La mauvaise haleine : prise en charge au cabinet dentaire

SEPTEMBRE 2000
Formation
Médico-Dentaire
Continue
Cahier rédactionnel
La mauvaise haleine :
prise en charge
au cabinet dentaire
Dans nos sociétés économiquement développées, le souci
contemporain est, pour de multiples raisons, de maîtriser voire
d'effacer les odeurs corporelles. Nous sommes devenus odoriphobes,
c'est-à-dire hypersensibles à certains effluves jugés
mauvais, et donc décidés
à leur donner, non plus
"de petites claques", mais
un grand coup de balai.
La mauvaise haleine est
un problème tabou qui
peut se manifester aussi
bien dans le milieu professionnel
que dans le
cadre familial et constituer
alors un véritable
handicap social. Plutôt
que d'aborder le problème
lorsque nous sommes
confrontés à une telle
situation, nous préférons
prendre une distance de
sécurité. Si l'intérêt s'est
porté récemment sur la
mauvaise haleine, il n'est
2 Qu'est-ce que l'halitose ?
2 Epidémiologie
3 Quand survient l'halitose ?
4 Etiopathogénie
SOMMAIRE
4 Les principaux acteurs
7 Un abord global
9 Diagnostic différentiel
10 Un traitement adapté
pas qu'un effet de mode ou le reflet de la recherche incessante
de nouveaux gisements pour doper les ventes de l'in-
PARODONTIE

dustrie pharmaceutique.
En effet, cela fait 30 ans
que des articles scientifiques
concernant l'étiologie
de la mauvaise haleine
paraissent régulièrement
dans la littérature professionnelle.
A ce jour, 4 symposiums
internationaux
(Jérusalem, Louvain, Vancouver,
Los Angeles) ont déjà
traité de ce problème et
des consultations spécialisées
dans le traitement de
la mauvaise haleine se
sont créées dans de nombreux
pays. Il existe aussi
une société scientifique
qui traite de ce problème
(ISBROD : International
Society for Breath Odor
Research).
La compréhension des
éléments participant à
l'apparition de cette situation
est aujourd'hui suffisamment
précise pour
expliquer l'étiologie de la
mauvaise haleine et,
puisque dans la grande
majorité des cas, elle est
d'origine buccale, il est
évident que les diagnostics
étiologique et différentiel
sont dans les compétences
du praticien et que
la prise en charge de ce
problème doit être faite au
cabinet dentaire.
Jean-Marc Dersot
D.C.D., Docteur d’Université
4 avenue Georges Mandel
75116 Paris
La mauvaise haleine
Qu'est-ce
que l'halitose ?
Bien que l'haleine soit définie par Le Petit Larousse comme "l'air qui sort des
poumons pendant l'expiration", elle est en fait composée de gaz pouvant avoir
diverses origines.
L'ozostomie est le terme scientifique correspondant à la mauvaise haleine provenant
de la sphère ORL et plus particulièrement des sinus, du nez et des amygdales.
La stomatodysodie s'applique à la mauvaise haleine provenant de l'arbre
broncho-pulmonaire. Foetor ex-oris est employé pour la mauvaise haleine
provenant de la cavité buccale. Enfin, l'halitose est la mauvaise haleine ayant
comme origine une maladie métabolique.
Dans ce fascicule, le mot halitose sera conservé pour caractériser la mauvaise
haleine, quelle que soit son origine (halitosis, bad breath ou oral malodor sont
les expressions les plus utilisées en anglais).
Épidémiologie
Un des problèmes majeurs concernant l'halitose est qu'il n'existe pas de
méthodes simples et universellement acceptées pour la mesurer, ce qui
explique certainement l'absence de données épidémiologiques. De plus, il est
quasiment impossible pour un patient d'auto-évaluer son haleine, en soufflant
dans ses mains par exemple. On estime cependant que 5 à 10% de la population
présente une halitose pathologique constante et que, probablement, nous
présent(er)ons tous à un moment quelconque une halitose transitoire.
