Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

doublures de rideaux de douche en plastique sur des anneaux qui s’obstinent à sauter, pour me lancer dans
les trucs sympas, comme repeindre, décorer et planter mon jardin. Hier, j’ai acheté des sachets de graines
au supermarché — pour la plupart des tomates, bien sûr, de variétés différentes. Et aussi des aubergines,
des concombres et des poivrons, du basilic et de l’aneth, des zinnias et des myosotis. Exactement ce que
ma mère plante dans son jardin.
Je ne cesse de soupirer en regardant par la fenêtre l’endroit où je planterai les graines, dès que
j’aurai une chance de le faire. Le week-end prochain, j’espère. Je meurs d’envie de plonger mes doigts
dans la terre.
Dans un sens, il est préférable que j’aie été trop occupée pour m’attarder sur la possibilité d’être
virée à mon arrivée au bureau demain. Mais, dans un recoin de mon esprit, cette pensée ne m’a pas
quittée, de même que le souci de la santé de ma mère. Quand je lui ai parlé hier, elle a prétendu se sentir
mieux. Mais je sais que si c’est faux, elle ne me le dira pas.
Elle a surtout voulu parler de la maison et je lui ai promis d’apporter des photos lors de ma
prochaine visite. Je lui ai aussi rappelé que nous avions toute la place nécessaire pour recevoir des
invités, et donc que mon père et elle devaient venir nous voir.
— Cela nous plairait beaucoup, dit-elle.
Mais quand j’ai insisté pour qu’elle me donne une date, elle est restée évasive.
Mes parents ne sont pas de grands voyageurs. Ils ne sont venus me voir qu’une seule fois à New
York, pour la réception de fiançailles organisée par Wilma. Je sais que Manhattan ne les a pas emballés,
mais je croyais que me voir installée dans une vraie petite maison, dans une jolie petite ville comme
Glenhaven Park leur plairait (même si bien sûr ils auraient préféré Brookside).
En tout cas, ce long week-end s’est révélé épuisant et je suis ravie de disposer d’un jour
supplémentaire pour installer la maison.
Lundi soir, à la nuit tombée, mon portable vibre dans ma poche. J’écoute un bon vieux morceau de
Kanye West sur mon iPod et suis occupée à tapisser les étagères de mon placard à linge de papier adhésif
que j’ai coupé aux bonnes dimensions.
Du moins je croyais l’avoir judicieusement coupé.
Soit le papier adhésif a rétréci, soit les étagères se sont agrandies. Je ne m’en rends compte
qu’après avoir décollé la bande adhésive au dos. Qui colle maintenant à tout, sauf à l’étagère, et je ne
suis pas d’humeur à répondre au téléphone.
Cela doit probablement être encore Kate.
Elle m’a appelée il y a environ une heure, sanglotant au sujet de Billy, parti passer la fin de ce long
week-end dans les Hampton, sans elle. Elle demandait si je pouvais passer.
Soit elle avait oublié que j’avais déménagé, soit elle s’attendait à ce que je saute dans le prochain
train. Quand je lui ai répondu que c’était impossible, elle a semblé froissée. Puis elle a déballé tout ce
qu’elle avait sur le cœur et je me suis sentie totalement impuissante. D’ici, je ne peux pas faire grandchose.
J’ai fait de mon mieux pour me comporter en amie compatissante et ne pas dire de mal de Billy,
mais cet effort m’a vidée.
A moins que ce ne soit Latisha qui rappelle, elle aussi. Elle a téléphoné plusieurs fois ce week-end
afin de discuter des licenciements. Elle garde son boulot, mais un paquet de gens de son département ont
été licenciés, comme à peu près tout le monde dans le mien.
Y compris Crosby Courts. Il n’y a pas si longtemps, la nouvelle m’aurait ravie, mais plus
maintenant.
Le destin de Crosby sonne le glas de la sécurité de mon propre emploi.
L’ironie de la chose, c’est qu’il y a quelques mois encore, j’aurais donné à peu près n’importe quoi
pour quitter Blair Barnett. Mais les choses ont changé. Je ne voulais pas qu’elles se terminent
ainsi — que Blair Barnett se sépare de moi, et non le contraire. Ni qu’elles se terminent