Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

exactement comme le faisait ma mère à Brookside en plein été.
Je veux que mes futurs enfants connaissent la même enfance que moi, la même enfance que Jack.
Encore que la vieille maison confortable de mes parents à Brookside n’ait pas grand-chose en
commun avec la demeure coloniale de Bedford — cinq cent cinquante mètres carrés au bas mot — dans
laquelle Jack a grandi. Ses parents l’ont vendue après le divorce.
Et Brookside est une authentique petite ville, mais qui a connu des jours meilleurs. Au contraire de
celle-ci. Ici, on éprouve la sensation que chaque jour qui vient sera encore meilleur.
Du moins c’est ce que je ressens à la vue des voitures garées en épi le long de la rue principale :
BMW, Lexus, et même une Ferrari. Une voiture sur deux est un monospace. Quelques pick-up géants
chromés parsèment le tout pour faire bonne mesure.
— Je n’ai pas besoin de vous rappeler que Glenhaven Park est très bien équipé en transports. Vous
avez pris le train à Manhattan ce matin, n’est-ce pas ?
— En fait, nous avons pris le train jusque chez ma belle-mère — elle habite tout près — puis nous
avons emprunté sa voiture pour venir jusqu’ici, dis-je à Verna.
— Oh ! vous connaissez déjà Westchester alors.
Elle freine à l’intersection et jette un œil dans le rétroviseur. Peut-être en direction de Jack.
— Où habite votre mère ?
Je me demande si elle me parle à moi ou à Jack. Wilma n’est pas ma mère, mais ma belle-mère,
comme je viens de le dire. Mais peut-être Verna a-t-elle mal compris. Ou peut-être tente-t-elle d’engager
la conversation avec Jack.
Bonne chance, Verna.
Depuis son réveil ce matin à Manhattan, Jack est particulièrement silencieux.
C’est vrai que, pour un dimanche, j’ai réglé le réveil à une heure peu chrétienne, et que Jack n’a
jamais été des plus bavards avant son café. Mais il ne s’est guère montré plus volubile après, ni pendant
le trajet d’une heure dans le train de Metro North, pas plus que dans l’appartement de sa mère.
Peut-être a-t-il changé d’avis concernant notre déménagement en banlieue. Ou est-il contrarié de
rater la demi-finale de basket d’aujourd’hui.
Connaissant Jack, cette raison doit être la bonne. Il a grommelé un truc à ce sujet ce matin en
programmant le magnétoscope.
— Ma belle-mère habite à Bedford, dis-je à Verna, puisque Jack s’abstient de lui répondre.
Il doit être en train de se demander ce qu’il va devenir si Manhattan est victime d’une panne
générale d’électricité et que son magnétoscope le trahit.
— Vraiment ? Vous avez grandi ici ? Alors pour vous, c’est un peu comme rentrer à la maison.
Cette fois, aucun doute possible, Verna vise la banquette arrière dans le rétroviseur et s’adresse à
Jack.
Et cette fois, Jack répond.
— Je n’ai pas grandi à Glenhaven Park même, alors…
— Verna parle du comté de Westchester en général, dis-je, regrettant qu’il ne se montre pas plus
cordial. Or Bedford se trouve pratiquement la porte à côté de Glenhaven Park…
Je m’interromps à la vue d’une boutique pour enfant « La souris sur le tapis ».
— Oh, comme c’est mignon !
La boutique est située dans une demeure victorienne peinte de nuances rose et groseille, avec un
auvent à rayures. Absolument adorable. Quand vous avez des enfants.
Adorable même si vous n’avez pas d’enfants, parce que moi, par exemple, je l’adore !
— Jack, regarde cette ravissante poupée de chiffon dans la vitrine ! Ce serait le cadeau parfait pour
l’anniversaire de Hayley, tu ne crois pas ?
— Elle est plus grande qu’elle, observe-t-il.