Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

Vous vous demandez peut-être s’il est possible que mon existence subisse un avatar supplémentaire.
Et, bien, oui, chers lecteurs, je vous assure que c’est possible.
Quand je conduis ma petite troupe vers ma nouvelle maison, je suis accueillie — non pas par
Jack —, mais par l’Ange Hurleur.
Je ne reconnais pas tout de suite le jeune enfant au béret rouge qui imite une sirène à la porte de
derrière. Je présume a) qu’il existe de par le monde plusieurs petits démons en possession d’une
collection de chapeaux et b) que je me suis trompée de maison — erreur compréhensible quand on est
nouvelle dans le quartier, non ?
Non.
Malheureusement pour moi, je ne me suis pas trompée de maison, il n’existe qu’un Ange Hurleur : il
est ici et — mon Dieu — dégage une odeur pestilentielle !
Jack apparaît et m’accueille en m’étreignant brièvement.
— Bienvenue à la maison ! crie-t-il pour couvrir le vacarme. Regarde qui nous a fait la surprise
d’une visite !
— Bonjour, Tracey, dit Kate d’un ton éploré, les yeux gonflés, recroquevillée dans une chaise dans
un coin de la cuisine.
— Kate ? Que fais-tu i…
— Je me présente : la grand-mère de Tracey, coupe Mamie, qui tout comme Glen Close dans
Liaison fatale ne supporte pas d’être ignorée.
Elle s’avance vers Kate d’un pas dansant sur ses hauts talons blancs pour lui serrer la main.
Kate renifle.
— Nous nous sommes rencontrées au mariage de Tracey, parvient-elle à murmurer.
Jack vole à son secours.
— Mamie, vous êtes si jolie ! Venez, nous sommes très heureux de vous recevoir.
Il la serre dans ses bras avant de se tourner vers Stefania pour se présenter.
— Enchantée de rencontrer vous, lui dit-elle, tandis que l’Ange Hurleur continue de hurler et
d’empoisonner la pièce de son odeur.
Et Kate de sangloter.
— Billy m’a quittée. Et la nounou est partie.
— Oh, Kate…
Je l’enlace.
— … je suis vraiment, vraiment désolée.
— Qu’est-ce que je vais deveniiiiiiiiiiir ?
Mes propres yeux se remplissent de larmes.
— Je suis désolée pour toi, dis-je de nouveau, impuissante.
— Aaaaaaaaah ! hurle l’Ange Hurleur, dont par miracle le béret persiste à rester perché avec
élégance sur ses boucles blondes tandis qu’elle déambule dans la pièce avec sa couche pleine.
Oui, chers amis, ici aussi, en banlieue, nous avons notre Emmerdeur Public.
Mamie grimace en l’observant un moment avant de se tourner vers moi.
— Qui est cette malheureuse petite Française ?
— Mamie, Stefania, voici la petite Katie, la fille de Kate, leur dis-je par-dessus la tête blonde de
Kate. Elle a deux ans. Et elle porte un béret, mais n’est pas française.
Mais — mon Dieu ! — comme elle est malheureuse !
— Elle sait mâcher du chewing-gum ? demande Mamie à Kate en fouillant dans son sac à main de
grand-mère.
— Non… elle s’étoufferait, je le crains.
— Des cacahuètes alors ?