Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

Tout ce que j’ai à lui offrir, c’est une oreille compatissante, une épaule et une chambre dépourvue de
lit.
— Je suis heureuse que tu sois venue ici, dis-je en la serrant de nouveau contre moi.
— Je ne savais pas quoi faire d’autre. Je ne peux pas rentrer à la maison sans lui. Je ne veux pas
rester là-bas s’il n’y est pas.
— Tu peux rester ici le temps que tu voudras.
Elle essuie les larmes de ses yeux gonflés.
— Merci, Tracey.
Je la laisse recouvrer ses esprits et vais jeter un œil sur le reste de l’équipe.
J’entends des voix et les talons de ma grand-mère cliqueter à l’étage supérieur. Je me dirige vers
l’escalier, quand je remarque le canapé.
Qui — serait-ce le fruit de mon imagination ? — ne penche plus, mais semble avoir sombré de
quelques centimètres depuis la dernière fois que je l’ai vu.
Je m’approche et allume une lampe supplémentaire.
Il est bien quelques centimètres plus bas.
Je m’avance et lui donne un petit coup. Il oscille. J’appelle :
— Jack, chéri ? Tu pourrais descendre une petite minute, s’il te plaît ? Seul ?
Il s’exécute, reconnaissant d’être convoqué loin de Mamie, jusqu’à ce qu’il comprenne ce que je
suis en train d’examiner.
— Qu’est-il arrivé au canapé, mon amour ? dis-je, ne voulant pas formuler de conclusion hâtive.
— Mitch et moi l’avons réparé. Tu vois ? Plus de pied manquant.
— Je vois, mais… pourquoi semble-t-il si… près du sol ?
— Nous avons dû poncer le bout du pied que les déménageurs avaient coupé, parce qu’il était en
biais. Du coup, après, le pied était plus court que les autres, alors nous les avons coupés pour les
égaliser.
Je me penche pour jeter un coup d’œil aux quatre moignons de bois, pas plus grands que mon petit
doigt.
Je me relève et regarde Jack.
— Quoi ? Tu voulais que je le répare. Je l’ai réparé.
— Merci, dis-je, serrant les dents, sans savoir si c’est pour m’empêcher de hurler, rire ou pleurer.
— Tracey ?
Kate vient de faire son apparition, chargée d’un monceau de mouchoirs détrempés.
— Oui ?
— Tu as du bourbon ? Je crois que j’ai besoin d’un verre.
Jack et moi échangeons un regard.
— Nous n’avons pas de bourbon, dit Jack, et nous sommes dimanche soir, sinon je serais sorti t’en
acheter. Que dirais-tu d’une Bud ? Mitch et moi en avons acheté une caisse et il en reste quelques-unes.
Kate me regarde, ignorant totalement de quoi il parle.
— C’est de la bière, lui dis-je avant de m’adresser à Jack. Kate ne boit pas de bière.
— Flûte, Tracey, en ce moment je boirais du rince-dent, répond-elle.
Ce soir-là, tard, Jack et moi nous étendons sur une pile de couvertures à même le plancher de notre
nouvelle salle à manger.
Il fait chaud et lourd, maintenant que la pluie a cessé, et nous avons ouvert toutes les fenêtres. On
entend le bruit des crickets et l’eau qui goutte de la gouttière de la véranda. Cela fait bien longtemps que
je ne suis pas restée étendue à écouter les bruits de la nuit.
— L’air conditionné te manque ? dis-je à Jack dans un murmure, ma tête enfouie dans le creux de
son bras.