En 1996, aux USA, 41% des praticiens voient 6 patients par semaine présentant
une halitose et 90% en voient au moins un par semaine. Un quart des plus de
60 ans s'est déjà entendu dire qu'il a mauvaise haleine et 43% des plus de 60
ans pensent en souffrir. En 1995, au Japon, pays culturellement très halitophobique,
24% des plus de 30 ans pensent avoir mauvaise haleine et 23% l'ont
effectivement.
Aux USA, en 1992, 850 millions de dollars ont été dépensés dans les bains de
bouche. Actuellement, c’est quelque 10 milliards de dollars par an qui partent
dans des produits supposés lutter avec plus ou moins de succès contre l’halitose
(bonbons, chewing-gum, cachets, pillules, dentifrices, bain de bouche, spray,
élixir...).
2 Formation M dico-Dentaire Continue

Quand survient
l’halitose ?
• L'halitose est très souvent présente
au réveil. Pendant le sommeil, les
musculatures faciales et linguales
sont au repos. L'absence de mastication
et d'élocution, la réduction physiologique
de la salivation et la stase
des débris alimentaires et cellulaires
concourent à cette situation. Cette
halitose transitoire disparaît après le
petit-déjeuner et le brossage des
dents.
• La sécheresse buccale est souvent
associée à une mauvaise haleine.
Cette hyposialie peut survenir après
un long discours, en cas d'insuffisance
de prise de boissons, en cas de
stress qui agit directement sur les
sphincters des canaux salivaires. Elle
est aussi observée dans le syndrome
de Gougerot-Sjögren (avec une
réduction des larmes) et en cas d'irradiation
des glandes salivaires dans le
traitement des cancers bucco-pharyngés.
Enfin, une vingtaine de
familles thérapeutiques, c'est-à-dire
quelque 300 médicaments peuvent
induire cette xérostomie (fig. 1).
• L'halitose est aussi décrite en période
menstruelle et avec certains traitements
hormonaux.
• Enfin, un régime alimentaire riche
en protéines (lait, fromages, viandes,
poissons) et certains aliments au goût
prononcé (oignons, ail, épices...)
entraînent une halitose. Le café, l'alcool
et le tabac sont aussi responsables
d'une haleine spécifique et
facilement identifiable.
Qu’est-ce que l’halitose
Anorexigènes Antipsychotiques
Anxiolytiques Bronchodilatateurs
Anticholinergiques Décongestionnant nasal
Antispasmodiques Antiparkinsoniens
Anticonvulsivants Diurétiques
Antidépresseurs Myorelaxants
Antidiarrhéiques Antalgiques narcotiques
Antihistaminiques AINS
Antihypertenseurs Sédatifs
Antinauséeux Médicaments du
seuvrage tabagique
Fig. 1 - Selon l'ADA, 300 à 500 médicaments
sont responsables d'hyposialie
• Gingivite (GUN) • Xérostomie
• Parodontite • En post-opératoire
• Carie • Prothèse amovible
• Abcès dentaire • Péricoronarite
• Candidose • Alvéolite
• Cancer • Stomatite - Ulcération
• Communication • Langue
bucco-sinusale ........
Fig. 2 - Les origines buccales sont multiples
Fig. 3 - Relation parodontite - halitose - Le volume de CVS est proportionnel
à l’inflammation et à la profondeur de poche
Formation M dico-Dentaire Continue 3
PARODONTIE

Étiopathogénie
• Contrairement à ce que les patients
(et les praticiens) pensent, l'origine
digestive de la mauvaise haleine est
rare (1%). En effet, l'origine buccale
est retrouvée dans plus de 85% des
cas. Les problèmes ORL sont présents
dans 8 à 10% (dont 3% pour les
amygdales). Pour 5-7% des cas, l'origine
provient d'une pathologie générale.
• Les origines buccales peuvent être
multiples (fig. 2) et une étude réalisée
dans une consultation pour l'halitose
montre la présence d'un enduit lingual
(41%), d'une gingivite (31%) ou
d'une parodontite (28%).
