Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free
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A la pensée de Stefania, apportant à ma mère de la bonne soupe chaude <strong>et</strong> tapotant ses oreillers, j’ai<br />
déclaré à Mary B<strong>et</strong>h que j’allais lui rendre visite le plus rapidement possible.<br />
Mardi matin, Jack <strong>et</strong> moi prenons le train M<strong>et</strong>ro North pour notre tout premier traj<strong>et</strong> de banlieusards<br />
travaillant à New York. Mon fantasme d’agréable intermède en compagnie de Jack, consacré à siroter un<br />
café en lisant le journal, fait long feu. Nous ne trouvons même pas de siège dans le même wagon. Le train<br />
est bondé.<br />
Du moins est-il à l’heure, comme d’habitude.<br />
Au fond de moi, j’aurais préféré qu’il reste immobilisé dans un tunnel, pour changer. J’ai peur de ce<br />
que je vais trouver en arrivant au bureau.<br />
Dans le hall d’entrée, la foule qui patiente devant les ascenseurs est plus clairsemée que d’habitude.<br />
Jack me presse la main.<br />
— Ça va aller, me dit-il.<br />
— Je vais me faire virer, Jack, comment cela pourrait-il aller ?<br />
— Tu n’en sais rien.<br />
— Si, je le sais. Je le sens.<br />
Il ne proteste pas.<br />
— Garde la tête haute <strong>et</strong> n’oublie pas de faire une copie de ton disque dur sur le disque amovible<br />
que je t’ai donné.<br />
Il reste si pragmatique à propos de c<strong>et</strong>te sale histoire qu’on pourrait croire qu’il ne flippe pas<br />
comme un fou à la pensée de la diminution imminente de nos revenus.<br />
Mais je sais qu’il flippe. Lui non plus n’a pas dormi la nuit dernière. Et il n’a même pas voulu faire<br />
l’amour, ce qui d’habitude est son antidote favori contre l’insomnie.<br />
Je suis la seule à descendre de l’ascenseur à mon étage, <strong>et</strong> je note l’absence de réceptionniste.<br />
Mauvais signe. Sa tête est-elle tombée elle aussi ? L’étage ressemble à une ville fantôme.<br />
Parvenue dans mon bureau, le Post-it jaune collé sur l’écran de mon ordinateur me saute aux yeux.<br />
— Je t’attends dans mon bureau — Jim.<br />
Jim est le directeur de la création.<br />
Croyez-moi : il n’existe pas de phrase plus angoissante dans le monde de l’entreprise que : « Je<br />
t’attends dans mon bureau. »<br />
Donc, ça y est. Mon destin vient d’être scellé.<br />
Je remonte le couloir désert comme une reine au destin tragique marchant vers la guillotine. Me<br />
souvenant des paroles de Jack, je garde la tête bien droite — même si elle est sur le point d’être tranchée.<br />
Note : tu es devenue plutôt pessimiste ces temps-ci, tu ne trouves pas ?<br />
C’est vrai. Pourquoi je m’imagine tout de suite le pire ? C’est comme hier, quand j’ai cru ma mère<br />
mourante.<br />
Peut-être ne suis-je pas sur le point de me faire virer finalement. Peut-être que Jim désire juste me<br />
tenir au courant des licenciements <strong>et</strong> m’annoncer ma promotion au poste d’assistant-directeur de la<br />
création.<br />
Ouais.<br />
Ce n’est pas ce qui arrive.<br />
L’air sombre, Jim m’enjoint à prendre un siège <strong>et</strong> m’informe que l’entreprise a le regr<strong>et</strong> de se<br />
séparer de moi.<br />
Je découvre que comme reine au destin tragique, je fais plutôt pâle figure, parce que non seulement<br />
j’oublie de garder la tête haute, mais en plus je m’écroule dans un torrent de larmes qui inonde le bureau<br />
de Jim.<br />
— Je suis désolé, Tracey, dit-il en me tendant des Kleenex <strong>et</strong> un dossier du service Ressources<br />
Humaines. Voici les documents concernant tes indemnités. Nous avons été ravis de travailler avec toi. Si