Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

pour tripoter nos sous-vêtements humides.
— Je ne connais pas ce genre d’inquiétude.
— Moi si.
Je frissonne au souvenir du jour où j’ai surpris le mec louche du 9 C caressant mes Dim coton.
— Sérieusement, Jack. Je veux une machine à laver. Dans une buanderie. Dans une maison…
— Que Jack aurait construite, comme dans la chanson.
— Non ! Tu n’auras pas à la construire.
— Non, c’est la Mère l’Oye qui la construira, rétorque-t-il en riant.
Soulagée, je constate que sa colère est retombée.
— Tu connais cette comptine ? Le chat tue le rat qui vit dans la maison que Jack a construite. Un truc
de ce genre.
— Il y a des rats ici, dis-je d’un ton sombre. Ils vivent dans la cour derrière l’immeuble. J’en ai vu
un l’autre jour en descendant des trucs à la benne à ordures.
— Les rats vivent dans les villes.
— Exactement ! Et l’immeuble est infesté de cafards.
— Comment le sais-tu ?
— Gecko me l’a dit. Il m’a aussi appris que l’Emmerdeur Public avait de nouveau frappé.
— Super, dit Jack en levant les yeux au ciel.
— Pourquoi vivre ici, Jack ? Déménageons.
Mon Dieu ! Il incline la tête ! Or il n’incline la tête que lorsqu’il envisage sérieusement une
question !
Il redresse la tête.
— Le moment n’est pas idéal pour investir dans l’immobilier.
— Mais si !
Son inclinaison de tête initial m’a donné espoir. Je m’y accroche.
— … Le moment est excellent ! Nous avons remboursé tous nos crédits, nous n’avons pas encore
d’enfant, nous gagnons tous les deux de bons salaires dans des jobs stables…
Note : différer l’ étape numéro 2 de l’opération Nouveau Départ — où nous quittons nos jobs, du
moins moi — à une discussion ultérieure.
— Je ne dis pas que nous ne vivons pas un bon moment de nos existences personnelles, précise-t-il,
mais que ce n’est pas le bon moment dans le climat économique général.
— Je t’en prie, Jack. Ce n’est pas comme si des soupes populaires surgissaient à chaque coin de
rue. Le climat économique n’est pas mauvais, dis-je avec assurance, tout en m’interrogeant…
Euh, vraiment ?
Ces derniers temps, ma lecture des actualités s’est limitée à la page potins du New York Times .
Avant que Jack ne me le fasse remarquer, j’ajoute très vite :
— L’immobilier reste toujours le placement le plus sûr.
— Pas forcément.
— Tu penses que nous ne devrions pas acheter une maison ?
— Ce n’est pas ce que j’ai dit.
— Alors que penses-tu exactement ? dis-je d’une voix que je déteste, à deux doigts de l’hystérie.
Je jure que, parfois, le calme inébranlable de Jack pousse ma voix dans les aigus. Je ne peux pas
m’en empêcher. Plus il reste impassible, plus je monte dans les aigus.
Il hausse les épaules.
— Je pense que nous ne devrions pas nous précipiter.
— Nous avons attendu plus de deux ans !
Aigu, aigu ! Zut. Je me force à maîtriser ma voix.