• La relation parodontite-halitose
n'est pas systématique. Des patients
atteints de maladie parodontale peuvent
ne pas présenter de mauvaise
haleine, mais plus les signes de la
maladie sont importants (saignement
au sondage, poches), plus l'halitose
est marquée. En effet, chez les
patients atteints de parodontite, le
volume total des composés sulfurés
volatils (CSV) et, en particulier, le
rapport sulfure d'hydrogène/méthylmercaptan,
sont toujours plus élevés
(fig. 3).
• L'halitose peut aussi être un indicateur
de désordres systémiques gastroentérologiques,
hépatiques, endocriniens,
génétiques... (fig. 4). Par exemple,
un diabétique non équilibré présentera
une haleine avec une odeur
d'acétone ou de pomme de reinette
pourrie. Une odeur de poisson caractérise
la triméthylaminurie. Enfin,
une odeur fécale, chez un enfant,
devra faire penser à un corps étranger
coincé dans une narine.
La mauvaise haleine
Situation Odeur
Problème hépatique Soufre, oeuf pourri
Urémie Ammoniaque
Dialyse rénale Poisson
Diabète Fruit doux, acétone
Fièvre scarlatine ou thyphoïde Moisi
Dysfonction intestinale Acide fort
Hémorragie intestinale Sang coagulé
Régime riche en aliments lactés Acide doux, lait caillé
Régime riche en matière grasse Amer, fécale
Leucémie Sang coagulé
Candida Acide doux
GUN Foin pourri
Parodontite Fétide, chargée
Bismuth, phosphates Ail
Fig. 4 - L'halitose, un indicateur des désordres systémiques
Principaux acteurs
à l’origine de l’halitose
L'halitose, c'est d'abord des bactéries qui, en
métabolisant les nombreuses substances présentes
dans la cavité buccale (débris alimentaires, cellules
desquamées, débris bactériens), permettent la
synthèse de gaz volatils malodorants. Cette
dégradation est favorisée en milieu basique.
Une implication
bactérienne
• Les bactériesincriminées
sont très
n o m -
breuses. Elles
sont essentiellement
Gram- et cer-
taines sont par ailleurs impliquées
dans l'étiologie des parodontites.
Il s'agit plus particulièrement de
Porphyromonas gingivalis, Prevotella
intermedia, Fusobacterium nucleatum,
Bacteroides forsythus, Treponema denticola,
Pep-tostreptococcus micros,
Prevotella loeschii, Porphyromonas
endodontalis et des entérobactéries
(Klebsiella pneumoniae, Escherichia,
Enterobacter cloacae).
4 Formation M dico-Dentaire Continue

• Certaines bactéries (P.g., T.d., B.f.)
répondent positivement au test
BANA (Perioscan®, Oral B, USA),
c'est-à-dire qu'elles produisent une
enzyme trypsine-like détectable par
l'hydrolyse d'un peptide synthétique,
le Benzoil-DL-Arginine-2-Na-phtylamide
(BANA).
• Un pH alcalin (> 7) accentue l'action
protéolytique des bactéries.
Des composés
malodorants
• Les substances
malodorantes
sont multiples.
Les plus
importantes et
les plus étudiées
sont les
composés sulfurés
volatils (CSV). Les bactéries Gramanaérobies
dégradent par catabolisme
asacharolytique des acides aminés
(cystéine, méthionine) provenant des
protéines de la salive, des cellules de la
cavité buccale et des débris alimentaires
(fig. 5). Les principaux CSV
sont le sulfure d'hydrogène (H2S), le
méthylmercaptan (CH3-SH), le
diméthyl sulfuré (CH3-S-CH3) et le
disulfure de méthyle (CH3-S-S-
CH3).
On retrouve aussi des diamines
(putrescine et cadavérine) qui résultent
de la dégradation des peptides
contenant de l'arginine et de la lysine,
des acides organiques (acétique, propionique...)
et des composés alcooliques
volatils (indole et scatole).
