Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

Elle est bien bonne. Etonnant que le journal de 20 heures n’en ait pas parlé.
— Nos noces de diamant ? répète-t-il, affichant maintenant une certaine inquiétude quant à ma santé
mentale.
Ce qui me laisse froide. A l’époque où nous étions jeunes mariés, j’étais beaucoup plus sensible et
susceptible. Mais maintenant, moi aussi j’ai un regard : celui que je lui décoche chaque fois que, l’air
égaré devant le frigo ouvert, il m’annonce que nous sommes à court de beurre, de moutarde ou de lait.
Euh, non, coucou ! Le lait est devant toi dans ce giga bidon en plastique impossible à rater, tu
vois ? Il suffit de regarder derrière le Tupperware qui contient un chop suey vieux d’une semaine que
tu avais promis de manger, et le mini bocal de confiture de coing offert par un Client quelconque en
décembre, et lui aussi périmé, et voilà le lait !
Comme me l’a dit une fois mon amie Brenda, l’amour est aveugle et le mariage n’ouvre pas les yeux.
— Je te juuuure, Tracey, aucun homme marié de ma connaissance n’est capable de trouver quoi que
ce soit dans une maison, avait-elle assuré avec son fort accent du Jersey, même quand ça se trouve sous
son nez. Les scientifiques devraient faire une étude sur le sujet.
Je suppose que les scientifiques sont très pris par leurs recherches concernant le réchauffement de la
planète ou le cancer, mais dès qu’ils auront un moment, je ne doute pas qu’ils se penchent sur le sujet.
Parce que c’est vraiment étrange.
Mais vous savez quoi ? Les défauts typiquement masculins de Jack ne me dérangent pas vraiment. Je
trouve la plupart attendrissants. Sauf celui qui consiste à avoir des gaz sous les draps et tirer la couette
sur ma tête en riant comme un hystérique. Il appelle ça la cuisson à l’étouffée.
Je croyais que tous les mecs faisaient ça. Mais quand j’en ai parlé à mon amie Kate, elle a réagi
comme si je venais de lui révéler que Jack était scatophile.
— Quoi ? Mais c’est dégoûtaaaaant, s’est-elle exclamée avec son accent traînant de l’Alabama.
Billy ne me ferait jamais ça !
Comme si Billy — un vrai salaud — n’émettait jamais de flatulences !
Mais je ne soulèverai pas le vrai problème pour l’instant. Je n’ai même pas encore osé le soulever
avec Kate elle-même. J’attends le bon moment pour lui signaler que j’ai croisé son mari dans Horatio
Street, tard la nuit, avec une femme qui n’était pas Kate.
D’accord, je parcourais la même rue à la même heure avec un type qui n’était pas Jack.
Mais je sortais de chez mes amis Raphael et Donatello, et le type en question, Blake, était un ami à
eux. Bien que superbe, il ne représente pas la moindre menace pour mon mariage, si vous voyez ce que je
veux dire.
Blake et moi avions bu un peu trop de Bombay sapphire and tonics et chantions à plein tube un potpourri
de génériques de séries télévisées quand j’ai aperçu Billy avec une brune.
Ils ne s’embrassaient pas, ne se pelotaient pas. Ils ne se tenaient même pas par la main, mais leur
façon de marcher et de parler dégageait une intimité évidente. C’était peut-être une collègue, mais pas
juste une collègue, et ils sortaient d’un restaurant, mais certainement pas d’un dîner d’affaires.
Et, de toute évidence, il ne s’agissait pas de sa sœur ! Pour commencer, je connais — et déteste
profondément, mais c’est une autre histoire — sa sœur Amanda.
Si cette femme se révélait être une autre sœur détestable de Billy que je n’aurais jamais rencontrée,
leur relation aurait alors de forts relents de jeux interdits.
Comment je sais que la relation entre Billy et cette femme n’est pas platonique ? Parfois, j’éprouve
des intuitions que je ne peux expliquer, voilà tout.
Blake — qui a dû rencontrer Billy au mariage de Raphael et Donatello trois ans auparavant mais ne
le reconnaîtrait pas même s’il lui rentrait dedans — ne se rendait compte de rien.
Il avait entonné le thème de One Day at a Time tandis que défilait devant moi l’avenir de Kate… en
femme divorcée.