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Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

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évidemment m’évoque ma lune de miel à Tahiti.<br />

Pourquoi — oh ! — pourquoi Jack <strong>et</strong> moi ne sommes-nous pas restés là-bas tant que nous en avions<br />

l’occasion ? Maintenant, nous avons contracté un emprunt <strong>et</strong> je suis au chômage. Nous aurons de la<br />

chance si nous parvenons à y r<strong>et</strong>ourner avant notre cinquantième anniversaire de mariage. Ou si nous y<br />

r<strong>et</strong>ournons même un jour.<br />

Quand on y réfléchit, vous connaissez beaucoup de personnes du troisième âge qui s’envolent pour<br />

Tahiti pour passer une seconde lune de miel ? Et ceux qui le font peuvent-ils encore s’amuser ? Même si<br />

Jack <strong>et</strong> moi réussissons à y r<strong>et</strong>ourner avant que nous clamsions — comme le dit si élégamment Mamie —,<br />

qui me dit que je n’aurais pas atteint le stade où j’exhibe mon sein droit à de parfaits étrangers en<br />

radotant à propos de l’irritation causée par mon soutien-gorge ?<br />

Que le temps passe <strong>et</strong> que tout — <strong>et</strong> tout le monde — change me déprime totalement.<br />

Pourquoi ces pensées ne m’avaient-elles jamais effleurée auparavant ?<br />

Est-ce parce que lorsque vous ach<strong>et</strong>ez une maison <strong>et</strong> partez habiter loin de tous vos amis, la vie<br />

paraît soudain bien sérieuse ?<br />

Ou parce que mon identité était intimement liée à mon job, ma vie sociale <strong>et</strong> même au rythme<br />

infernal de New York ?<br />

Qui suis-je, en dehors de la femme de Jack ?<br />

C’est tout ? C’est ça, la vie ?<br />

— Chante avec nous, Tracey, ordonne Mamie au milieu de son interprétation de Some Enchanting<br />

Evening. Allez, tu connais les paroles, même Stefania chante.<br />

Quand elle ne régurgite pas. Et — P.S. — elle ne connaît pas les paroles, elle parle à peine anglais.<br />

En d’autres circonstances, je sais que je la trouverais sympa. Mais vu mon humeur lugubre, ses<br />

vomissements m’agacent.<br />

Dieu merci — enfin, cela dépend de l’angle sous lequel vous regardez les choses — le pot-pourri<br />

de South Pacific est victime d’une fin brutale quand nous devons effectuer un nouvel arrêt prématuré afin<br />

que Wilma — qui a juré à l’arrêt précédent qu’elle n’avait pas besoin d’aller aux toil<strong>et</strong>tes — puisse y<br />

aller.<br />

Et — non, je n’exagère pas — nous nous arrêtons une demi-heure plus tard afin que Stefania puisse<br />

de nouveau vomir. Au moins, c<strong>et</strong>te fois, elle réussit à atteindre les toil<strong>et</strong>tes.<br />

— Tu es sûre que ça va ? dis-je quand elle émerge des toil<strong>et</strong>tes, l’air défait.<br />

— Je vais super !<br />

Elle me rembarre plus ou moins mais qui pourrait lui en vouloir ?<br />

La pauvre, elle est dans un pays étranger, piégée dans une voiture entre deux nanas braillant des airs<br />

de Broadway à pleins poumons <strong>et</strong> une conductrice nulle en pleine crise d’identité.<br />

Je m’adoucis un peu.<br />

Quand elle a fait part de son désir de visiter New York, je suis sûre qu’elle n’imaginait pas ça.<br />

Je crois que je lui dois une visite guidée fabuleuse de Manhattan. D’habitude, j’évite les pièges à<br />

touristes, mais je n’ai pas mis les pieds à New York depuis presque une semaine <strong>et</strong> je me découvre des<br />

envies dévorantes des plaisirs de la ville. Encore que je me passerais bien d’une descente de la<br />

Cinquième Avenue en bus à deux étages.<br />

Dans le fond, ce ne sera pas si désagréable de les avoir quelques jours à la maison, Mamie <strong>et</strong> elle.<br />

Qu’ai-je d’autre à faire ? A part déballer des cartons, me familiariser avec une ville étrange <strong>et</strong><br />

m’interroger sur le sens de la vie. De la mienne, en tout cas.<br />

Le traj<strong>et</strong> traîne en longueur. Quatre nanas parties à l’aventure sur les routes, quatre nanas qui<br />

chantent, vomissent <strong>et</strong> s’arrêtent si souvent pour faire pipi que j’envisage de piquer des couches dans les<br />

bagages de Mamie <strong>et</strong> d’obliger Wilma à les porter.<br />

Kathleen appelle si souvent sur le portable de Wilma que j’instaure une nouvelle règle : tous les

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