L’origine de l’halitose
Protéases bactériennes
Protéases de l’hôte
Autres acides aminés
Catabolisme asaccharolytique
anaérobie Gram -
Fig. 5 - Processus de formation des CSV par dégradation des protéines
• Outre leur participation à la mauvaise
haleine, les CSV ont des effets
négatifs sur les tissus parodontaux
(fig. 6). Ils concourent en effet à l'aggravation
des maladies parodontales
en augmentant la perméabilité des
muqueuses, la dégradation du collagène
et la production d'oxygène par
les polymorphonucléaires, en favori-
Protéines alimentaires
Protéines salivaires
Protéines du fluide
Peptides
Acides aminés sulfurés
méthionine, cystéine
sant la pénétration des substances
fortement inflammatoires (PGE2,
endotoxines...) et en réduisant la synthèse
de l'ADN et des protéines. Il
existe d'ailleurs une sonde parodontale
électronique (Diamond Probe®,
USA) qui émet un signal sonore dès
que des CSV sont mis en évidence
dans la poche parodontale.
Formation M dico-Dentaire Continue 5
CSV
Halitose
PARODONTIE

La langue, principal
site de production
Le dos de la
langue constitue,
de par la
présence des
mi-crovillosités
et des fissures,
un véritable
"tapis
brosse" où
s'accumulent
bactéries et
débris alimentaires formant alors un
enduit lingual. Ce dépôt agit comme
un réservoir constituant un des principaux
sites de production des gaz
concourant à l'halitose. Cet enduit
lingual est plus important chez les
patients atteints de parodontite (fig. 7)
et son élimination réduit de 50% le
volume des CSV (fig. 8).
La mauvaise haleine
Effets des CVS sur le paradonte Effets des CVS sur le paradonte
Synthèse d’ADN
Transport de la proline
dans le cytosol
Production d’oxygène
par les PMN
Synthèse des protéines
Fig. 6 - L'enduit lingual est plus important chez les patients atteints de parodontite
Perméabilité
des muqueuses buccales
Pénétration des PEG2
et des endotoxines
Solubilité des collagène
Dégradation du collagène
Enduit lingual et halitose
Poche Poids (mg) CSV
< 4 mm (14) 14,6 ± 7,5 4,3 ± 3,1
> 4 mm (17) 90,1 ± 11,0 18,6 ± 6,8
In Bosy et coll., J. Periodontol., 1994
Fig. 7 - L'enduit lingual est plus important chez les patients atteints
de parodontite
CSV (ng/10 ml d'air)
< 4 mm ≥ 4 mm
initial 8,3 ± 4,0 36,5 ± 12,0
Après suppression
de l'enduit lingual
4,0 ± 16 18,6 ± 6,8
% réduction 51,8 ± 12,8 49,0 ±16,4
In Yaegaki et Sanaga, J. Perio. Res., 1992
Fig. 8 - La suppression de l'enduit lingual réduit de 50% le volume de CSV
6 Formation M dico-Dentaire Continue

Un abord global
Abord global - Diagnostic
Il est plus facile d'aborder ce problème
en incluant dans le questionnaire médical
confidentiel que le patient doit remplir
et signer (obligation médico-légale)
deux questions simples.
Lors de la consultation, le praticien va alors être confronté à 3 types de
patient. Le cas le plus simple est le patient conscient du problème, donc
demandeur de solutions efficaces pour lequel l'approche est facile. Ces
patients ont parfois déjà consulté un ORL (avec cautérisation de polypes
ou de cornets), un gastro-entérologue (avec endoscopie) ou des médecins
internistes qui ne trouvent rien. Le cas du patient qui souffre de
mauvaise haleine, mais qui l'ignore est plus difficile à aborder. L'aide d'un
proche (conjoint, ami) peut être intéressante. Le dernier cas est le patient
"halitophobique" qui pense avoir mauvaise haleine et fait une consommation
effreinée de produits pour la masquer, mais n'a pas d'halitose. Ces
patients souffrent d'un syndrome compulsif obsessionnel à référence
olfactive. Ils peuvent présenter
un comportement psychotique
ou paranoïaque avec des halluci-
Q
U
E
S
T
I
O
N
N
A
I
R
E
"Pensez-vous
avoir mauvaise
haleine ?"
"Vous a-t-on déjà
dit que vous avez
mauvaise
haleine ?
nations olfactives et/ou gustatives
pouvant entraîner un état
dépressif par phobie sociale.
