong>et</strong> de les rem<strong>et</strong>tre dans la boîte après.<br />
Cela m’a valu des remontrances.<br />
— On dirait que les filles sont ici, dit Jack, tandis que nous nous aventurons en chauss<strong>et</strong>tes sur la<br />
moqu<strong>et</strong>te de peluche blanche.<br />
— On ne reste pas longtemps, hein ?<br />
Tout cela ne me dit rien qui vaille. J’ai interdiction de m’extasier auprès de Wilma à propos de<br />
notre future maison <strong>et</strong> en plus, je vais sûrement être de nouveau embarquée dans une partie de Docteur<br />
Maboul, que ces p<strong>et</strong>ites tricheuses ont bidouillé de façon à contrôler la sonn<strong>et</strong>te.<br />
— Non, on fait juste un coucou rapide avant de prendre le chemin du r<strong>et</strong>our. Je veux voir le match.<br />
Maman ? Où es-tu ?<br />
— Nous sommes là, crie Wilma du bureau. Venez voir ce que mon p<strong>et</strong>it ange en double est capable<br />
de faire ! Dépêchez-vous !<br />
Elle serait ligotée sur une chaise, les pieds sur un fagot avec les p<strong>et</strong>its anges tenant des allum<strong>et</strong>tes<br />
allumées au-dessus que je ne serais pas étonnée.<br />
Mais c’est pire.<br />
— Nous préparons un spectacle ! annonce Ashley.<br />
Mon Dieu, non ! Par pitié, non.<br />
Leur dernier spectacle de la Saint-Valentin — un show impromptu durant lequel Ashley a chanté<br />
toutes les chansons d’amour de son répertoire terriblement faux tandis que Beatrice jouait l’ouvreusemachiniste<br />
sur scène — était interminable.<br />
Mais j’étais apparemment la seule de c<strong>et</strong> avis. Jack était béat d’admiration, Wilma rayonnait <strong>et</strong><br />
Kathleen donnait à fond dans la mère de la ved<strong>et</strong>te au comportement cauchemardesque. Bob avait filmé le<br />
tout <strong>et</strong>, le spectacle à peine terminé, insisté pour nous passer le film afin de le revivre aussitôt — avec<br />
moult arrêts sur image <strong>et</strong> replays exigés par Ashley.<br />
L’enjeu est maintenant plus important que jamais car Kathleen vise pour ses filles une carrière dans