Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

omniprésente dans les tons de brun et de vert.
La cuisine est minuscule et démodée, mais je vois au-delà de l’électroménager vétuste, du linoléum
brun-orange usé, des comptoirs plaqués jaune d’or et du papier peint moucheté qui gondole un peu
derrière l’évier et est taché de graisse au-dessus de la cuisinière.
Pas de chambre principale — les deux en bas sont minuscules, et les deux en haut, bien que plus
grandes, sont dotées de plafonds mansardés tellement bas que Jack se cogne deux fois la tête. Mais qui
nous interdit d’abattre un mur ou deux et/ou de hausser le toit ?
Bon, Jack l’interdit.
Quand je mentionne cette éventualité, il s’exclame :
— Quoi ? On ne va pas commencer à s’amuser à abattre des murs et surélever des toits !
Premièrement, il n’y a qu’un toit, deuxièmement, je ne suggère pas que nous inventions un nouveau
passetemps consistant à faire du porte-à-porte pour abattre des murs. Je parle d’un ou deux murs, ici,
dans notre propre maison.
Je veux dire future maison.
— Mais si, dis-je à Jack. Nous pouvons refaire les chambres du rez-de-chaussée ou bien élever les
plafonds à l’étage, afin que tu ne souffres pas d’une commotion cérébrale chaque fois que tu sors du lit le
matin.
— Et comment allons-nous faire tout ça ?
— Tu es très bricoleur.
Il hausse un sourcil. Il doit se dire qu’il n’est pas du tout bricoleur.
Ce qui est exactement ce que je suis en train de me dire.
Mais dans certains cas, la flatterie permet d’ouvrir des portes. Au moins celles de Glenhaven Park.
Mais Jack ne semble pas flatté. Plutôt perdu. Et agacé.
— Les chambres du bas pourraient être réunies pour former une suite somptueuse, opine Verna. Et
ce spacieux terrain, derrière, offre tout l’espace nécessaire à une terrasse sympa jouxtant la cuisine.
Ooh, super idée ! Une terrasse sympa assortie à la véranda pour rocking-chairs derrière le salon. Je
regarde par la fenêtre et m’imagine déjà, alanguie, avec les romans à l’eau de rose que je lirai quand
j’emménagerai ici.
Et là, dans ce spacieux terrain, j’aperçois une biche pleine de grâce et son faon aux jambes grêles
qui grignotent les branches basses d’une partie de la végétation mature.
— Jack, regarde ! je m’exclame en m’accrochant à son bras. Des cerfs ! Il y a des cerfs ici !
Waouh. C’est d’une telle perfection. Trop parfait. Tout à l’heure, un oiseau de dessin animé va se
poser en sifflant sur une branche.
Pour un peu, je croirais que Verna a engagé des créatures des bois et a mis en scène ce tableau
bucolique.
Une minute, ne serait-ce pas le cas ? Elle suit mon regard d’un œil incertain. A mon avis, un type est
là, à plat ventre dans les azalées, muni d’un clap et d’un casque en train de dire :
— C’est bon, Ed, envoie les fées et les lutins.
— Nous avons beaucoup de cerfs à Westchester, explique Verna d’un air d’excuse.
— C’est merveilleux. Vivre ainsi au milieu de la nature et non du béton… c’est tout simplement
incroyable.
Son enthousiasme monte d’un cran.
— Oui, à Westchester nous sommes fiers de nos cerfs ! s’extasie-t-elle.
J’ai dû imaginer le ton d’excuse. Evidemment que je l’ai imaginé. Pourquoi s’excuserait-elle de la
présence de Bambi et ses amis ?
— Nous devons habiter ici, dis-je, en partie à Jack, mais principalement à Verna, qui est, après tout,
la fée agent immobilier capable de transformer nos rêves en réalité.