Même si l'évaluation organoleptique
par une tierce personne
ou avec un halimètre (voir
infra) confirme l'absence d'halitose,
elle ne sera pas toujours
suffisante pour rassurer ces
patients qui nécessitent une
prise en charge psychiatrique.
Quel que soit le type de
patient, il faut rassurer et
modifier les a priori. Le
patient pense à tort qu'il n'y a pas de solution, que l'origine est
digestive et a souvent un sentiment de honte. Il faut donc banaliser ("ça
peut arriver à tout le monde"), les informer sur la fréquence du problème
("dans 8 cas sur 10, l'origine vient de la bouche") et sur les possiblités
de diagnostic et de traitement ("nous savons traiter ce problème car nous
pouvons déterminer d'où il vient").
Diagnostic
étiologique
Au fauteuil, la démarche
diagnostique de l'halitose
va comprendre un
entretien préalable,
un examen complet
de la cavité buccale,
un examen lingual,
une évaluation
organoleptique
de l'haleine et une
mesure à l'halimètre
du niveau de CSV
• Anamnèse précise
Au travers de questions posées directement
au patient ou à l'aide d'un questionnaire,
le praticien va préciser :
- la nature de l'halitose : transitoire ou
constante, faible ou intense, depuis quand,
à quel moment de la journée, remarquée
par une tierce personne, interférant sur la
vie professionnelle et/ou privée. Il faut
demander au patient s'il a une sensation
de mauvais goût ou de bouche sèche, s'il
respire par la bouche ou si le problème est
accentué au moment des règles. Il est aussi
intéressant de savoir si le patient utilise
des produits pour masquer l'haleine.
- l'hygiène bucco-dentaire : technique et
fréquence des brossages, matériel utilisé,
nettoyage de la langue, saignement au
brossage, gonflement des gencives, mobilité
dentaire, ouverture de diastèmes, sensibilité
thermique en l'absence de caries,
Formation M dico-Dentaire Continue 7
PARODONTIE

ourrage alimentaire, appareil amovible...
- habitudes alimentaires : nombre et
importance des repas, surconsommation
de produits laitiers ou riches en
protéines (viandes, poissons), ail,
oignon, mets relevés, épicés, alcool,
café, nature et quantité de boissons...
- maladies systémiques et/ou prise de
médicaments pouvant entraîner une
halitose.
• Examen complet
de la cavité buccale
Un examen clinique complet de la
denture et du parodonte et de toutes
les autres muqueuses est réalisé. Il est
completé par un bilan radiographique
rétro-alvéolaire et rétro-coronaire,
seul à même selon l'ANDEM
d'évaluer la présence de caries proximales
et le niveau de l'os alvéolaire, la
radiographie panoramique n'étant
pas suffisamment précise.
Cet examen complet va permettre de
poser un diagnostic carieux, parodontal
et dermatologique buccal.
Fig. 9 - L'halimètre et son utilisation au fauteuil
La mauvaise haleine
• Evaluation
organoleptique
Il n'y a pas de "gold standard" pour
évaluer la mauvaise haleine, mais
l'examen organoleptique reste la référence.
Il a même été proposé une
échelle olfactive pour quantifier
l'odeur (0 = pas d'odeur, 1 = très légère
odeur, 2 = odeur légère et discernable,
3 = odeur modérée, 4 = odeur
agressive, 5 = odeur extrêmement
nauséabonde).
Au fauteuil, cette évaluation pourra
être faite par deux personnes, le praticien
et son assistante. De plus, une
tierce personne, proche du patient,
pourra être d'une aide importante
pour reconnaître l'origine de l'odeur.
Pour réaliser l'évaluation olfactive, il
est demandé au patient de garder la
bouche fermée pendant 2 minutes
sans avaler la salive, puis de souffler
légèrement par la bouche.
S'il y a un enduit lingual, celui-ci
pourra être décollé avec une compresse
ou une cuillère en plastique
(spoon-test) et mis sous le nez du
patient. Enfin, l'odeur de cet enduit
lingual sera comparée à celle provenant
de la cavité buccale.
Le fil ou la brossette interdentaire
sont utilisés et leur odeur est évaluée.
