Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

Avant que je ne puisse protester, il reprend avec patience :
— C’est une pépinière.
Une pépinière…
Un endroit où on vend des graines, des plants, des plantes.
Pour planter des jardins et des fleurs.
Pas un bébé.
Je suis une rigolote.
Quand même…
— Tu possèdes une pépinière ?
— Bien sûr.
Bien sûr ?
Depuis quand Will a bien sûr une pépinière ?
— C’est une gentille petite entreprise, continue-t-il.
Il désigne son ami d’un geste et ajoute :
— Jacob travaille avec moi.
Je suis certaine que le sorcier Amish se révèle d’une aide précieuse dans l’accomplissement de
tâches telles que la moisson ou la confection de potions à base de plantes pour conjurer le mal.
— Qu’est devenue ta vocation théâtrale ?
Il écarte la question d’un geste de la main.
— J’ai dépassé ce stade, dit-il, comme si nous parlions de jouer aux petites voitures.
Dépassé ce stade ? Ha. Il est plus plausible qu’une mauvaise critique de trop ait envoyé le nonlégendaire
Will Mc Craw glisser le long de la rampe jusque dans l’obscurité.
— Peut-être un de ces jours monteras-tu quelque chose au théâtre municipal…
Je n’ai pas pu résister.
— … je suis sûre qu’il y en a un à Scarsdale.
Visiblement, Will accuse le coup.
Jacob consulte sa montre.
— Waouh, regardez l’heure qu’il est.
Sommes-nous en retard pour une réunion de sorcières ? Ou la construction communautaire d’une
grange sur la place du village ?
— Eh bien, Will, c’était super sympa de te rencontrer. Et Jack et moi nous ferons un plaisir
d’envoyer notre paysagiste visiter ta pépinière.
Non, nous n’employons pas de paysagiste.
Mais j’aime l’idée de faire croire à Will que nous en avons un.
Je cherche le moyen de glisser un cuisinier personnel dans la chute de la conversation. Ou un
majordome. Will a toujours rêvé d’un majordome.
Trop tard.
— Absolument, dit Will en me gratifiant d’une courte accolade dénuée d’affection et d’un bisou à
côté de la joue.
Me souriant à moi-même, je le regarde disparaître entre les rayons en compagnie de son lugubre
compagnon.
Dans un monde idéal, Will serait un homosexuel pur vivant avec un mâle mennonite, et je serais
maquillée à la perfection, moulée dans un jean tendance et bien coiffée.
Malgré tout, rien ne vaut de croiser de nouveau Will McCraw, même après toutes ces années, pour
me rappeler que si ma vie n’est pas parfaite, elle a évolué de bien meilleure façon que je ne l’aurais
jamais imaginé ce fameux été, si lointain, où j’étais encore célibataire.