Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free
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Je préfère me rendre chez « Les tartes du paradis » pour ach<strong>et</strong>er une tarte <strong>et</strong> la dévorer toute seule à<br />
la maison avant de me lamenter <strong>et</strong> de défaire des cartons.<br />
Parce que ça, ce n’est pas du tout déprimant.<br />
Mais que faire quand votre monde s’écroule ?<br />
Je grimpe l’escalier menant à la pâtisserie dont s’échappe une odeur de pâte chaude <strong>et</strong> de compote<br />
de fruits à vous m<strong>et</strong>tre l’eau à la bouche.<br />
— Bonjour, dit le beau mec d’une trentaine d’années derrière le comptoir, dès le premier abord<br />
infiniment plus chaleureux que la vendeuse au chignon. Que puis-je faire pour vous aujourd’hui ?<br />
Ma réponse est brillante.<br />
— Je désirerais ach<strong>et</strong>er une tarte.<br />
Super. N’est-ce pas la raison pour laquelle la plupart des gens entrent dans un magasin qui vend des<br />
tartes ?<br />
— La spécialité de la semaine, dix pour cent moins chère, est aux fraises, m’apprend-il.<br />
Il désigne d’un geste la vitrine emplie de tartes <strong>et</strong> tourtes.<br />
— Vous trouverez là les autres parfums disponibles.<br />
Je vous le dis, la tarte fourrée du Mississippi me tente sacrément, de même que celle aux noix de<br />
pécan. J’aimerais pouvoir dire : « Une de chaque, s’il vous plaît. »<br />
Mais l’épisode de la poupée m’a servi de leçon : la spécialité de la semaine est la seule bonne<br />
affaire avec ses moins dix pour cent. Je demande à l’homme aux tartes une tarte aux fraises.<br />
En le regardant la glisser dans une jolie boîte d’un blanc brillant, puis l’envelopper d’un large ruban<br />
rouge, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter un peu à propos du prix.<br />
Mais bon, ce n’est qu’une tarte. Combien voulez-vous qu’elle coûte ?<br />
Je vais vous dire combien.<br />
— Quarante-neuf cinquante, m’annonce l’homme aux tartes en la déposant devant moi sur le<br />
comptoir.<br />
D’accord, comparée à la poupée, c’est donné.<br />
Quand même… cinquante dollars pour une tarte ?<br />
Et puis quoi encore ?<br />
— Est-ce que… je croyais qu’il y avait une réduction de dix pour cent ? dis-je en me disant que<br />
quarante-cinq dollars seraient un peu plus supportables.<br />
Un peu plus.<br />
— Les moins dix pour cent sont inclus, me dit-il.<br />
Avec une telle gentillesse que c’est là que je sors la tarte de sa boîte <strong>et</strong> la lui écrase sur la figure<br />
comme dans un film mu<strong>et</strong>.<br />
D’accord, je ne le fais pas pour de bon.<br />
Mais j’en ai envie.<br />
Presque autant qu’ach<strong>et</strong>er la tarte <strong>et</strong> la dévorer en une seule fois.<br />
Un sourire crispé aux lèvres, je tends à l’homme aux tartes ma carte American Express, <strong>et</strong> cinq<br />
minutes plus tard, je me gare devant chez moi, me demandant comment nous pouvons nous offrir une<br />
maison ici, mais pas un simple jou<strong>et</strong>.<br />
Je me persuade que l’incident de la poupée est un incident isolé. Ce genre de choses peut se<br />
produire n’importe où.<br />
Enfin pas tout à fait n’importe où.<br />
A Brookside. La poupée aurait coûté sept dollars quatre-vingt-dix-neuf. Avec paqu<strong>et</strong>-cadeau <strong>et</strong><br />
envoi gratuits. Mais quelle importance ? Je ne veux pas vivre à Brookside. Ni à Manhattan.<br />
Je veux vivre ici même.<br />
Ici dans c<strong>et</strong>te banlieue hors de prix <strong>et</strong> calme à faire peur.