Ils sont présentés au patient afin qu'il
puisse, lui aussi, les sentir.
Si le patient porte un appareil amovible
qui peut être la source de l'halitose,
il suffit de mettre la prothèse
dans un sac hermétique pendant
3 minutes avant de l'ouvrir et de sentir
son contenu.
Enfin, si la même odeur est présente
en soufflant par le nez, on peut suspecter
une implication ORL.
• Evaluation assistée
par l'halimètre®
S'il est possible d'utiliser dans des
laboratoires de recherche la chromatographie
gazeuse avec détection
photométrique pour séparer et quantifier
les gaz présents dans l'haleine,
ces appareils, en raison de leur coût
élevé, de la complexité de leur utilisation,
de la nécessité de techniciens
spécialisés et de leur encombrement,
ne peuvent être utilisés au cabinet
dentaire.
L'halimètre® (Interscan Corp.,
Chatworth, CA, USA) (fig. 9) est un
appareil électronique portable qui
permet de mesurer les composés sulfurés
volatils, et plus particulièrement
la concentration de sulfure d'hydrogène
en PPB (nombre de particules
par milliards). L'halimètre est donc
un appareil excessivement sensible
qui ne nécessite pas de personnel
formé à son utilisation, mais demande
un recalibrage périodique. De
8 Formation M dico-Dentaire Continue

plus, les mesures ne peuvent être réalisées
en présence d'alcool ou d'huiles
essentielles. Les données fournies par
l'Halimètre® ne peuvent à elles seules
permettre de poser un diagnostic.
L'évaluation assisté par l'halimètre
n'est donc qu'un examen complémentaire
de l'évalution organoleptique.
Une mesure avec l'halimètre est réalisée
dès le premier rendez-vous. Il est
demandé au patient de fermer la
bouche pendant 1 minute, puis de
l'ouvrir sans souffler et une paille
reliée à l'embout de l'halimètre est
positionnée devant l'orifice buccal
sans souffler (l'halimètre contient
une pompe qui aspire les gaz buccaux)
faisant alors apparaître un
chiffre sur l'écran de l'halimètre qui
sera noté dans le dossier.
Il faut ensuite convoquer le patient à
un second rendez-vous pour lequel il
viendra à jeûn, sans avoir utilisé de
dentifrice, bain de bouche, chewinggum,
comprimé ou spray buccal, eau
de toilette, after-shave, parfum ou
laque... Une seconde mesure avec
l'halimètre est alors réalisée.
Sur le quadrant de l’halimètre, un
score inférieur à 100ppb correspond à
ce que la plupart des nez considèreront
comme normal. Un score supérieur
à 300-400ppb correspond à une
haleine “socialement incorrecte”.
Bien qu’il ne soit pas nécessaire
d’avoir un halimètre, cet instrument
donne une base scientifique à l’évaluation
et permet d’avoir un repère
Le diagnostic différentiel
pour quantifier les modifications
entraînées par le traitement.
L'halimètre peut aussi être positionné
sur la portion dorso-postérieure de la
langue ou, en demandant au patient
de souffler par le nez, au seuil narinaire
pour préciser l'origine de la
mauvaise haleine.
Diagnostic différentiel
Il faut rechercher les 7 causes habituelles de
mauvaise haleine (fig. 10)
• Origine buccale
et linguale
Si l'odeur provient de la bouche, nez
fermé, suspecter une origine non nasale.
Si le dos de la langue présente sur son
tiers postérieur un enduit lingual ou
si l'odeur disparaît après le nettoyage
de la langue, suspecter une origine
linguale
Si des lésions dermatologiques buccales
(aphtes, néoplasies...) sont présentes,
les traiter et réévaluer secondairement.
S'il y a des poches parodontales, une
inflammation gingivale, un exsudat
purulent ou un saignement au sonda-
• Bouche et langue
• Nez, naso-pharynx, sinus et oro-pharynx
• Xérostomie
• Appareil respiratoire et poumon
• Maladies systémiques
• Maladies gastro-intestinales
• Aliments, boissons et médicaments
Fig. 10 - Les 7 sources habituelles de mauvaise haleine
ge, suspecter une origine parodontale
S'il y a des restaurations débordantes,
inadaptées, des lésions carieuses ou
des infections dentaires, des prothèses
amovibles mal entretenues, suspecter
une origine dentaire ou prothétique.
Si le patient prend régulièrement des
antibiotiques (acné, dépression
immunitaire...), suspecter une mycose
oro-pharyngée ou buccale.
Si le patient présente une sécheresse
buccale, suspecter une modification
de la flore commensale et un accroissement
des bactéries odoriférantes ou
des champignons (habituellement
candida albicans).
Formation M dico-Dentaire Continue 9
PARODONTIE

Origine nasopharyngée,
sinusale
et oro-pharyngée
Si l'odeur provient du nez, bouche
fermée, suspecter une origine nasopharyngée.
Si l'odeur est présente seulement le
matin et que la langue est normale,
suspecter une accumulation de sécrétions
nasales.
Si le patient présente des rhinites
allergiques avec un écoulement postnasal
(le patient se râcle souvent la
gorge) ou une congestion nasale surtout
le matin, suspecter une accumulation
de sécrétions nasales.
Si les amydgales sont enflammées,
recouvertes d'un enduit, cryptiques
ou abcédées, si lors de la toux, le
patient expectore des petites pierres
blanches malodorantes (des amygdalithes
qui sont des calculs tonsillaires),
suspecter une origine oropharyngée.
Si le patient a des antécédents de sinusites
rebelles et répétitives et se plaint
d'une halitose au réveil qui ne disparaît
pas après le petit-déjeuner et le brossage,
suspecter une origine sinusale.
Dans tous les cas, l'adresser à son
médecin-traitant.
Mauvaise haleine
en rapport avec une
sécheresse buccale
Si le patient ressent une diminution
de la salivation, suspecter une halitose
associée à une xérostomie.
Si le patient a des caries radiculaires
ou de nombreuses récidives de caries,
suspecter une salive à faible activité
antibactérienne.
La mauvaise haleine
Origine respiratoire
Si le patient a des expectorations pulmonaires
purulentes, si la fonction
respiratoire est modifiée, suspecter
une origine pulmonaire et l'adresser à
son médecin-traitant.
Mauvaise haleine
associée à une
maladie systémique
Si le patient présente des antécédents
familiaux de diabète, un surpoids,
urine fréquemment ou a très souvent
soif, suspecter un diabète et l'adresser
vers son médecin-traitant.
Si le patient présente par exemple,
une fatigue inexpliquée, un mauvais
appétit, une perte ou une augmentation
du poids, un mauvais sommeil...,
suspecter un problème de santé non
diagnostiqué et l'adresser à son
médecin-traitant.
Mauvaise haleine
associée à une maladie
gastro-intestinale
Si le patient présente des signes fréquents
de brûlure d'estomac, de douleurs
stomacales, des régurgitations
répétitives, une laryngite spontanée,
suspecter une origine gastrique et
l'adresser vers son médecin-traitant.
Mauvaise haleine
en rapport avec
une prise alimentaire
Certains aliments fortement odoriférants
peuvent entraîner une halitose
transitoire.
Un traitement
adapté
L'objectif du traitement de la mavaise
haleine d'origine buccale est de réduire
le nombre de bactéries, le volume
de CSV en les transformant en CS
non volatils. L'atteinte de cet objectif
sera confirmée par la réduction du
score organoleptique.
• En cas de xérostomie d'origine
médicamenteuse, le dentiste demandera
au médecin-traitant de changer,
dans la mesure du possible, le principe
actif utilisé.
• Le dentiste pourra donner des
conseils alimentaires : réduire la composition
en protéines des repas.
Multiplier les prises alimentaires ou
de boissons, l'halitose chutant pendant
les 3-4 heures qui suivent.
• Le dentiste fera une motivation au
contrôle de plaque (révélateur de
plaque, brosse à dent adaptée, instruments
interdentaires : fil, brossettes ou
bâtonnets). Il traitera la maladie
carieuse et ses conséquences, la maladie
parodontale si elle existe et révisera
si nécessaire la dentisterie inadaptée.
Action mécanique
En cas d'atteinte parodontale, il a été
récemment proposé une désinfection
totale de la cavité buccale avec détartrage-surfaçage
radiculaire complet
en 24 heures et application de chlorhexidine
dans toutes les niches intrabuccales
(rinçage des poches, spray
sur les amygdales...).
En cas de présence d'un enduit lingual,
il est possible d'utiliser une
brosse à dent pour l'éliminer, mais il
10 Formation M dico-Dentaire Continue

Fig. 11 - Intérêt du gratte-langue Halita®
est plus efficace d'employer un grattelangue
(fig. 11) dont la forme est
adaptée à celle du dos de la langue. Il
s'agit d'un instrument très performant
puisqu'il a été montré que l'élimination
quotidienne de l'enduit lingual
avec un gratte-langue entraîne
une réduction de plus de 50% du
volume de CSV émis.
Action
antimicrobienne
La mauvaise haleine d'origine buccale
étant associée à la présence de bactéries,
il est logique d'utiliser des agents
antimicrobiens. De nombreux bains
de bouche sont disponibles et sont
Conclusion
Le traitement
supposés lutter contre la mauvaise
haleine. Bon nombre d'entre eux
contiennent de l'alcool qui est un excipient
habituel, mais qui entraîne aussi
une sécheresse des tissus buccaux.
Cette dessiccation peut, par un effet
rebond, accentuer l’odeur dèjà présente.
De nombreuses substances ont montré
une activité sur les CSV (fig. 12).
La chlorhexidine est la molécule de
référence, mais les solutions à base
d'ions métalliques, particulièrement
celles qui contiennent du zinc, ont une
forte affinité pour les composés sulfurés
et une activité anti-plaque. Le chlorure
de cétypyridinium, le triclosan
associé au zinc et l'eau oxygénée permettent
aussi la réduction des CSV.
Puisque 80 à 90% des problèmes de mauvaise haleine sont d'origine buccale
et que la compréhension de ces situations s'améliore avec les recherches, il est
aujourd'hui logique que ce problème soit pris en charge par le praticien au
cabinet dentaire.
Le traitement de la mauvaise haleine est un axe de développement de notre
exercice qui amènera de nouveaux moyens de diagnostic et de nouvelles
approches thérapeutiques.
Remerciements au Dr Marder pour ses conseils éclairés
• Chlorhexidine • Chlorure de Cétypyridinium
• Bicarbonate de soude • Chlorure de Benzalkonium
• Eau oxygénée • Composés phénoliques
• Triclosan & Zinc • Cathéchines
• Chlorure de Zinc • Sanguinarine
• Lactate de Zinc • ...
Fig. 12 - Les principes actifs utilisés dans le traitement de l'halitose
Bibliographie
BOSY A., KULKARNI G.V., ROSENBERG M.
et Mc CULLOCH C.A.G. - Relationship of
oral malodor to periodontitis : evidence of
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Sélection de Sites Internet
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http://www.breath-care.com/cause.html
http://www.dent.ucla.edu/ce/inperson/99/BreathOdor/
http://www.halimeter.com
http://www.tau.ac.il/~melros/
Formation M dico-Dentaire Continue 11
PARODONTIE

Antécédents
médicaux et dentaires
Problèmes médicaux
• Consultation médecin
• Prise en charge médicale
• Halimètre et suivi
La mauvaise haleine
Organigramme décisionnel
Patient se plaignant d’halitose
Mesure
des CSV
Problèmes
bucco-dentaires
• Nature du problème
• Dent et/ou parodonte
• Langue
• Halimètre et suivi
ID F ormation M dico-Dentaire Continue - 40 avenue Bugeaud - 75784 Paris cedex 16
Tél 01 56 26 50 00 - Fax 01 56 26 50 01 - Url www.information-dentaire.com
COMITÉ ÉDITORIAL : Jean-Jacques Lasfargues, Franck Decup, Dominique Guez, Charles-Daniel Arreto
12 Formation M dico-Dentaire Continue

Les inlays en pâte à sel
Formation M dico-Dentaire Continue 13
PARODONTIE